Chasse le Dragon #3 : Blitzkrieg, Satan, Sentry, Angel Sword, Helvetets Port...
vendredi 20 septembre 2024Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Nous voilà déjà à la troisième édition de cette rubrique Chasse le Dragon ! On ne va pas vous le cacher : au moment de sa création, on était conscients que trouver tous les trimestres un nombre de sorties suffisamment intéressantes à vous présenter. Des sorties, il y en a, mais trier le bon grain de l'ivraie est parfois un défi. Heureusement, nos chasseurs ont du talent. Malheureusement, cette fois, il y a aussi des sorties assez attendues qui ont un peu tapé à côté, mais certaines bonnes surprises pourraient s'installer dans nos tops de fin d'année. À vos épées !
Vendel | Crystal Viper | Satan | Helvetets Port | New Horizon | Sentry | Lucifer's Hammer | Blitzkrieg | Angel Sword |
Vendel – Out In The Fields
Epic Doom/Heavy– Russie (Dying Victims Productions)
Malice : Si je vous dis doom épique russe, vous me dites... Scald. Oui, forcément. Hé bien, je vous répondrai : raté ! Enfin, pas vraiment, mais si vous voulez lire ce que je pense de Ancient Doom Metal, l'album de la résurrection de Scald, c'est par ici. Non, je vais vous parler ici de Vendel, autre groupe russe qui a sorti son premier album cet été.
J'ai dit doom épique, mais Vendel est par moments bien plus véloce que ses illustres compatriotes et n'hésite pas à offrir des riffs et des plans dignes d'un Cirith Ungol ou d'un Visigoth (l'imparable galopade « Never Surrender »), même si chaque morceau fait entre 7 et 13 minutes. Si les références « classiques » sont là, ce Out In The Fields peut aussi surprendre par un aspect assez moderne – les licks de guitare de « Defenders », l'assez groovy « Dirge » où Alexey Goryachev sonne parfois comme Stu Block sur les derniers albums d'Iced Earth. Le chant est d'ailleurs l'un des principaux points forts de la musique de Vendel, Goryachev ayant une palette particulièrement variée. Quant à la doublette finale « Vengeance » - « Out in the Fields », on tient peut-être là les vingt meilleures minutes de heavy/doom épique de l'année. D'un doom plus classique, « Vengeance » accélère dans sa seconde moitié pour offrir les meilleurs soli d'un album qui, sur ce plan aussi, explose la concurrence ; « Out in the Fields » lâche les chevaux d'emblée, jusqu'à un final Maidenien comme il faut. Cinquante minutes, pas une de remplissage : on tient l'un des albums de l'année dans le genre, rien que ça.
Crystal Viper – The Silver Key
Heavy Metal – Pologne (Listenable Records)
Malice : Au fil des années, Crystal Viper s'est imposé comme, disons, un second couteau fiable et régulier de la nouvelle scène heavy européenne. Malheureusement, il y a fort à parier que le groupe de Marta Gabriel ne dépasse jamais vraiment ce statut, la plupart des albums s'avérant assez oubliables passé l'excellent The Curse of the Crystal Viper, qui reprenait un peu le flambeau de Chastain.
The Silver Key ne va pas vraiment bouleverser ce constat : on est devant un album très bien fichu, mais pas vraiment un game changer. « Fever of the Gods », morceau d'ouverture, est le seul qui reste pour de bon en tête au fil des écoutes, tandis que Crystal Viper varie les ambiances (le très bon mid-tempo « The Silver Key » et ses choeurs, le plus véloce « Cosmic Forces Overtake ») mais peine à proposer de vrais riffs (ces répétitions d'accords basiques...) ou mélodies mémorables. Bref : si vous aimez Crystal Viper, vous aimerez The Silver Key, et si vous les avez toujours trouvés peu intéressants, passez votre chemin.
Satan – Songs In Crimson
NWOBHM – Royaume - Uni (Metal Blade)
Circé : Depuis désormais plus de 10 ans, Satan est l'emblème du revival NWOBHM réussi. Loin de surfer sur la nostalgie des 80's; les Britanniques sont autant respectés pour leurs deux premiers albums que pour leurs sorties post reformation. Une activité constante et soutenue marquée par une recette musicale ayant à peine évolué si ce n'est pour sa prod au son toujours plus propre et moderne. Satan n'a jamais joué dans la catégorie du heavy le plus épique ou démonstratif, mais a toujours su proposer des morceaux groovy, quelque part entre Manilla Road et Angel Witch.
