Hellfest 2022 - Partie 2 - Jours 3 et 4
Open Air - Clisson
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
La dernière ligne droite. Les corps sont fracassés par déjà 5 jours de Hellfest. Il fait de nouveau chaud - plus acceptable, certes, que le weekend précédent - et l'épisode péniblement pluvieux du vendredi s'en est allé. Quelques brèves averses, encore, mais rien de bien méchant et rien qui ne réveillera un quelconque stress post traumatique à ceux qui ont vécu le Hellfest 2007 et la fin du Hellfest 2012.
Comme sur les précédentes parties du report de ce Hellfest hors norme, vous retrouverez ci-dessous notre émission de débrief ainsi que nos commentaires sur les différentes prestations suivies.
Retrouvez par ailleurs notre report des journées de jeudi et vendredi de ce Hellfest 2022 Partie 2.
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Samedi 25 juin 2022 - Jour 3
Groupes évoqués : Les chants de Nihil | Nero di Marte | Martyrdod | Autarkh | Fejd | Slift | Eluveitie | Epica | Airbourne | Draconian | Guns n Roses | Conviction | Moonsorrow | Converge | Blind Guardian
Les Chants de Nihil
Varulven : Dernier jour au Hellfest pour ma part, et je commence cette ultime étape de mon voyage à Clisson par du Black Metal. Les Chants de Nihil sont un groupe que je connais bien sur un plan scénique, pour les avoir vu un bon nombre de fois dans des petites dates Black Metal français. Il en résulte toujours des prestations hargneuses et belliqueuses, entre esprit vindicatif du BM et un lyrisme ciselé typique de la langue de Molière. Je partais donc confiant sur la teneur du propos, surtout avec un dernier album qui poussait encore plus loin ce travail mélodique pour une aura toujours plus grandiose et noble. Sauf que... non. Malgré une véritable présence scénique des Bretons, les nouveaux morceaux n’arrivent pas à être sublimés par le live, la faute à une mise en son assez hasardeuse, qui ne laissait aucune place aux mélodies fines et travaillées du dernier album. Pire, il était difficile de reconnaître les riffs et d’être emporté durant les 20 premières minutes du set, un défaut qui sera légèrement corrigé après, mais sans que le rendu soit incroyable pour autant. Notons tout de même l’attitude méritante des musiciens, qui nous ont quand même offert un show qualitatif, mais entaché par un manque de confort en terme de son. Et dans un festival de cette envergure, cela est toujours dommage.
Nero di Marte
Michaël : Nero Di Marte est un groupe de metal expérimental originaire de Bologne, en Italie. En parcourant les groupes du running order du Hellfest, j’avais coché la case de certains groupes à découvrir (groupes inconnus ou jamais vus en live), dont celui-ci. Le groupe a déjà sorti quatre albums (le premier sous un autre nom) et n’a jamais réellement "percé", notamment du fait d’une musique loin d’être facile d’écoute et qui peut en laisser plus d’un sur le carreau. Il n’y aura certainement pas de name dropping dans ces quelques lignes sur le groupe car, pour l’essentiel, leur musique est très originale et il y a peu de point de comparaison possible. Un Ulcerate moins agressif et plus atmosphérique ? Peut-être ; cela revient souvent dans la discussion. Quoi qu'il en soit, Immoto, leur dernier opus, m’avait bien transporté . En live, car c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, la sauce a plus de mal à prendre. Les lenteurs perturbent un peu à cette heure de la matinée et il n’est pas aisé de se plonger dans la musique des Italiens. Immoto et Sisyphos font malgré tout leur petit effet et je ne regrette pas d’être arrivé aussi tôt sur le site du festival pour commencer cette longue journée du samedi.
Martyrdod
Di Sab : Einstein énonçait qu’il y a deux choses infinies : l’univers et la bêtise humaine, "et pour l’univers je ne suis pas sûr". Heureusement, votre serviteur est là pour tenter de confirmer que notre bêtise est infinie en se tapant Martyrdod avant midi ! Sleap vous dira que c’est de la crust de poser parce qu’il y a des mélodies, mais la proposition est surtout parfaitement conne au vu de l’horaire. Malgré tout, le résultat fut frais : en dépit de l’affluence quasi nulle et l’horaire matinal, le quatuor occupe bien la scène et semble prendre un réel plaisir. Mention spéciale au chanteur/guitariste dont le jeu de scène consiste à faire des petits pas sur place ; ne change rien ! Musicalement, la dimension urgente et agressive est compensée par de multiples leads et soli pas toujours nécessaires mais rarement désagréables ! Un bon moment pas mémorable comme le Hellfest nous en offre en quantité chaque année.
Autarkh
Varulven : Après le rendu brouillon du concert des Chants de Nihil, je craignais de subir la même chose avec Autarkh. Groupe né des cendres de Dodecahedron, les Néerlandais continuent de suivre le sillon tracé par Deathspell Omega et toute la scène qui en découle. Celui d’un Black Metal dissonant et déstructuré, aux ambiances froides et torturées. A cela près que Autarkh se permet d’enrichir sa musique de couches Electro Indus pour rajouter un ingrédient plus lourd et martial. Et tous ces éléments ressortent parfaitement lors de ces 40 minutes. Son énorme et (trop) fort, le quatuor déroule leurs mélodies sinueuses et dérangées, appuyées par la cacophonie de samples cauchemardesques et les martellements de BAR épileptiques. Brutal, déshumanisé et sans concession. Ainsi nous avons vu et écouté Autarkh.
Fejd
Varulven : Pour tout amateur de musique Folk et de mythologie nordique, c’est toujours un plaisir de voir Fejd. D’abord fondé comme un projet 100% acoustique, c’est progressivement qu’une instrumentation Metal est venue se greffer pour apporter un surplus de puissance. L’espace d’un instant, les Suédois ont réussi à transformer la Temple en mode Cernunnos Pagan Fest. Airs de nyckelharpa dansants et lignes de chants graves et solennels nous content nombres d’histoires fascinantes d’un autre temps, avec toujours un petit ton de mélancolie typiquement suédoise dans les refrains, par ailleurs très accrocheurs et faciles à chanter. Seul petit point noir, la structure des chansons étant assez similaire, une personne trop pointilleuse ou non familière avec le groupe peut se sentir lassée. Dans mon cas, je retiens surtout que Fejd aura su m’extirper du marasme bruyant de la foule pour me faire partir loin, très loin. Et hors du temps.
