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Raton et la bagarre #27

jeudi 18 juillet 2024
Raton

Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.

Deuxième occurrence d'une Bagarre plus espacée qu'à l'accoutumée et pourtant la scène hardcore n'a pas eu la gentillesse de ralentir son nombre de sorties. Avril, mai et juin ont été incroyablement généreux, avec une pléthore de belles sorties, même si l'une d'entre elles s'est hissée bien au-dessus des autres : le Knocked Loose. Pas d'encart dans cette rubrique, une chronique qui met du temps à sortir, mais un album que vous savez être extrêmement abouti et qui confirme l'ascension fulgurante des gars du Kentucky.

Donc on coince sa petite serviette dans son col car j'ai mis pour vous les petites assiettes dans les moyennes puis dans les grandes, avec quatorze chroniques, dont quatre groupes français, un groupe de beatdown sur les camions et la première participation extérieure de l'histoire de la Bagarre, grâce au copain S.A.D.E. Bon appétit !

Candy | Sorcerer | SeeYouSpaceCowboy | Contention | Ari | One Step Closer | Foreign Hands | Calcine | Sibiir | Alpha Wolf | Big Ass Truck | Contre-feux | Failure | God MotherMentions bonus

 

Candy – It's Inside You
Metalcore industriel – USA (Relapse)

L’évolution stylistique de Candy est assez impressionnante à observer. D’un premier album résolument punk hardcore aux notes acérées de powerviolence, le groupe était passé en 2022 avec Heaven Is Here à un metalcore bardé de références industrielles et bruitistes. C’était un album dur et radical, mais extrêmement réussi et on pouvait se demander vers où partirait Candy après ça.

Réponse plutôt logique avec It’s Inside You qui garde le noyau metalcore sourd et caustique, mais purge le côté noise pour appuyer d’autant plus fort sur l’industriel et le synthétique. L’influence de Godflesh et Ministry est omniprésente (« You Will Never Get Me », « It’s Inside You ») tout en gardant l’essence punk qui fait la particularité de Candy (« Silent Collapse ») et en la mêlant avec des réflexions électroniques à la Street Sects et autres projets d’electro-indus ou d’EBM hargneux (« Dancing to the Infinite Beat », « Hypercore » ou l'habilement contrasté « Love Like Snow »). Le résultat est varié tout en étant très cohérent, violent (le break ravageur de « Dehumanize Me », morceau qui plaira aux fans de Harm’s Way) et fédérateur.

Candy est un projet intelligent où on sent que tous les choix sont réfléchis et pesés pour produire un résultat unique sans se perdre dans l’expérimentation par principe. C’est un constat qu’on ressent particulièrement dans les feats. D’une part des artistes issus de la scène actuelle avec l’inévitable Justice Tripp (Trapped Under Ice et Angel Du$t) ou Mirsy, la chanteuse-guitariste de Fleshwater, mais aussi des castings plus surprenants avec Aaron Melnick, le guitariste originel d’Integrity, David Gagliardi, le batteur de Trash Talk ou le producteur électronique coréano-américain mmph. Si vous aimez votre hardcore curieux, inventif, mais toujours aussi percutant, à l’image du très réussi « You Will Never Get Me », ne laissez pas passer ce disque.

 

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Sorcerer – Devotion
Metalcore – France (Delivrance / Frozen)

Ces dernières années, difficile d’être passé à côté du nom de Sorcerer. Le groupe de hardcore parisien a connu une ascension fulgurante grâce à des sorties récurrentes chiadées, une direction artistique marquée, et des lives réguliers et intenses (on vous parlait de leur brûlante performance au dernier Paris Hardcore Fest). C’est un groupe que je suis heureux de suivre depuis le premier EP (évidemment chroniqué dans ces lignes), puis sur leurs productions suivantes (comme l’excellent split avec Pencey Sloe) et les voir publier un premier LP aussi complet et dense me procure un sentiment de fierté.

Devotion est un disque qui sent bon le jusqu’au boutisme et ce dès l’intro, « Badlands ». Immersive, menaçante et cinématique (on rappelle que Guillaume, guitariste-compositeur du groupe, est aussi réalisateur), avec des hennissements et ce qu’on imagine une lourde porte qui claque, elle évoque des images médiévales fantasmées, confirmées par la pochette signée Nicolas Di Vincenzo. De façon générale, et loin d’un médiévalisme facile et cliché, l’album parvient à convoquer quelque chose de martial, d’impérieux, dans une enveloppe hardcore texturé (« The Eternal Grief »).

