Non.
Bien qu'ils soient appréciés et reconnus dans une petite niche de la scène Black française, Les Chants de Nihil se font assez discrets. Ils reviennent quatre ans après "Propagande Erogène", et continuent sur la même lignée tout en faisait un léger un clin d'oeil à leur terre natale en diffusant ce nouvel essai sous l'appellation"Armor". Si la pochette, encore une fois réalisée de la main de Jerry, avait été dévoilée depuis un certain temps, l'annonce d'un nouvel album semble en surprendre plus d'un.
On ne change pas certaines habitudes donc, et cela sort encore une fois chez Dernier Bastion. Pourtant, l'album surprend, dès la première écoute. Les fans de "La Liberté Guidant Le Fer" risquent d'écarquiller les yeux, car ce nouvel opus reste dans la lignée de son prédécesseur, "Propagande Erogène", qui contrastait déjà bien avec les débuts du groupe.
La production est la meilleure que le groupe ait pu avoir. On note une grande évolution depuis les premières sorties, bien que celles-ci aient eu leur charme de cette manière. Oubliés, les grésillements des "Six Leçons", Les Chants de Nihil proposent une nouvelle formule sur les bases de "Propagande Erogène", propre, carrée, pro. Egalement moins sombre en un sens, on sent que le propos général a monté d'un cran en maturité et souhaite maintenant passer à autre chose, s'attaquer à des sphères plus personnelles pour Jerry. Premier indice, le titre "Là Où Nous Etions Les Rois" en écho à "Là Où Nous Sommes Les Rois" sorti en 2010.
Les compositions sont toujours reconnaissables entre mille, avec ce son de guitare assez clair, ces structures où le rythme a trouvé sa place, sans vouloir impressionner quiconque. Les Chants de Nihil m'ont toujours donné cette impression de proposer un Black tranquille, sans prétention, hors des normes et assumé. Personne ne cherche à être le plus noir, le plus violent, le plus dépressif, et c'est finalement ce qui fait la particularité et l'originalité du groupe.
Le chant a, cependant, bien évolué. Celui-ci a toujours été un point fort du groupe pour son efficacité, et son timbre particulier. A cela s'ajoute cette déclamation en français qui nous permet de comprendre assez facilement de quoi il est question. "Armor" nous montre qu'il arrive de mieux en mieux à se décliner sous différentes formes en restant maîtrisé, en laissant quelques subtilités çà et là. Sur certains passages moins hurlés, l'addition du français, de l'intonation et du timbre laissent un écho à Hreidmarr bien que les deux personnages n'aient finalement rien à voir l'un avec l'autre. On apprécie également que la voix semble quelquefois plus carverneuse, l'exemple type restant "Comme Une Sale Envie" où la nouvelle manière d'aborder le chant m'a le plus frappée.
Cela va de pair, les textes ont toujours été un des points forts indéniables du groupe. Ils sont encore une fois un vrai régal pour les yeux qui les parcourent, ainsi qu'une nouvelle fois assez compréhensibles grâce à un chant assez bien articulé. Tout en subtilité, de la poésie faite de clin-d'oeils, de jeux sur les mots et de jeux d'adultes. On joue sur les mots mais on garde la mélancolie intacte : "Enfants de pluie plus que de putes" reste le maître-mot, en ouverture de "Roule Et Enrôle".
Contrairement au précédent qui, malgré ses parts épiques, était assez sombre et sale tant dans la composition que les textes, ici l'album semble presque lumineux. Le plus bel exemple reste "Là Où Nous Etions Les Rois" et ses élans chaleureux en écho au titre "Là Où Nous Sommes Les Rois" bien plus ancien, rendant une atmosphère de nostalgie sans regret. Sa partie finale est réllement touchante avec quelques phrases, reprises en choeur, simples et sincères, sérieuses également, mais en gardant un côté camaraderie qu'on a toujours eu chez Les Chants de Nihil.
On garde tout de même quelques titres qui tabassent bien, le groupe ne fait toujours pas dans la dentelle bien que la violence de la composition ne soit ni la priorité ni même le but recherché. "Comme Une Sale Envie", "Roule Et Enrôle", ou encore "Rideau De Chair" ont gardé cette hargne dont le groupe ne s'est jamais délesté, malgré les choeurs et une guitare mélancolique. Elle se manifeste par une batterie toujours bien présente, mais qui a quelquefois tendance à sonner creuse, métronome, manquant un peu de rondeur. A l'inverse, la basse m'avait déjà marquée sur le précédent album, comme étant l'un de ces petits détails subtils qui rehausse directement le niveau de composition. Je retrouve ici, la même impression sur "Aux Flambeaux", que ce que j'avais noté pour "Fête De La Fédération".
"Armor" est juste assez similaire au précédent, et différent de celui-ci, pour attiser notre curiosité. Il en ressort que l'album est excellent dans son ensemble, mais seuls quelques titres sortent du lot et viennent sur le devant de la scène, entre autres le duo très intense "Comme Une Sale Envie" et "Là Où Nous Etions Les Rois", qui ont également l'avantage de proposer des idées très différentes de la globalité des sorties Black actuelles. L'album est blindé de subtilités mais certaines, une fois l'effet de surprise passé, ne sont plus si exceptionnelles. "Armor" reste un album mature, qui poursuit le chemin qu'a emprunté le groupe et qui se retourne quelquefois pour jeter un coup d'oeil derrière lui, tissant un lien avec le chemin parcouru : un album qui garde alors un rôle important dans la discographie du groupe.
1. La Crue
2. Comme Une Sale Envie
3. Lune Rousse
4. Roule Et Enrôle
5. Là Où Nous Etions Les Rois
6. Rideau De Chair
7. Les Bois Innervés
8. Aux Flambeaux