Slift
Di Sab : Dans ce site, vous avez déjà eu l’opportunité de lire tout le bien qu’on pense d’Ummon et de Slift, par extension. Véritable ovni qui a ébloui 2020, cette immense pièce de rock psychédélique qui lorgne vers le krautrock, le stoner voire le post metal sur certains pans, a voyagé à travers le monde. Aujourd’hui, il est temps pour Slift de récolter les fruits de son succès en propulsant une Valley bien remplie (comme souvent au Hellfest quand on se retrouve face à un groupe français). Les ayant vu très récemment au Petit Bain, ce concert permet juste de confirmer que Slift est prêt à passer au niveau supérieur. A jouer dans plus grand, devant plus de monde. Après, le mapping est le même (la sphère qui tourne pendant Ummon puis des plans plus abstraits de type bug de Windows 98). Si Slift a eu le succès qui est le leur actuellement, c’est notamment grâce à une session KEXP où on retrouvait vraiment cette energie hyper pure de la part du groupe, cette façon d’interpréter en incarnant le truc - aussi abstrait soit-il -, ce qui sublime la massivité du son du groupe. Malgré le fait que le groupe soit un trio, la scène est loin d’être trop grande pour eux et il est hyper agréable de voir les titres, plutôt techniques, parfaitement interprétés et de manière non statique de surcroit. Autant la dimension non intimiste du set ne le fait pas perdre en qualité, le son était suffisamment massif pour toucher tout le monde, autant j’ai trouvé relativement dommage (bien que nécessaire) le fait que le groupe joue en plein jour. L’immersion fut meilleure dans la pénombre, mais le set restant tout de même d’un professionnalisme remarquable.
Eluveitie
Michaël : Cela fait des années que je n’avais plus vu Eluveitie en live. Dans ma jeunesse (!!) j’avais beaucoup suivi le groupe, lors de la période des frères Kirber puis du duo Anna Murphy / Mery Tadic. Depuis lors, 650 changements de lineup plus loin et quelques albums sincèrement insipides, me revoilà à pouvoir apprécier ce que donne le groupe sur scène. Et la « magie » a réellement disparu. Alors que de nombreux groupes folk inondent désormais le marché d’une musique traditionnelle très travaillée et poussée (de nombreux exemples lors de ce weekend, du reste, avec Wardruna, Heilung ou encore Nytt Land), Eluveitie reste au milieu du gué avec une musique davantage Metalcore / Death mélo avec quelques instruments traditionnels. Le résultat est un peu doucereux et donne un peu l’impression d’une foire à la saucisse sur scène, avec beaucoup de membres dont peu sont réellement utiles, avec seul Chrigel qui se démène dans tous les sens. Je ne retrouverai jamais le plaisir de la découverte de Slania et Spirit ; le groupe ne joue d’ailleurs que peu de titre de ces albums, préférant son dernier opus Ategnatos (Ambiramus, Deathwalker, Rebirth) ou bien encore Helvetios (A Rose for Epona, Havoc). Quoi qu’il en soit, le groupe fait son bonhomme de chemin et un large public pressé devant la Mainstage 2 me fait dire qu’il a encore de beaux jours devant lui.
Epica
Michaël : Les Néerlandais d’Epica ont toujours ce petit supplément d’âme en live. Même si leur musique, avec beaucoup d’orchestrations, est parfois un peu kitsch, le groupe n’a jamais sombré dans des prestations trop théâtrales ou un peu grotesques. Simone n’abuse jamais de petits effets un peu mièvres comme d’autres chanteurs et chanteuses qui évoluent dans le même registre ou dans des registres similaires. Même si j’ai complètement arrêté de suivre le groupe depuis la sortie de Design Your Universe en 2009, j’ai toujours plaisir à les revoir en festival, surtout quand ils nous gratifient encore de titres des deux premiers opus. Bon, cela n’a pas tellement été le cas aujourd’hui, en dehors des classiques Cry For The Moon et Consign to Oblivion, venue clore le set. Petit plaisir toutefois avec Sancta Terra et The Obsessive Devotion issus de The Divine Conspiracy, qui passent très très bien sur scène. Avec un son très bon, en dépit d’orchestrations encore et toujours sous-mixées, la prestation du jour a été solide.
Airbourne
Michaël : Airbourne en live, c'est tout sauf surprenant ; c'est même le truc le plus convenu du monde. Tu sais que ce sera exactement le même show que la dernière fois : la bière que le chanteur s’éclate sur le visage, le passage dans le public et le pit photo, les mêmes mimiques et grimaces. De même, on ne peut pas dire que la setlist varie beaucoup, le groupe aimant faire des setlists de festival aux allures de best of de ses tubes. Le groupe étant déjà programmé au premier Hellfest, mais pour une durée légèrement plus courte, je m’étais dit que je privilégierai cette seconde prestation. D’après ceux qui ont assisté aux deux shows, il s’agissait plus ou moins d’un copié/collé avec quelques titres ajoutés ici ou là. Mais ne boudons pas pour autant notre plaisir ! Si ce type de hard rock festif à la AC/DC vous plait, et que la personnalité de O’Keefe ne vous gave pas, vous avez certainement apprécié le show. Malgré le coté un peu excité sur scène, cela reste carré, précis et vraiment hyper efficace en festival. La bonne humeur est palpable et sa reste un immense shot de sourire. Le nombre de slammeurs et autres mouvements est sincèrement impressionnant pour une Mainstage, et témoigne de ce petit effet Airbourne qui fait la réputation du groupe. Le final Live It Up / Raise the Flag / Running’ Wild aura fini d’achever le public clissonnais, désormais bercé par un beau soleil. A défaut d'être surpris, on est quand même ravi.
Draconian
Varulven : C’est un moment unique que je m’apprête à vivre sous la Altar. Draconian, groupe de Doom/Death Gothique, va donner un concert chargé de symbolique. Le dernier avec Heike Langhans, chanteuse actuelle, ayant permis au groupe de passer un certain cap avec Sovran. Mais aussi le premier annonçant le retour de Lisa Johansson, première et vocaliste historique de Draconian. Ce Hellfest 2022 sera donc le théâtre d’un concert fort en symboles. Le premier réunissant les trois chanteurs historiques, pour une sorte de bilan de ces deux décennies sous le signe de la sombritude. Puis l’autre matérialisant la passation de micro entre Lisa et Heike. Les deux chanteront chacune deux chansons en solo, avant de chanter les trois dernières ensemble, dans une harmonie artistique, un respect et une émotion commune frisant le sublime. Les extraits de Under a Godless Veil nous enveloppent dans ce voile brumeux et grisâtre, l’effet de recueillement recherché fonctionnant d’ailleurs bien mieux que sur l’ album. La noirceur de Heavy Lies a Crown et Pale Tortured Blue nous écrasent sous un monolithe d’une noirceur opaque. Et la romantique Bloodflower nous titillent la corde sensible en nous mettant à nu, face à nos plus intimes émotions. Générosité, intensité et lâcher prise furent au coeur d’une prestation ayant uni et immortaliser le groupe. Sur un possible support live. Mais surtout dans nos coeurs et nos âmes.