Ce qui est aussi très appréciable, c’est que Devotion prend son temps. Du haut de ses trente minutes, il ne se lance jamais dans la course à la violence et sait aérer ses morceaux sans pour autant perdre en intensité, comme sur « Fortress » avec Hadrien de Glassbone. Une qualité rare qu’on doit à la qualité des compositions mais aussi à la production ample d’Amaury Sauvé (Birds in Row, Plebeian Grandstand…). Autre grand temps fort : « In the Arms of Mortality », un morceau qui a les épaules d’un classique, avec son intro lancinante, ses ambiances malsaines et la hargne du featuring de Jacob Valentine de Guilt Trip. Même constat avec le morceau de clôture, « Someone Else’s Skin », long de sept minutes et riche en changements de rythme et en arrangements (avec notamment des chœurs assurés par Diane de Pencey Sloe). 

Trois mois après sa sortie, j’ai le sentiment d’avoir bien digéré le disque et de pouvoir dire à tête reposée que c’est la première fois que j’entends un groupe parisien et que je me dis que la recette est suffisamment originale et convaincante pour pouvoir s’exporter et convaincre des publics plus larges en dehors du territoire hexagonal. Bravo les chevaliers !

 

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SeeYouSpaceCowboy – Coup de grâce
Post-hardcore / Emo-pop – USA (Pure Noise)

C’est loin d'être la première fois que je vous parle de SeeYouSpaceCowboy et à chaque fois je vous décrivais l'évolution du groupe, du mathgrind furieux des premiers EPs, au metalcore dissonant de The Correlation Between Entrance and Exit Wounds, puis au metalcore mélodique et accrocheur du split avec If I Die First et de The Romance of Affliction. Avec ce troisième album qui nous accueille par une ambiance de cabaret avec une sorte de jazz sirupeux au saxophone, SYSC semble avoir fini sa mue en assumant complètement ses influences mélodiques post-hardcore, voire emo-pop. 

Coup de grâce est un album qui garde le souvenir du metalcore mais qui le place en arrière plan, derrière la façade ultra poppy qui donne la part belle au chant clair. L'ADN sass de SYSC, avec ses attitudes maniérées, est en revanche toujours prédominant, comme sur « Lubricant Like Kerosene », gros clin d’oeil aux Blood Brothers. On sent notamment ces choix stylistiques à travers les featurings : Courtney LaPlante, chanteuse de Spiritbox, le rappeur émotif nothing,nowhere, l'artiste de metal alternatif Kim Dracula ou la chanteuse pop iRis.EXE.

En tout cas, la version emo-pop de SYSC ne m’intéresse pas particulièrement, bien que je reconnaisse toujours le talent du groupe à produire ce qu’il souhaite (« To the Dance Floor for Shelter » avec Courtney LaPlante ou « Chewing Scenery »). Il a probablement encore des choses à dire dans ce registre mais je crains que ça ne me soit plus adressé.

 

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Contention – Artillery From Heaven
Metalcore – USA (DAZE)

Je ne vous ai jamais caché être un très grand fan de Contention qui, pour moi, est le groupe qui parvient le mieux à émuler la dangerosité et l’urgence du metalcore edge metal / H8000, pétri notamment par l’influence Arkangel. Les riffs sont gonflés de menace, souvent en plein dans le Slayer-worship, les breaks sont frénétiques et sauvages (« Nuclear Peace ») et le chant dément de Cosmo Vidussi garde la ferveur primitive qui a longtemps défini cette frange du genre. Le premier vrai EP Laying Waste to the Kingdom of Oblivion reste une des meilleures productions dans le style car elle avait cette folie nihiliste et ce côté imprévisible qui accentuaient sa dangerosité. Après un autre EP très réussi (bien sûr chroniqué dans une Bagarre précédente), Contention, en passant pour la première fois au long format, perd nécessairement un peu de tranchant, mais parvient sans sourciller à maintenir sa dynamique pendant 10 titres.

