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Album

04 août 2021 - Dolorès

Sordide

Les Idées Blanches

LabelLes Acteurs de l'Ombre
styleBlack punkisant
formatAlbum
paysFrance
sortiejuin 2021
La note de
Dolorès
8/10


Dolorès

Non.

Demandez aux rédacteurs et rédactrices de chroniques, tout le monde a déjà bloqué sur un album. Bon, la plupart du temps il suffit souvent de se pousser un peu, devant la page blanche, pour que tout vienne assez facilement et hop, une chronique. D'autres fois, c'est sortir de chez soi énervée, marcher vite, sous la pluie, dans le sens inverse d'une manif à laquelle on ne participe pas et croiser des types se drapant de drapeaux français alors que, dans mes oreilles, sonne le premier titre d'un album, intitulé ironiquement « Je n'ai nul pays ».

L'album avait déjà du sens pour moi, mais il a, à ce moment-là, pris corps. « Sordide » c'est le mot, aussi, pour décrire ce que j'ai ressenti à cet instant. Ce drapeau, je le réalisais alors, n'a aucune importance pour moi. Encore, le drapeau breton, pourquoi pas, mais vraiment par pur esprit de contradiction mêlé de souvenirs d'enfance.

Voilà pourquoi Sordide résonne tant dans les cercles formés par ma génération. J'ai tendance à souvent parler de l'univers esthétique et textuel d'un groupe avant sa musique elle-même, mais nous y sommes forcément attaché(e)s dans ce monde rempli d'images, de flashs d'infos et de textes à qui aura le verbe le plus ensorcelant pour se faire entendre. Alors, oui, s'attarder sur ce genre de détails a une certaine importance. Ça n'altère en rien la musique elle-même, mais celle-ci n'est pas grand chose sans un écrin que de nombreux groupes se plaisent à modeler à leur image ou à perfectionner.

Cet écrin, pour Sordide, c'est celui du constat désabusé du type ou de la nana qui se rend compte de ce que « France » signifie encore, trop souvent. Les titres des albums précédents tout comme leurs morceaux avaient posé les bases, de « Ni nom ni drapeau » (premier titre du premier album) à de nombreux titres dont on comprend le sous-texte (sur les suivants). Sordide reprend d'ailleurs cette poésie typique du black metal français, crasseuse et revendicative, mais cette fois, de l'autre côté de la balance. Ton chauvinisme ne mérite qu'un crachat et voilà le son qu'il fait quand il tourne sur la platine.

Le temps est aux contre-discours, comme l'a également fait remarquer Tromblon qui sortait son album Je me fiche d'être Français peu de temps avant. Impossible de le nier : Sordide a infusé dans les scènes punk qui ont des choses à dire. Cela se ressent bien sûr beaucoup dans leur musique, avec ces départs en trombe typiques du nouvel album, ces refrains scandés qu'on a hâte de vomir à l'unisson en concert.

Lors des premières écoutes, j'avais du mal à accrocher à chaque titre, à trouver l'équilibre qui soude l'album. C'est véritablement en marchant dans les rues grises que la bande son survolait ma démarche comme des trompettes évidentes. Malgré sa facette pleine de désillusion, d'un regard extérieur et passif, Les Idées Blanches est un album qui ne s'écoute pas forcément dans le calme, chez soi, mais bien dans une action quelconque pour se révéler complètement. Il a besoin d'une posture active, d'énergie pour se déployer et il a besoin d'être ressenti dans le corps avant d'atteindre le mental.

Il s'agit sans doute, je le crois, d'un album qui deviendra un fort marqueur dans le paysage black metal français. Car oui, même sans être attaché à une nation, on a toujours bien sûr tendance à regarder les évolutions d'une scène à travers son drapeau. Les vieilles habitudes... Toujours est-il qu'avec ce qui a été dit et entendu, mais aussi avec cet artwork aussi abstrait que fascinant, d'une beauté assez singulière et, ne l'oublions pas, une signature chez LADLO, Sordide semble bien déterminé à s'affirmer.


1. Je n'ai nul pays
2. Ruines futures
3. L'atrabilaire
4. Ne savoir que rester
5. Les idées blanches
6. Le silence ou la vie
7. Vers jamais