Guns N Roses
Di Sab: : Il y a un truc bien chez Guns N Roses : leur arrogance les pousse à jouer rapidement des tubes alors que le show dure 3 heures. On soupçonne chez Axl Rose une pensée de type « donnons à ces posers ce qu’ils veulent afin que seuls les vrais restent ». Il y a un truc de nul à chier chez Guns N Roses : Axl Rose. Sa voix, à l’instar de son physique, n’est plus que l’ombre d’elle-même. It’s so Easy, Mr Browstone et Welcome to the Jungle sont massacrés malgré les efforts de Duff et de Slash. On a eu ce qu’on voulait, on se casse pendant une reprise de Back in Black hyper gênante. C’est bon oui ?
Conviction
Varulven : L’annulation de My Dying Bride est l’un de mes gros regrets du festival. Grand fan du groupe et de la scène Doom/ Death Gothique en général, j’étais très excité à l’idée de retrouver les Britanniques, six longues années après les avoir vu pour la première et unique fois. Rajoutez à cela l’annulation de Katatonia le jour même et ma frustration de ne pas voir assez d’apôtres atrabilaires pour mon ultime journée grandissait. Appelés au pied levé comme groupe de remplacement, les Franciliens de Conviction semblaient, à défaut d’avoir déjà un gros nom, être un choix intéressant. Leur premier album sorti l’an dernier m’avait beaucoup parlé et figurait même dans le haut du panier de mes coups de coeur de l’année. Jusque là habitués à des dates plus modestes, la seule inquiétude était de savoir si une scène et un slot aussi important n’allait pas être trop intimidant pour un groupe assez récent. Récent oui, mais tout de même composé de vétérans de la scène Black et Doom parisienne ayant déjà pas mal d’expérience dans pas mal de projets différents. Les quelques doutes de départ s’estompèrent dès le premier accord de Voices of The Dead, puis par l’ensemble qui a suivi. Servi par un énorme son Doom, lourd et massif, Conviction a offert aux gens de la Altar un excellent hommage au Doom traditionnel, dans une approche tellement orthodoxe du style qu’elle en exaltait toutes les composantes. L’atmosphère pachydermique et lugubre ressucita l’esprit de Cathedral, l’esprit rock n’roll nous rappela au bon souvenir d’un Saint Vitus ou Pentagram, tandis que les quelques envolées épiques et harmonies mélodiques invoquaient le grand Candlemass. Après une ultime reprise du Born too Late de qui vous savez, qui chargea de nous achever, Conviction tira sa révérence sous les clameurs du public. Et dans une réputation d'artiste en devenir de notre belle scène hexagonale.
Moonsorrow
Varulven : Dernier concert sous la Temple, et je m’attends déjà à être ébloui. Moonsorrow, fer de lance (que dis-je, dieux) de la scène Pagan/Black Metal, s’apprête à jouer. Les prestations live des Finlandais sont toujours à la hauteur de la richesse de leurs albums, offrant toujours une expérience auditive et sensorielle qui fait appel au grandiose et à l’épique. Et point d’exception pour ce soir ! Moonsorrow nous entraîne dans leur univers mystique et onirique, chaque morceaux comportant son lot de rebondissements, de nuances d’intensité, de montées échevelées. Ses pics de génie. On pourra juste regretter l’abscence de certains titres figurant parmi les plus catchy, comme Jumalten Kapunki ou l’ultime Sankaritarina, qui emporte à chaque fois le public dans un élan conquérant. Hormis ces quelques détails pour chipoter, Moonsorrow est resté constant dans l’excellence. Sans se surpasser certes, mais en demeurant sur la ligne à laquelle ils m’ont habitué depuis que je les connais.
Converge : BloodMoon
Di Sab : Vraie bonne idée que cette version améliorée de Converge en guise de tête d’affiche de la Valley. Rejoints par Chelsea Wolfe et le guitariste de Cave In pour des reprises des titres les plus doux de Converge au Roadburn, le collectif a sorti l’année dernière l’excellent Bloodmoon. Hyper versatile, riche et puissant, les ambiances développées dans l’album sont incroyables : tantôt nerveuses, tantôt dansantes, sensuelles ou menaçantes ; chacun semble trouver sa place dans le projet. Au-delà des raccourcis faciles de type musique pour abonnés à New Noise tatoués, le pont entre l’univers de Chelsea Wolfe et celui de Converge n’était pas évident à concevoir et c’est hyper enthousiaste que je me présente sous la Valley.
En échangeant a posteriori, les avis sur le concert sont mitigés, notamment à cause du son : hyper fort et sans la moindre subtilité, le volume est à la limite du tolérable sans bouchons. De surcroît, Chelsea Wolfe était très très peu audible dans le mix alors qu’elle est celle qui chante le plus. L’absence de subtilité ne permet pas de réellement profiter pleinement des titres : Viscera of Men devient par exemple une espèce de décharge nerveuse où toute la dimension un peu schizophrénique du propos n’est pas perceptible en raison du mix brouillon. Cet aspect s’améliore au cours du set et à partir de Scorpion’s Sting on profite pleinement de la voix de Chelsea Wolfe. Le point d’orgue étant le titre de fermeture Blood Moon parfaitement retranscrit qui laisse un goût amer dans nos bouches : si tout le concert avait pu être comme ça, il aurait figuré très largement dans les meilleurs instants du festival. Car au-delà de ça, il n’y a tellement rien à redire. Jacob Bannon est possiblement le frontman le plus charismatique du week end. Col Mao, air strict, tel un boxeur, il se balance comme s’il livrait un combat contre lui-même avant d’exploser dans son micro. Chelsea est fidèle à elle-même, en retrait quand elle ne chante pas, mains jointe, toujours plus froid et cadavérique, en contraste parfait avec la fougue de Bannon. L’album s’appelant BloodMoon I, je suis confiant dans l’idée de pouvoir revoir le collectif dans de meilleures conditions. La prochaine fois sera parfaite.