Tout le panache du disque se constate dès l’intro, éponyme, où une guitare saturée plaintive est interrompue par le hurlement halluciné de Cosmo Vidussi et un breakdown guerrier. L’intensité est conservée avec des titres extraordinairement sombres et hargneux, comme le superbe « Inflict My Will » avec la participation frappante de Tyler Short d’Inclination. Côté feats, on a aussi le droit à des interventions de Tommy Harte (Broken Vow) et Alex Rothemberger (Domain), tous deux extrêmement pertinents. Les thématiques abordées sont toujours aussi pessimistes sur la nature humaine et sa nécessaire élimination de la surface de la planète. De façon tout aussi intéressante, Contention poursuit aussi la fibre spirituelle, voire religieuse, que Arkangel employait sur Prayers Upon Deaf Ears. Le champ lexical du judéo-christianisme est omniprésent (« Artillery From Heaven », « Ousted From Eden » ou « In the Land of Nod »), renvoyant notamment aux principes de péchés et de châtiments divins, la terre de Nod étant le lieu où Caïn s’installa après avoir été puni par Dieu pour le meurtre de son frère. Dans la mesure où le groupe ne se revendique pas religieux, il aborde ces aspects d’une façon quasi-mystique qui, selon moi, renforce encore l’aura inquiétante de son hardcore (très) métallique.

 

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Ari – Le Confort des illusions
Screamo – France (indépendant)

Je ne me lasse pas d’étaler mon amour pour le screamo français, scène à la richesse absolument fascinante qui a permis la rencontre entre la tradition littéraire romantique française et la décharge amère du hardcore émotif. Sauf qu’il y a un souci, car il en faut souvent bien un : la nouvelle scène skramz française est catastrophique pour assurer sa communication. Même Birds in Row, qui est le seul groupe à avoir explosé, n’est pas particulièrement bavard sur les réseaux. Et pourtant, le talent hexagonal n’est pas à prouver, j’en citais plusieurs exemples dans ma chronique du dernier Tromblon, simplement il faut le trouver.

Et parmi ces nouveaux talents, j’ai eu la chance de trouver Ari (ou qu’Ari me trouve, allez savoir). Groupe bordelais, il a sorti un premier EP confidentiel en 2021, puis le long format qui nous intéresse, Le Confort des illusions, qui m’a soufflé dès la première écoute. Tout y est exécuté avec finesse, maestria et amour pour le hardcore émotif le plus déchirant et noble. En 22 minutes, Ari vous emporte dans un tourbillon de couleurs et de sentiments, porté par les hurlements hallucinants de justesse de son chanteur (« Le Confort des illusions »), une guitare et une batterie virtuose et plurielle (les deux parties de « Un festin pour les vautours ») et des morceaux judicieusement construits (le savoureux break de « La Crainte du commun » avec son slide de basse). Pour mettre en valeur tous ces talents, le mixage est assuré par Matthieu Pascal de Gorod et le mastering par nul autre que Will Killingsworth (mais si vous savez, le guitariste d’Orchid et maintenant derrière le mastering de la moitié de la scène).

Et s’il fallait encore un argument pour attiser votre curiosité, sachez que sur ce LP se cache une reprise très surprenante de Wejdene avec « Âge seize ». Rassurez-vous, comme tout le reste du disque, c’est fait avec goût et sérieux. Des vinyles sont dispo chez Voice of the Unheard, qu’on vous recommande chaudement.

 

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One Step Closer – All You Embrace
Post-hardcore émotif – USA (Run for Cover)

Avoir lu quelques Bagarres implique avoir été confronté à mon amour débordant pour One Step Closer. Les Pennsylvaniens ont débarqué en 2019 avec From Me to You et ont réconcilié emos et hardcore kids en ressuscitant le spectre de Turning Point et Have Heart. Le premier album, This Place You Know, sorti en 2021, est pour moi un chef d’oeuvre d’une justesse rare, mais l’EP qui l’a suivi, Songs for the Willow, a été une déception par son changement stylistique vers du post-hardcore à mi-chemin entre Title Fight et Basement. Loin d’être à jeter, il représentait toutefois pour moi la perte de l’originalité du groupe au profit d’une recette déjà très présente dans la scène. Et à mon grand regret, All Your Embrace va encore poursuivre cette démarche et s’éloigner de l’emocore prodigieux de leurs débuts.

Le hardcore qui formait la base du son de One Step Closer est désormais un souvenir distant car ce disque évolue dans un post-hardcore émotif aux relents pop punk qui rappellent leur projet parallèle Anxious. Alors il y a bien des efforts mélodiques notables comme l’accrocheur « Leap Years », mais je ne peux pas m’empêcher de trouver que le tout à une saveur de réchauffé. Ryan Savitski n’a plus du tout la même voix, avec soit des clairs, soit un saturé plus poussé et moins organique que sur This Place You Know. Le reste du line-up a bien changé, le guitariste Ross Thompson étant le seul autre membre originel. Un autre guitariste, Colman O’Brien, a rejoint l’aventure, mais la basse et la batterie ont été enregistrées par des musiciens de session (le producteur Jon Markson à la basse et Connor McAuliffe de Magnitude et Search for Purpose aux fûts).