Après un Earth Infernal bien réussi, on n'imaginait pas le groupe en perte de vitesse. Pourtant, ce Songs in Crimson laisse un petit goût fade. Ce n'est en aucun cas un mauvais album : le groupe sait composer, Brian Ross n'a rien perdu de sa belle voix si reconnaissable. Mais l'album manque de vrais moments marquants, de mélodies porteuses, de lignes de chant qu'on a envie de reprendre en choeur, d'un petit peu plus d'énergie. Tout reste "sous-joué", le chant manque d'entrain... Ce qui est paradoxal pour un album autrement assez direct avec des morceaux comme “Martyrdom” ou “Frantic Zero”. On passe un moment sympathique à l'écoute, mais on peine malheureusement à en retenir grand chose. Face aux autres méfaits du groupe, il sonne mou du genou. Car c'est bien là le coeur du problème : Songs in Crimson serait l'album d'un tout autre groupe n'ayant pas le bagage de Satan, cette chronique serait sûrement moins morose. Mais il fait simplement pâle figure à côté d'un Life Sentence ou Cruel Magic, qui proposaient stylistiquement parlant quelque chose de tout à faire similaire pour un résultat beaucoup plus accrocheur.
Alors, cela veut il dire que le groupe a fait le tour de ce qu'il avait à dire ? Pas forcément - ou j'ai en tout cas envie de l'espérer. Mais c'est au final un problème récurrent et une question impossible à répondre : comment rester pertinent sur la durée, quand la fidèlité à un style traditionnel fait partie de l'ADN ?
Helvetets Port – Warlords
Heavy Metal – Suède (High Roller Records)
Matthias : Dans une rubrique qui s'appelle Chasse le Dragon, on ne peut pas éviter une certaine proportion de kitscherie. Et quand celle-ci est concoctée par des Suédois à moustache, on peut s'attendre à ce qu'ils aient eu la main lourde en cuisine. Mais dès les premières notes de « Black Knight », on doit bien reconnaître que ce Warlords, troisième album de Helvetets Port - sachant qu'il y a un hiatus de 10 ans entre le premier et le deuxième, sorti en 2019 - ne propose pas QUE du kitsch. Ou plutôt, les Suédois s'appliquent à le rendre étrangement savoureux. Et leur heavy, à la fois très oldschool et très facile d'accès, finit forcément par nous happer un moment – fort bien servi par le chant irréprochable de Tomas « Witchfinder » Ericson. Une ambiance post-apocalyptique, des poses guerrières, des guitares qui virevoltent, et puis quelques phrases accrocheuses (« The dustcloud is their only past », sur « Wasteland Warriors ») font que, bien que ça avait l'air fort lourd sur la carte, au final, on en redemande.
Bon, l'album n'est pas non plus dénué de temps morts, comme les morceaux chantés en suédois, de bonne facture en eux-mêmes (« Hårdför överman », kitchissime à un point que seuls les peuples nordiques parviennent à atteindre sans sonner faux), mais qui brisent un peu l'immersion. Sauf qu'entre deux morceaux de heavy grandiloquent, Helvetets Port se permet avec « Mutant March » une incursion vers un doom jailli tout poisseux des abysses, et qui parvient à chaque fois à me surprendre.
Warlords n'est pas un album parfait, mais on sent qu'il a été réalisé avec une passion non-feinte par un groupe qui a envie de très bien faire, et qui a le talent pour y parvenir. Les quelques perles qui parsèment ce heavy metal prévisible mais super efficace – parfois sur la frontière du FM avec « Legions Running Wild » - justifient à elles seules une première écoute. Et puis, on se surprend à y revenir, car CHAQUE morceau a le don de se tailler une place à squatter dans notre cerveau reptilien.
New Horizon – Conquerors
Power Metal – Suède (Frontiers Records)
Malice : Est-ce que le power metal des années 90-00 vous manque ? Le power des grandes années de Stratovarius, Hammerfall, Masterplan... ? Celui qui flirtait parfois avec le kitsch en y mettant la langue ? N'hésitez plus et jetez-vous sur le second album de New Horizon, Conquerors. Dès sa pochette qui mélange allègrement Empire Romain, fusée Apollo et Étoile Noire, on comprend que ce sera un joyeux bordel. « Against the Odds » lance la machine avec vélocité et plante le décor : la voix de Nils Molin (Dynazty, Amaranthe) est surpuissante et bien mieux utilisée que dans ses autres projets (dont je me tamponne d'ailleurs allègrement le coquillard), les soli de Jona Tee (H.E.A.T.) tout bonnement fantastiques (la descente de manche folle sur « Daimyo », l'un des meilleurs titres de l'album).