Blind Guardian
Varulven : Pour clore mon festival, je me dépêche de rejoindre la Mainstage une fois le concert de Moonsorrow fini. J’espère bien avoir une place de choix pour voir ce qui est ma grosse attente de ce Hellfest 2022. Et de fan de Metal, par la même occasion. Les bardes de Blind Guardian sont en effet l’un de mes groupes fétiches en terme de Power mélodique. Et sans aucun doute le meilleur, le seul n’ayant pas sombré dans toute la ribambelle de niaiseries « Happy Metal » repompant les mélodies de Kai Hansen. Au contraire, Blind Guardian a toujours cherché à progresser, passant d’un Speed Metal thrashisant à un Heavy/Speed mélodique et sophistiqué, support pour des récits fantastiques et des arrangements folk. Puis, la musique des Allemands s’est enrichie, densifiée, pour nous fournir des albums ambitieux, où Opéra, Symphonique et Prog se côtoient. Mais malgré l’intérêt que représente ces dernières sorties, ce sont bel et bien les classiques que tout le monde veut entendre ce soir. Leur souhait sera exaucé. Pendant une heure et demi, Hansi et ses collègues déroulent une succession d’hymnes tous plus tubesques les uns que les autres. Leads effrénés de guitares, riffs tranchants, ornements folkisants de toute beauté. Et surtout, des refrains imparables, rendus plus épiques par les choeurs et sur lesquels nous nous sommes égosillés jusqu'à en perdre toute dignité.
Je ne compte plus le nombre de passages qui m’ont rendu fou, qui m’ont fait soulever mon coeur et cracher mes poumons. Et , cerise sur le gâteau, le groupe a choisi d’interpréter Somewhere Far Beyond en intégralité. Une aubaine pour les fans de la première heure de tubes intemporels tels que Time What is Time, Journey Through The Dark, ou bien le titre éponyme. Puis, viens le moment de grâce attendu par toute l’assistance. The Bard’s Song, chantée par toute l’assistance dans une clameur des plus émotives. Les frissons, les larmes viennent. Puis, le groupe conclut cette parenthèse enchantée avec les fédératrices Valhalla et Mirror Mirror, histoire de nous achever . Faisant durer le plaisir, pour que nous puissions hurler les paroles en boucle, et même après que les musiciens viennent nous saluer. Blind Guardian nous a donné un leçon de Heavy Metal, et de communion musicale entre un artiste et son public. Une fenêtre vers un univers fantasy s'est ouverte pendant une heure et demi, car comme l'a si bien dit Hansi, en guise de petite pique à un certain groupe américain habitué des annulations en festival : "Other bands play, but we make the magic".
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Dimanche 26 juin 2022 - Jour 4
Groupes évoqués : Spiritbox | Year of No Light | Demilich | Blood Incantation | Midnight | Cult of Fire | Lionheart | Bullet For My Valentine | Archgoat | Bring Me The Horizon | Pentagram | Mercyful Fate | Carcass | Orange Goblin | Metallica
Spiritbox
Michaël : Petite découverte live du jour, pour commencer ce dimanche de cloture du festival, avec les Canadiens de Spiritbox. J'avais déjà pas mal écouté leur album Eternal Blue, sorti en 2021, puisqu'il s'agit en réalité d'un jeune groupe né des cendres de Iwresteledabearonce. Il évolue dans un style assez difficile à décrire. Une sorte de cocktail avec du Metalcore, un soupçon de djent, un soupçon d'électro et quelques passages qui confinent au Deathcore ; le tout avec une alternance chant clair / growls. En live, c'est propre, carré et le groupe arrive parfaitement à faire sienne une scène pourtant rendue trèèèèès grande par le snake pit de Metallica déjà en place. Sans surprise, Circle With Me est excellente, portée par une Courtney LaPlante hyper propre et juste. Si Blessed Be et I Hurt You sont un peu plus génériques (en live, j'entends), tout reprend de plus fort avec Yellojacket et, surtout, Holy Roller qui est juste terriblement efficace. A revoir sur petite scène, assurément !
Year of No Light
Di Sab : La sortie de Consolamentum chez Pelagic a fait beaucoup de bruit en 2021. La résurgence de l’épidémie de Covid a empêché la tournée de février d’avoir lieu. C’est donc enthousiaste mais conscient que les conditions ne seront pas optimales que je m’apprête à voir les Français pour la première fois. Un peu comme Bongripper en 2017 et Yob en 2019, la durée des titres fait que la plage horaire ne permet pas de profiter pleinement. 3 titres, deux du dernier album, un de Tocsin, une exécution parfaite à un horaire où le post-Metal des Bordelais n’est pas ce qui nous fait le plus envie. Etant moins sensible à toute la partie instrumentale de leur carrière plutôt qu’à Nord, j’ai conscience que je ne verrai YONL comme je l’aimerais de manière optimale. Difficile toutefois de ressortir de ce show avec autre chose que l’envie de les revoir en club.
Demilich
Sleap : Voici le moment idéal pour m’incruster dans ce monstrueux live report de 7 jours. Ayant fait le déplacement uniquement ce dimanche 26 pour un certain groupe, je vais tout de même passer une bonne partie de la journée sous l’Altar/Temple. Et quoi de mieux pour débuter que mon groupe finlandais favoris ! Ce doit être la septième ou huitième fois que je les vois depuis leur reformation en 2015 mais je ne m’en lasserai certainement jamais. Certes, le cadre open air ne convient guère au Death crypto-technico-gluant de Demilich, mais à ma grande surprise, le son est étonnamment assez bon. Ce sera d’ailleurs l’un des principaux points forts de cette brève édition 2022 me concernant : le son des tentes s’est grandement amélioré. Là où les groupes de Death ou de Black un tant soit peu opaques ne donnaient auparavant qu’une bouillie sonore, on parvient cette année à discerner à peu près les différents morceaux. Ce n’est pas encore le top mais la régie semble avoir fait un grand pas en avant !
Coté setlist nous avons droit à un peu plus de la moitié de l’unique album Nespithe ainsi que quelques morceaux issus des démos comme l’excellent …Slimy Flying Creatures… Je reste perplexe quant à l’ouverture de set sur le très Carcassien Inherited Bowel Levitation, un morceau qui convient bien mieux en clôture tant son final est explosif. Je déplore aussi l’absence des deux derniers titres de l’album, notamment Embalmed Beauty Sleep qui fait toujours mouche en live, mais je chipote déjà. Le peu de public présent en ce début de journée sous l’Altar ne m’empêche pas d’apprécier le show, et même le frontman Antti Boman semble content de revenir ici malgré un set de seulement trente minutes. Une bien bonne mise en bouche !