Sur des titres comme « The Gate » ou « Esruc », je ne parviens pas à reconnaître ce qui m’a fait aimer One Step Closer en premier lieu et j’y vois une espèce de resucée allégée de Movements. Pourtant, pour composer les morceaux, le groupe s’est posé avec ni plus ni moins que Mat Kerekes, le chanteur de Citizen, et Isaac Hale, le guitariste de Knocked Loose. Ceci étant dit, pour en avoir longuement discuté avec d’autres fans, si vous êtes réceptifs-ves aux versants les plus mélo et pop du genre, à la Koyo, The Story So Far ou Anxious, ce disque a de quoi vous séduire. On ne peut pas exiger d’un artiste qu’il reste ad vitam aeternam dans le style qu’on lui préfère, mais c’est toujours amer d’en acter le désamour. La page Bandcamp du disque nous accueille par un « One Step Closer has always believed that hardcore is limitless », peut être, mais ce qui est sûr c’est que mon intérêt pour le groupe a certainement atteint sa limite.

 

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Foreign Hands – What's Left Unsaid
Metalcore – USA (Sharptone)

Rappelez-vous, en 2022 Foreign Hands avait sorti le meilleur EP de l’année, Bleed the Dream. Cinq morceaux avaient suffi aux Américains pour mettre la scène d’accord avec un metalcore qui révérait très clairement Poison the Well et le metalcore émotif des années 2000. Deux ans après, il est temps pour eux de révéler leur premier long format. Premier ? Pas vraiment, car ils avaient sorti un LP en 2016 avant de le supprimer des plateformes en raison d’un changement stylistique.

Etonnamment, cet album s’éloigne un peu de l’influence omniprésente de Poison the Well (même si « Laceration Wings » pourrait vraiment être une chute de studio de The Opposite of December), mais de deux façons différentes. D’une part, j’ai le sentiment que les parties metalcore cherchent encore davantage l’agressivité, avec un chant saturé encore plus incarné par Tyler Norris (j’ai souvent pensé à Contention) ; et d’autre part, le chant clair mélodique prend une part beaucoup plus importante qu’auparavant. À ce propos, par pitié arrêtez de tous vouloir en mettre dans vos compositions : ça n’apporte rien à « Horror Domain » et le refrain de « Shapeless in the Dark » me laisse de marbre. Je ne comprends vraiment pas cette tendance dans le metalcore actuel qui, à cause de cela, multiplie les fautes de goût malgré les promesses étincelantes.

Du reste, Foreign Hands reste clairement au-dessus de la mêlée, avec des morceaux fulgurants comme « Resetting the Senses » ou « Until the Sun Fades ». L’énergie est vicieuse, sombre et tourmentée et peu de groupes parviennent à capturer cette électricité et cette instantanéité furieuse. Niveau feats, on retrouve Olli Appleyard de Static Dress sur « Conditioned for a Head-On Collision » et dont je ne suis vraiment pas client de la proposition en voix claire, de la même manière que j’ai beaucoup de mal avec Static Dress dans son ensemble. Mais beaucoup plus improbable, on a aussi le droit sur « Until the Sun Fades » à Matthew Mixon de 7 Angels 7 Plagues qui est une influence très claire de Foreign Hands et dont on n’avait pas pu entendre le chanteur depuis son feat sur l’album de 2013 de Misery Signals.

S’il n’y avait pas les dispensables passages en voix claire, ce serait aisément un prétendant au podium de l’année dans son genre. Allez, je veux bien concéder que c’est bien amené sur le morceau de clôture, « Magnetic Roses », mais si ça pouvait éviter de devenir une habitude, j’en serais extrêmement ravi.

 

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Calcine – Common Love Common Nausea
Metalcore – France (Church Road)

Rappelez-vous 2022, Calcine avait sorti sa première démo et je vous en avais parlé en des termes élogieux. Je n'étais pas le seul à avoir accroché à la proposition des Parisiens-nes car entre temps ils ont annoncé une signature chez l'excellent label anglais Church Road Records (Svalbard, Heriot, Slow Crush…) et un album avec une pochette signée par l'impressionnant Lazygawd.