Par moments, New Horizon parvient à sonner un peu plus moderne : « King of Kings », si on en retire l'horrible intro, pourrait figurer sur l'un des bons albums de Sabaton, tout comme le plus ambitieux et mélodique « Apollo », particulièrement bien foutu. Bien sûr, il y a des ratés : l'ennuyeuse ballade « Before the Dawn » avec Elize Ryd (Amaranthe) sera bien souvent zappée, et finir l'album sur un plus sombre « Edge of Insanity » et une très fidèle cover du « Alexander the Great (356-323 B.C) » n'est pas forcément un choix efficace. Mais New Horizon signe vraiment l'un des bonbons power metal de l'année !
Sentry – Sentry
Heavy/Prog Manilla Roadesque – USA (High Roller Records)
Malice : Jouons cartes sur table : le premier album de Sentry est sorti le 1er mars dernier, et aurait donc dû figurer dans notre deuxième édition de Chasse le Dragon, pas celui-ci. Mais pour une raison qui nous échappe, il était passé sous mon radar. Impossible cependant de ne pas écrire quelques lignes à son sujet, puisque Sentry est le nouveau groupe de trois ex-Manilla Road : Bryan « Hellroadie » Patrick (chant), Neudi (batterie, Manilla Road de 2011 à 2018) et Phil Ross (basse de 2016 à 2018, également dans Savage Oath qu'on aime beaucoup chez Horns Up). Bref : tout le dernier line-up de Manilla Road, laissé orphelin de Mark « The Shark » Shelton en 2018. Et ses derniers compagnons de route ont le bon goût de ne pas trop jouer la carte du « Manilla Road 2.0 » - ainsi, leurs deux concerts cette année ne comptaient pas une seule reprise du groupe, ce qui est tout de même un parti pris osé.
Sentry, musicalement, se rapproche inévitablement par moments de ce que proposait Manilla Road dans la dernière décennie de sa carrière, et la voix de Bryan Patrick s'aventure inévitablement dans des eaux bien connues (le refrain nasillard de « Valkyries (Raise the Hammers) » plaira aux plus nostalgiques). Mais certains passages s'éloignent clairement du lourd héritage de Shelton, comme le très thrash « Awakening » ou l'assez sombre et progressif « Raven's Night », sur lequel Bryan Patrick évoque plutôt feu Warrel Dane (Nevermore, Sanctuary). Pour son premier album en tant que chanteur « full time » (rappelons que Shelton et lui se partageaient toujours le micro), « Hellroadie » s'en sort très bien, même si tout n'est pas réussi (« Black Candles » est même plutôt raté). Sentry, de manière générale, continue son parcours en toute légitimité et offre un premier opus à la fois hommage et adieu à l'un des grands hommes du heavy metal.
Lucifer's Hammer – Be & Exist
Heavy Metal – Chili (Dying Victims Productions)
Malice : Le Maiden-like du trimestre, le voici ! Lucifer's Hammer et ses twin guitars évoque très clairement les 80s de la Vierge de Fer, et après tout, c'est toujours mieux que de devoir se retaper Senjutsu. Le riff de « Real Nightmares » est même franchement un pastiche, accompagné d'une ligne de basse que n'aurait pas renié Steve Harris. Seul le chant de Hades (Andres Adasme) rappelle plutôt d'autres groupes modernes à la Walpyrgus plutôt que les performances de Dickinson.
Et ce Be & Exist a, justement, le mérite d'être et d'exister au-delà de son mimétisme, tant il est truffé de soli fantastiques (« Glorious Night ») et de moments un peu plus personnels comme le plus ésotérique « Son of Earth ». Même l'instrumental orientalisant « Fear of Anubis » réussit à moins me gonfler que d'habitude pour cet exercice. Certainement pas l'album le plus original de l'année, mais il trouvera son public, c'est une certitude.
Blitzkrieg – Blitzkrieg
NWOBHM mais en mieux – Royaume-Uni (Mighty Music)
Malice : Qu'un même chanteur sorte deux albums à quelques semaines d'écart avec deux groupes différents, c'est déjà rare. Mais c'est d'autant plus étonnant que l'un des deux albums soit une des déceptions de l'année (je suis moins clément que Circé concernant le Satan), et l'un des albums de l'année. Or ce Blitzkrieg, avec l'inénarrable Brian Ross au chant, est magistral.