Blood Incantation
Sleap : En entendant Antti de Demilich blaguer sur le fait que Blood Incantation jouent au-dessus d’eux avec dix minutes de plus, je me faisais la même réflexion. Il me semblait en effet bizarre que les vétérans finlandais – et première influence de Blood Incantation – soient aujourd’hui amenés à « ouvrir » pour ce jeune quatuor américain de même pas 10 ans d’existence. Mais en (re)voyant le groupe sur scène j’ai finalement changé d’avis. Même si le combo de Denver s’est au départ grandement inspiré de Demilich, il est évident que cette influence – mais aussi plusieurs autres – ont été complètement digérées. Je ne m’en rendais pas bien compte malgré la « hype » d’il y a quelques années, mais Blood Incantation occupent aujourd’hui une place de premier plan dans la scène Death underground (ils ne jouent pas au Hellfest pour rien, me direz-vous). Et autant en studio que sur scène, les quatre musiciens ont développé une telle identité et une telle assurance que c’en est aujourd’hui bluffant !
Je ne vais évidemment pas prendre une aussi grosse claque que pour leur show en headliner du KillTown 2018 mais les Américains vont quand même laisser une forte impression. Bien que mes titres préférés comme le massif Vitrification of Blood ne soient pas joués ce soir, je suis content que la setlist ne soit plus du tout la même. En effet, comme Hidden Histories… n’était pas encore sorti à l’époque, nous n’avions eu droit qu’à l’excellent Giza Power Plant (alors inédit) au milieu d’une myriade de titres de Starspawn et des démos. C’est aujourd’hui l’exact inverse puisque la setlist est quasi-exclusivement centrée autour du second album. Même si ce n’est pas mon favori, c’est tout de même un vrai plaisir d’entendre ces titres en live, et en particulier l’immense pièce finale de 18 minutes Awakening from the Dream of Existence… et ses nombreux plans à la Schuldiner. Bien que le son soit assez correct, les vocaux de Paul Riedl sont tristement en retrait, il faut vraiment tendre l’oreille pour les percevoir. Et ce n’est pas le bref mais sympathique featuring du frontman de Demilich sur Inner Paths qui y changera quelque chose. Au-delà de ça, c’est encore une fois un concert impressionnant de la part du quatuor de Denver. Tout est carré, le batteur affiche un sourire jusqu’aux oreilles, ça headbang presque autant que dans le public et l’Altar se remplit de plus en plus au fil du set. Je suis toujours autant fan de Demilich, mais il est évident que Blood Incantation sont en passe de laisser sur la scène Death Metal une empreinte tout aussi grande, voire plus. L’avenir nous le dira…
Midnight
Sleap : Cela faisait bientôt sept ans que je n’avais pas vu Midnight, et mes attentes sont aussi hautes que mes craintes sont fortes en arrivant sous la Temple. En effet, je m’attends évidemment à passer un excellent moment tant le groupe est taillé pour le live, mais je crains aussi une surabondance de morceaux « récents » (comprendre post-2012) qui m’accrochent bien moins. Et cela va évidemment être le cas, car il faut bien que le groupe défende sa discographie. Mais paradoxalement, je suis loin de passer un mauvais moment. Certes, il manque beaucoup de mes titres préférés, mais on a droit à une ouverture sur Black Rock’n’Roll et à la classique doublette d’intro de Satanic Royalty en fin de set. Mais même au-delà de ça, la plupart des « nouveaux » morceaux joués sonnent bien mieux en live qu’en studio. Au départ assez timide, le public finit par se décoincer autour d’Evil like a Knife et la violence du pit n’ira que crescendo (l’écran de mon portable – pourtant dans ma poche fermée coté cuisse – finira à moitié brisé, c’est dire) !
Mais un concert de Midnight, c’est une intensité scénique au moins égale à celle de la fosse. En effet, le power trio va prouver au public clissonnais qu’il est toujours l’un des groupes live les plus survoltés de la scène MetalPunk actuelle. L’infatigable guitariste-chanteur Athenar-ou-le-jouet-de-la-fatalité (déso pour la ref de boomer) et son comparse bassiste-chanteur ne cessent de se déplacer sur scène et d’échanger leurs micros. Pas de fracassage de guitare en fin de set, mais on les voit grimper sur les retours, sur les amplis, sur la batterie et plus généralement sur tout ce qu’il est possible de gravir. Ils se payent même le luxe de descendre jusque dans les premiers rangs du public, au grand dam des agents de sécu qui ne sont pas habitués à ça. Leur dégaine perfecto cuir + cagoule noire intégrale + capuche a le mérite d’attirer les curieux (qui pensaient peut-être arriver devant un concert de Mgla mais qui vont finalement rester tant la rouste va être puissante). Bref, bien que ce ne soit pas mon meilleur concert des Américains, je passe l’un des meilleurs moments de la journée devant Midnight et leur attribue sans hésiter la palme du groupe le plus énergique du festival !
Cult of Fire
Sleap : Les Tchèques de Cult of Fire sont assez unique dans la scène Black Metal actuelle, tant par leurs thématiques orientales voire extrême-orientales que par leurs prestations scéniques pour le moins… intéressantes. En effet, leurs sets sont toujours visuellement impressionnants mais rarement convaincants musicalement (cf. notre report du Wolf Throne 2015). Et avec le show d’aujourd’hui, on passe un nouveau cap. On connaissait déjà les costumes et masques traditionnels du groupe, ainsi que leurs immenses bannières bariolées et leur autel à l’avant de la scène ; eh bien il faut croire que le budget scénographie a pris un joli coup de pied aux fesses. Après un lever de rideau cachant la scène, le quatuor apparait dans une configuration encore bien plus impressionnante. L’autel central s’est transformé en véritable tablée digne de La Cène de De Vinci qui prend toute la largeur de la scène. On y trouve tout un tas de chandeliers, de bougies, de plateaux et autres petites idoles ou statuettes. À l’arrière-plan une immense bannière affichant le logo du groupe aux allures de temple (pour une fois on colle avec le nom de cette scène du Hellfest), et de part et d’autre les deux guitaristes sont assis en tailleur (oui, oui) sur deux immenses trônes surplombés de gigantesques têtes de cobra. Et pour couronner le tout, les musiciens sont tous enveloppés de toges cérémonielles et de masques. Le chanteur, arborant d’immenses cornes de bélier, utilise même un micro-tête caché sous son voile noir pour pouvoir utiliser ses mains lors de ses rituels.