Calcine poursuit où ils nous ont laissés avec un metalcore furibond, acide particulièrement défini par la rencontre explosive entre les riffs metal massifs de Luc (« 23.11 », « Target ») et le chant rythmé et hargneux de Steph, dont chaque apparition live me rappelle que c'est une des meilleures chanteuses hardcore du continent. La particularité du disque est principalement de venir nourrir leur hardcore métallique d'influences hip hop, sur deux morceaux particulièrement. Le titre introductif « Attack to Win », mais surtout « Des vies à bout » qui largue les guitares et voit Steph switcher au français. Alors que ça pourrait très vite être de mauvais goût, le groupe gère ces influences avec finesse et amour du son boom bap français du début des années 2000.

Carton plein pour Calcine qui parvient à diversifier sa palette tout en restant fidèle à ses racines, Common Love Common Nausea est un disque puissant et mature comme j'aimerais en écouter davantage.

 

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Sibiir – Undergang
Black crust – Norvège (Fysisk Format)

S.A.D.E : Malgré tout le mal que se donne mon sympathique et sémillant camarade rongeur, il arrive que quelques sorties méritant un peu de lumière passent sous ses radars et échouent dans les oreilles de l'amateur (presque profane, en comparaison avec l'ami Raton) de hardcore que je suis. Je me permets donc de mettre un pied dans son terrain de chasse pour un petit ajout de qualité : le troisième album de Sibiir

Avec Undergang, les Norvégiens atteignent un sommet dans l'alliage metal et hardcore qu'ils proposent depuis 2014. La composante hardcore est tenue par des accointances avec la fureur expansive d'un All Pigs Must Die ou d'un Trap Them (avec parfois même du bordélisme convergien), tandis que l'aspect metal du groupe puise à la fois dans le black metal et le death mélo. Tout ça pour dire que, globalement, ça cavale en cognant dur. Mais pas que. Sibiir déploie également une teinte post-hardcore/post-metal, avec quelques riffs disséminés ça et là où l'on sent la marque de Cult of Luna, une manière de composer alliant la lourdeur du parpaing et la minutie de la pièce d'orfévrerie. 

Si vous étiez passés à côté du quintet norvégien, prenez le temps de vous rattraper avec Undergang qui synthétise et améliore tout ce sur quoi Sibiir bosse depuis dix ans. Si on peut avoir l'impression que tout ça part dans tous les sens, il n'en est rien : ce troisième opus est d'une cohérence exemplaire, on navigue sans le moindre effort entre les intentions et il est difficile de ne pas rester scotché par la performance.

 

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Alpha Wolf – Half Living Things
Nu-metalcore – Australie (Sharptone)

Alpha Wolf a acquis une popularité que peu lui prédisaient. Les Australiens ne faisaient pas pourtant une musique particulièrement originale et leur premier long format, Mono, en 2017, n’avait recueilli qu’un succès modéré. Mais A Quiet Place to Die en 2020 a tout changé. Et il faut dire que c’est un album puissant et efficace avec des tubes évidents comme l’inévitable « Akudama ». Je vois deux facteurs qui ont permis à Alpha Wolf de s’imposer en si peu de temps. D’une part, avec des sorties récurrentes, le groupe s’est imposé comme le fer de lance de la scène nu-metalcore qui mélange le metalcore aux rythmes nu-metal, devant Varials, ten56 ou Tallah. L’autre raison, c’est leur choix de tourner quasiment en continu avec plus de 100 concerts par an depuis 2022. Ils ont assuré la première partie de Motionless in White et Knocked Loose, Erra, Polaris ou pour Thy Art Is Murder et Dying Fetus plus récemment. Une hyperactivité telle que maintenant ils assurent des tournées avec leur nom au-dessus d’Emmure ou The Devil Wears Prada sur l’affiche.