Les frères Ross réussissent ici un tour de force : cet album, sobrement nommé Blitzkrieg sonne à la fois respectueux de la tradition NWOBHM et moderne au possible. Bien loin de la morosité du Songs In Crimson de Satan, Ross y ose ici des acrobaties vocales épatantes pour ses 70 ans, variant les tons, allant de cris suraigus (l'ouverture véloce et très traditionnelle « You'll Never Take me Alive») à des envolées plus dramatiques, jusqu'à cet « Aphrodite's Kiss » final, power ballad absolument splendide.
Et que dire de la composition ? Chaque refrain rentre dans votre tête (mention spéciale à ceux de « The Spider », le tube de l'album, et du massif « Dragon's Eye » avec son accélération à mi-chemin), chaque titre a sa propre ambiance. « Vertigo », qui démarre plus lentement, progresse jusqu'à un refrain particulièrement déroutant, l'excellent « Above the Law (Pull the Trigger pt3) » et ses ambiances plus 80s fait office de rappel idéal des débuts du groupe. Bref : il n'y a rien à jeter sur cet album de Blitzkrieg, qui est un solide 9/10 si pas plus encore. Judas Priest n'a peut-être pas pondu la meilleure sortie NWOBHM de l'année, finalement...
Angel Sword – World Fighter
Heavy éraillé – Finlance (Dying Victims Productions)
Dolorès : Alors qu'Angel Sword sortait cette année son troisième album, ce n'est pourtant que le premier dont j'entends parler. World Fighter, sans être un énorme coup de cœur, est bien placé dans la catégorie « album auquel on revient quand même avec plaisir ». Le mix aurait clairement bénéficié d'un peu plus de puissance, la composition d'un peu plus souvent de guitares et de mélodies au premier plan, ainsi que d'un peu plus de prises de risques du côté des parties de basse.
Toutefois, on se délecte avec plaisir du chant éraillé et assez particulier, qui me rappelle personnellement des scènes musicales complètement différentes, puisque j'y entends ce grain que j'adore chez Demented Are Go par exemple... On apprécie en tout cas les quelques refrains fédérateurs qui figurent sur l'opus (« Vigilantes », «Weekend Warrior », « Church of Rock », « World Fighter »). Le groupe doit clairement prendre une toute autre ampleur en live, avec espérons-le, la petite dose d'énergie et de folie qui manque à l'album pour vraiment percer.
Quelques compléments de dracologie...
Curiosité du jour : Elle Tea, one-man band italien au nom un peu pourri tiré des initiales de son maître à penser Leonardo Trevisan (L.T, Elle Tea... voilà voilà). Musicalement, par contre, on ne peut que conseiller aux amateurs d'Ashbury, Dark Forest ou Wytch Hazel de jeter une oreille à ce hard rock parfois prog', parfois folkisant, aux sonorités qui peuvent même rappeler Dire Straits voire le pop-punk. Chaque titre est qui plus est accompagné d'un artwork réalisé par Trevisan lui-même. Du joli travail, à découvrir par ici.
Un nouvel album de Portrait est sorti, et alors que ce groupe n'a jamais vraiment fasciné la rédaction, The Host est quand même pétri de qualités. On nous a souvent vendu un pastiche de Mercyful Fate mais la voix de Per Lengstedt est surtout très proche de celle de Matt Barlow (ex-Iced Earth), qu'on aimerait un jour réentendre dans un projet de premier plan. Bon, 1h15 d'album, c'est tout bonnement impossible, par contre...
Un dragon a échappé aux chasses précédentes, mais on vous le signale quand même : Writhen Hilt a sorti en février son magnifique premier EP, et l'epic doom/heavy de Ancient Sword Cult est totalement fait pour les fans de leurs compatriotes Atlantean Kodex ou de Solstice.
Vendredi dernier est aussi sorti le très attendu troisième album de Unto Others, Never Neverland, et on ne l'a pas oublié : chronique à venir, restez connectés.
Vous aimez Jésus ? Non ? Bon, on n'est pas forcément des fans de la première heure non plus et la reformation n'est pas pour tout de suite. Mais son cover-band officiel, Stryper, a sorti When We Where Kings en ce mois de septembre. Et vous savez quoi ? On respecte la régularité et la passion d'un groupe dont les 3/4 de la formation sont restés les mêmes depuis 1983.