C’est bien simple, j’ai l’impression de me retrouver devant un nanard à gros budget de type Gods of Egypt. Si encore la musique suivait, je veux bien, mais là c’est simplement too much. La scénographie du groupe a beaucoup trop évolué par rapport à la technique des musiciens. C’est invraisemblable d’acquérir un tel attirail scénique quand on n’est toujours pas carré pour interpréter des morceaux vieux de 10 ans ! Les guitaristes enchainent les pains, le batteur est perpétuellement à coté (cette double grosse caisse bon dieu, faites quelque chose), et j’en passe… Mais contre toute attente, je vais finalement passer un moment très agréable grâce au frontman. En effet, comme je le disais plus haut, celui-ci va pratiquer tout au long du concert une série de petits rituels religieux sur son immense table. On le voit ainsi manipuler un plateau de fruits (?), verser du lait (??) sur de petites statuettes, remuer des crécelles, faire tinter des clochettes, etc. Et alors qu’il entreprend toutes ces petites manipulations, une série de répliques défile dans ma tête : « alors, un soupçon de lait », « une cuiller à café de sucre », « laisser frémir… », « maintenant, on remue pendant quelques secondes », *ding ding* « c’est prêt, tout le monde à table ! » je suis tout simplement mort de rire durant une bonne partie du concert. Comme une impression de regarder Un Dîner presque Parfait. Au final, je passe finalement un excellent moment, même si ce n’est pas pour les bonnes raisons. Plus sérieusement, si vous voulez un véritable live report de Cult of Fire, je vous conseille celui du Brutal Assault 2015 car le cadre open air d’un Hellfest en pleine journée ne convient absolument pas à un groupe comme celui-ci. Maintenant, une page de publicité, la semaine prochaine c’est Martine qui nous accueille pour le diner !
Lionheart
Di Sab : J’ai beau ne pas être le couteau le plus aiguisé du tiroir, même pour moi Lionheart c’est quand même trop con. Hardcore pour boy accro à Basic Fit, plus beauf qu’un Anglais en Thaïlande, tout est détestable, de la coupe en brosse du chanteur jusqu’aux sides drops « grillage de taule ». Et pourtant. Welcome to the West Coast a été un album important dans ma vie, il me renvoie à une époque précise de celle-ci et s’il est désormais hors de question de payer pour voir Lionheart en live, les festivals permettent des piqures de rappel bienvenues.
Même si j’ai lâché le groupe depuis 2014 et qu’aujourd’hui, le set est composé exclusivement de nouveautés, en écoutant un extrait par ci par là on se retrouve à être en mesure de chanter tout le set. Tout est insupportable. Les interventions du bassiste (une espèce de PNJ de GTA), quand le chanteur essaie de nous faire larmoyer avec son discours comme quoi la musique lui a sauvé la vie (le mec se permet de dire musique alors qu’il joue dans Lionheart). Les haters ont raison sur toute la ligne mais voilà, pour moi ça marche trop. Impossible de ne pas avoir envie de crever devant autant de bêtise, impossible de ne pas chanter le break de Hail Mary. Une honte.
Bullet for My Valentine
Michaël : C'est toujours amusant les concerts de Bullet For My Valentine. Tout le monde dénigre un peu le groupe, le renvoyant à son statut d'éternel groupe pour gamines (sic de ce que j'ai entendu à deux reprises sur trois minutes du premier titre) ; sauf que la Mainstage était blindée et que très nombreux sont ceux qui, après avoir laché un mot pas très doux à l'encontre des Gallois, ont entonné ou bougé bien comme il faut sur leurs vieux titres. Epoque collège/lycée ou pas, il est l'heure d'assumer TOUS vos goûts en 2022, les gens. Si vous aimez bien un groupe, aussi décrié soit-il, admettez vos plaisirs coupables.
Le groupe débarque sur scène avec Your Betrayal. Pas une mauvaise idée, avec sa longue montée en puissance. Mais le premier constat est surotut que le son est excellent. Le deuxième est que Matt a clairement retrouvé toute la puissance et la justesse de sa voix, qui faisait cruellement défaut lors des précédentes tournées. Troisième constat : c'est de loin le meilleur lineup que le groupe ait jamais eu. Jason Bowld est vraiment hyper dynamique derrière les fûts et Jamie Matthias est d'une justesse folle ; on peut même dire que le groupe a deux chanteurs, Jamie ne se cantonnant pas aux back vocals. Chaque concert ne fait que confirmer tout cela un peu plus. Quatrième constat : si les titres de Gravity sont parfois un peu doucereux, ils envoient plutôt bien en live. C'est en tous cas mon sentiment avec tout le recul que l'on a désormais. Enfin, dernier constat : quelle putain de claque en live ! Le groupe tabasse tellement plus qu'il y a quelques années ; que ce soit le son, la prestation ou le rendu sur scène des nouveaux titres dont l'excellente Knives. Le groupe a sincèrement pris une autre dimension ces dernières années, que cela plaise ou non.
Archgoat
Sleap : Dans un registre totalement différent de celui de Cult of Fire (mais toujours dans la scène Black Metal), Archgoat n’est pas non plus un groupe à voir dans le cadre du Hellfest. Leur musique ne s’adresse pas tellement à un tel public et se prête bien plus au cadre intimiste d’une petite salle. Cependant, c’est l’un de mes groupes de Black préférés et je ne vais évidemment pas bouder mon plaisir. Placé dans les premiers rangs j’apprécie finalement beaucoup le set des Finlandais, autant les anciens que les nouveaux titres. La rythmique primitive au possible, les samples d’intros, les sons de cloche sur les breaks, tout y est. On déplore juste un son de toms très en retrait, ce qui est assez improbable. Et je suis également étonné de l’absence de Dawn of the Black Light alors que le groupe interprétait ce titre lors des balances. Bref, c’est globalement un assez bon concert d’Archgoat mais qui n’égalera évidemment pas les prestations que j’avais pu vivre en salle.
Bring Me the Horizon
Di Sab : Dire que je suis monté tard dans le train BMTH relèverait d’un doux euphémisme. Je suis né en 1995, génération skyblog et MSN, moment où Olie Sykes obsédait de nombreux (et surtout nombreuses) jeunes tout en les dépouillant via sa marque de fringues, Dropdead. Ne trouvant aucun intérêt au Deathcore de BMTH, ce n’est que depuis qu’ils font cette espèce de Metal tourné résolument vers la pop et l’électro que je m’y suis mis. Car autant BMTH ne sont pas un modèle d’agressivité, autant peu écrivent des titres aussi accrocheurs. C’est sucré, ça suinte une nostalgie adolescente qui colle comme un parquet enduit de Manzana, souvenirs de ces soirées et de cette époque. Dès les premières notes de Can You Feel My Heart, il est évident que ce show sera exactement comme prévu. Tout est hyper millimétré, l’impression d’un show qui est copié/collé le long de la route, qui ne laisse aucune place à l’improvisation à part quelques clins d’oeils discrets au pays dans lequel le groupe joue (Olie porte un longsleeve en référence à Mylène Farmer). Le son est parfait, l’interprétation aussi. La foule réagit par contre de manière assez timorée et difficile de ne pas avoir un air gêné au moment où Sykes demande 3 circles pit mais n’en obtient qu’un. La setlist n’offre aucune friandise aux fans de Deathcore et se focalise sur le dernier EP (Teardrops, Paradise Eve, Obey et même Kingslayer sans Babymetal).
Malgré la dimension « préparée » du show, on sent une vraie chaleur et une vraie affection de la part de BMTH à l’encontre de ses fans. Sykes passe un long moment dans le pit photo à les étreindre. Les fans de free hugs qui doivent être légions dans la fanbase de BMTH apprécieront. Peut être que le seul bémol à noter est le grand écart entre la présence scénique de Sykes et les autres membres totalement effacés mais inutile de pinailler plus que de raison. Pro et propre.
Pentagram
Di Sab : On peut en rire, mais j’ai une relation mécanique à Pentagram. Vous me mettez Bobby en face de moi à n’importe quelle heure, à n’importe quel moment de ma vie, je suis le plus heureux des hommes. Et ce soir je ne suis pas le seul. La Valley est pleine quand Bobby débarque sur Sign of the Wolf ; et personne ne peut retenir son sourire de contentement. Une heure de karaoké, que des tubes à l’exception d’un Devil’s Playground. A l’instar de Sleap avec Carcass, j’ai innondé le site de report de Pentagram donc je me permets de faire vite. Le remplaçant de Griffin n’est pas Griffin mais il s’en sort très bien. Bobby donne toujours l’impression d’avoir 135 ans et tient toujours la scène de la manière la plus malaisante et efficace possible. 30 grimaces à la minute, des fessées, des grattages de bites en louchant, la facétie incarnée. La setlist est à tomber par terre avec notamment Be Forwarned (la mauvaise version) et Last Days Here qui me retournent comme à chaque fois. On peut pleurer l’absence de Death Row et surtout de All Your Sins mais en fait, après réflexion, difficile d’en avoir quelque chose à faire tant Pentagram nous donne.
Combien de concerts de Pentagram me reste t’il avant que Bobby ne casse sa pipe ? L’avenir nous le dira mais pour la Xième fois, le groupe nous a prouvé qu’il est une valeur plus que solide en live malgré la décrépitude toujours plus visible de Liebling.
Mercyful Fate
Sleap : Nous y voilà. Le grand moment. La légende. Le groupe qui m’a fait traverser la France seulement aujourd’hui (et la semaine suivante l’Espagne). La tournée de reformation de Mercyful Fate. Mon groupe de Heavy préféré, mais également un groupe très important dans le développement des scènes Metal extrême du début des années 80. Annoncée depuis plus de 3 ans, l’attente de cette tournée devenait insupportable. Et en voyant la scène cachée par un immense rideau noir à l’effigie du logo du groupe, je trépigne d’impatience…
Première claque : le visuel. Je ne m’y attendais pas, mais les décors théâtraux chers à King Diamond sont ici aussi de mise. Dès que le rideau tombe, nous sommes face à de grands escaliers de marbre blanc montant de chaque coté de la scène vers une loge centrale de laquelle sortira le King entièrement costumé. Il y retournera plusieurs fois pour changer d’attirail avant de se placer sur un balcon orné d’un grand pentacle métallique surplombant la batterie. Le tout sous une immense croix inversée luisant dans le noir. Le décor est planté, qu’en est-il de la musique ?
Et bien deuxième claque : à l’exception d’un nouveau morceau (qui l’eut cru ?) en début de set, la setlist enchaine tuerie sur tuerie. C’est bien simple, le groupe a compris ce que les fans attendent et interprètera uniquement des titres de la période 1981-1985 à savoir du premier EP et des deux premiers albums. On ne pouvait espérer mieux ! Je passe donc l’entièreté du set à me déchirer les cordes vocales sur Evil, Dangerous Meeting, Corpse without a Soul, Come to the Sabbath et j’en passe. Le clou du spectacle étant l’interprétation en rappel (!!!) de l’énorme pièce de 11 minutes Satan’s Fall. Malgré un son de guitare en dents de scie, je suis tout simplement comblé.
Placé au centre de la fosse, je finis le concert au deuxième rang tant la magie ne cesse de m’attirer. Je suis d’ailleurs ravi de voir que, même au Hellfest, bon nombre de personnes chantent (aussi faux que moi) les paroles du groupe. La seule véritable déception de ce set est finalement sa durée. Une heure ici alors que toutes les autres dates de la tournée faisaient une heure quinze voire trente. Certains titres comme Doomed by the Living Dead, Curse of the Pharaohs ou Melissa ne seront donc pas interprétés ce soir (à charge de revanche la semaine suivante au Rock Fest Barcelona). Mais lorsque le seul point faible d’un concert est qu’il est simplement trop court, je crois pouvoir dire qu’il s’agit d’une réussite. Comme le dira un ami plus tard, c’était l’Apparition ! J’ai vu Mercyful Fate en live, je peux à présent mourir tranquille…
Carcass
Sleap : C’est devenu une habitude dans beaucoup de festival mais particulièrement au Hellfest : Carcass est souvent l’un des derniers groupes à jouer. Pour beaucoup, cet horaire tardif est synonyme de fatigue et donc de concert oubliable (voire pas de concert du tout), mais pour moi c’est toujours une note absolument parfaite pour terminer la journée. C’est maintenant mon douzième concert des Anglais et je suis aussi épaté qu’au premier jour. J’avoue n’arriver qu’après quelques minutes de set car je voulais (re)voir Metallica interpréter Whiplash en ouverture. Mais le foirage rythmique absolument intégral de ce morceau pourtant simple et efficace me fait bien vite retourner sous l’Altar. Désolé, je n’ai jamais participé au « Lars Ulrich-bashing », mais je suis forcé de constater que ce batteur est tout simplement mauvais. Quand, après 40 ans de pratique, on arrive toujours pas à caler un simple D-beat à la vitesse normale du riff, il faut rendre les armes. Heureusement, ce n’est pas le cas des musiciens de Carcass, toujours au top de leur forme, eux aussi après bientôt 40 ans de carrière.
Bien que leur set soit en pilote automatique depuis pas mal de temps déjà, il reste plus carré qu’une bonne partie des autres shows du week-end. Alors certes, ce n’est pas catchy (encore que…), les vieux morceaux sont assez hermétiques pour un public néophyte, le fait que tout s’enchaine sans presque aucun temps mort peut décontenancer, mais bon dieu que c’est carré ! Je sais que ce groupe laisse beaucoup de monde sur le carreau en live, et très sincèrement, je plains ces gens (je dis ça vraiment sans aucun mépris), je suis désolé pour eux. Jeff Walker ne rate évidemment pas l’occasion de tacler Metallica qui joue en même temps « on n’a peut-être pas attiré la plus grosse audience mais on a la meilleure ». C’est marrant, quand je les avais vu il y a sept ou huit ans en même temps que Motörhead c’était plutôt « qu’est-ce que vous foutez devant nous, foncez voir Lemmy » (ce que je fis d’ailleurs). Mais je constate que pour ce concert, il y a de nombreux festivaliers en t-shirt Metallica. Le fait qu’ils aient préféré venir voir Carcass au lieu du groupe qu’ils arborent me procure une émotion assez singulière. Comme si quelque chose de particulier se passait ici, une sorte de moment privilégié, en petit comité. Désolé de ne pas être aussi rigoureux qu’auparavant mais Horns Up est inondé de mes reports de Carcass, donc vous m’excuserez de digresser autant pour cette fois. Je me rends compte que je n’ai assisté à aucun mauvais concert sur les dix que j’ai fait aujourd’hui (les quelques minutes de Metallica, ça ne compte pas). Au final, je n’ai passé qu’une journée à ce Hellfest 2022 et c’est paradoxalement peut-être la meilleure des six éditions que j’ai pu faire.
Orange Goblin
Di Sab : Un peu comme les groupes ayant joué en même temps que Gojira lors de la première partie du Hellfest, difficile de ne pas avoir un pincement au cœur pour ceux qui s’apprêtent à jouer pendant que Metallica rafle tout. Un concert d’Orange Goblin est pour quelques amis, la seule chose liée au stoner qu’ils tolèrent. Répertoire ultra efficace, groupe toujours hyper content d’être sur scène et archi généreux dans leur approche, un son toujours excellent, je ne compte plus les fois où j’ai vu Orange Goblin (en fest comme en club) et pourtant, je n’ai jamais été déçu. Ayant peur de me retrouver devant un parterre désert, quelle ne fut pas ma surprise de voir une Valley remplie aux deux tiers. Là où le public de Coroner était un peu mou (le Thrash technique des Suisses étant plus difficile d’accès que le stoner d’Orange Goblin), ici, fort logiquement, tout le monde était déchaîné. En effet, si tu préfères voir Orange Goblin à Metallica, ça signifie en général que tu apprécies, que tu connais le groupe, et, de fait, aucune personne ici semblait être là en curieux. Wall of deaths, paroles hurlées, je n’ai jamais vu ça à un de leur concert. Le groupe semble encore plus heureux que d’habitude et rares furent les moments où le public donna autant d'énergie au groupe. Seul et unique bémol : une setlist qui ne change que très peu au fil des années. A part Acid Trial c’est du classique de chez classique et on peut regretter que les Anglais ne puisent pas plus en profondeur dans leur discographie. Mais c’est dérisoire tant ce concert fut mémorable. A très vite !
Metallica
Michaël : Bon, tout a déjà été dit ou presque sur la prestation de Metallica au Hellfest. Chacun y est naturellement allé de son petit commentaire sur les réseaux sociaux. Les détracteurs habituels ont craché leur venin, les bandwagon haters ont fait de même. Et on peut en partie leur donner raison : Metallica est composé de types qui vieillissent, le groupe est hyper pro et carré de sorte que les prestations sont rarement originales et, enfin et surtout, Lars est une immense buse. Comme l'a dit Sleap juste au dessus, dès les premières notes de Whiplash ce fut une catastrophe. On le sait tous, malheureusement. A la vérité, le fait de savoir si un concert de Metallica est bon ne repose aujourd'hui plus sur ces éléments mais davantage sur le fait de savoir si la setlist était bonne, si le son était bon, si la prestation globale du groupe était agréable et, enfin, si le groupe nous a fait sentir qu'on était un show singulier (même si c'est faux).
Et si l'on reprend tous ces ingrédients, le résultat est plutôt positif, comme je l'ai dit dans le podcast. Si le son manquait clairement de puissance et que l'on entendait malheureusement un peu trop les gens parler (et les autres m'ont entendu chanter faux tout le long, donc un partout la balle au centre), le groupe nous a tout de même pondu une prestation très solide avec une très bonne setlist (Whiplash, Creeping Death, Fade to Black, Wherever I May Roam, Sad But True, Damage, Inc., One, Master of Puppets, For Whom the Bell Tolls, etc.). Et quel plaisir d'entendre Harvester of Sorrow ! Tout le monde s'en fout de ce titre mais moi il me fait vibrer depuis tellement d'années, peut-être parce que And Justice for All... est mon album préféré des Californiens. Et je dois dire que le fait qu'ils jouent Dirty Window de St Anger après un discours de James en nous demandant si l'on aime cet album m'a plutôt amusé. Bien sur que c'est nul, mais je trouve cela chouette que le groupe assume en jouant les titres qu'il a envie de jouer. Même sauce pour Moth Into Flame qui me lasse assez vite mais qui, en live, avec des effets pyrotechniques un peu partout, prend tout son sens. Le groupe n'a cessé de répéter leur plaisir d'être là, au Hellfest, pour la première fois. La bonne humeur était clairement palpable et, sincèrement, la prestation du groupe était solide pour un live sans trop d'artifices (au final).
Le point noir, dans ces publics où beaucoup de touristes sont présents, est que le fait d'être entouré de gens qui ne connaissent rien du groupe ou qui n'attendent que Enter Sandman (dont James s'est presque félicité de s'en être vite débarassé lors du concert) et surtout la beaucoup-trop-entendue Nothing Else Matters, et ben cela peut vous sortir un peu du concert. Il fallait bien être entouré pour être porté un peu par le public et pouvoir sentir cette communion avec le groupe qu'on ne retrouve en général que sur les dates en salle.
Alors oui, Lars est toujours aussi bancal, le groupe a joué beaucoup de titres au tempo original (et donc assez lent), Kirk a encore balancé de la wah dans tous les sens pour ne pas s'emmerder à jouer correctement certains passages comme le solo de Fade to Black qu'il massacre allègrement depuis 20 ans, et j'en passe. Mais quel plaisir de les voir sur scène, au Hellfest, avec une scénographie au final assez simpliste et une setlist trouvant un équilibre pas si mal entre tubes qu'ils ne pouvaient pas vraiment écarter pour une telle date, et quelques petites pépites que l'on aime entendre et réentendre.
Bref, c'était loin d'être parfait, mais c'était aussi loin d'être la catastrophe nucléaire annoncée par certains et plaidée par d'autres.
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Nos remerciements au Hellfest et notamment à Roger pour l'accréditation et les conditions d'accueil.
Retrouvez par ailleurs toutes les photos de Michaël par ici.