Half Living Things est donc un album qui marque un tournant et qui doit montrer quelle direction Alpha Wolf souhaite emprunter. Stylistiquement, on reste sur du nu-metalcore, même s’il me semble que la dose de nu-metal a été augmentée avec une musique toujours aussi frontale et bien bête, mais plus jumpy et urbain que son prédécesseur. En revanche, avec 40 minutes au compteur, difficile de dire que l’album est digeste et trois morceaux en moins auraient pu lui rendre justice (disons « Feign », « Pretty Boy » et le peu subtil « Double-Edge Demise »). Sur « Whenever You’re Ready », Alpha Wolf sort de sa zone de confort et part dans des contrées plus mélodiques dans un espèce de BMTH-worship assez désagréable, alors que le featuring avec Ice T sur « Sucks 2 Suck » est très efficace et rentre-dedans. De mon côté, je retiendrai surtout le tonitruant enchaînement « Mangekyō » / « A Terrible Day for Rain » qui résume toutes les qualités des Australiens sans les gimmicks faciles. Pas l’écoute de l’année, mais loin d’être le guilty pleasure que beaucoup dépeignent, Half Living Things est en deçà de son aîné, mais reste un moment plaisant et qui contient son lot de réussites.

 

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Big Ass Truck – Big Ass Demo
Metalcore beatdown – USA (indépendant)

Le beatdown est un style tellement codifié et outrancier que c’est assez évident de retrouver des groupes parodiques. Pourtant, à ma connaissance, c’est Sunami qui a vraiment démocratisé cette approche du style, avant de se perdre en se prenant trop au sérieux. Un espace pour un nouveau groupe qui prend le beatdown avec auto-dérision était donc disponible et c’est Big Ass Truck qui semble se charger du travail.

Le groupe nous vient du Sud de la Califonie (Inland Empire) et semble s’être formé l’année dernière. Sur Instagram, le groupe se qualifie sobrement de « BLUE COLLAR BEATDOWN, 12 CYLINDERS OF FUCK YOU » et centre la majorité de ses paroles sur les camions et le brag habituel du style. La démo commence par un sample d’une vieille pub pour des pick-ups Ford et poursuit sur un appel au mosh déjà culte : « Straight out of the Inland Empire / Where all the best shit comes from / We got Bakers [une chaîne de fast food], Staters [une chaîne de supermarchés], McDonald’s / And last but not fucking least / BIG ASS TRUCK », suivi d’un gros klaxon de camion pré-breakdown.

La démo est composée de cinq titres tous plus malins les uns que les autres (« Big Ass Dog », « Beef ») avec des breaks bien gras et aux basses boostées et quelques influences deathcore disséminées ici et là, notamment sur le dernier morceau, « Corn-Fed » avec le feat de Smoked909 (projet tout aussi bête). Ça pourrait être gênant et forcé, mais Big Ass Truck se maintient sur la crête entre efficacité et humour, alors si vous vous sentez d’humeur régressive, c’est par ici que ça se passe.

 

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Contre-feux – La Morsure
Screamo – France (indépendant)

Encore une fois, vive le screamo français, sa poésie, sa radicalité et son originalité, mais ses qualités se méritent car ses disques doivent être déterrées des profondeurs de Bandcamp. Fort heureusement pour Contre-feux, c’est son guitariste Paul qui m’a envoyé le dernier EP et je l’en remercie chaleureusement. Car La Morsure, la deuxième sortie du projet bordelais, est une petite pépite rugissante et émotive. Son prédécesseur, Mort/Vivant était déjà très abouti, dans la lignée de Tromblon, Constante, Daïtro ou Vibora.

La Morsure prolonge ces références en mettant l’accent sur l’intensité (le riff puissant de « Gibier le soir ») et la poésie. À ce titre, l’EP s’ouvre sur un extrait de Bukowski et se termine sur un enregistrement de Virginie Despentes qui lit une de ses créations. Le dernier morceau, « Nos sourires et des flammes » est d’ailleurs mon préféré car il est la synthèse parfaite de ce qui fait Contre-feux et qu’il est porté par une batterie absolument sidérante de précision. Les paroles du groupe sont dans la tradition de l’école française, hermétiques mais porteuses de thématiques révolutionnaires, et évitent l’écueil du parfois pompeux malheureusement pas si rare dans la scène. Si vous avez 12 minutes devant vous et que vous voulez renouveler votre playlist screamo, je vous prescris Contre-feux.

 

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Failure – Obstinate
Powerviolence – Italie (No Time Records)

Je ne vous ai jamais menti en prétendant être un astrophysicien ou un ingénieur des ponts et chaussées, et c’est par ce goût pour les choses simples et bêtes que j’aime la powerviolence. Celle de la première génération, qui hurle et n’arrive pas à tenir en place plus d’une minute. Failure fait partie de cette école et est probablement un de mes groupes préférés du genre. Ils sont italiens, aiment bien les choses qui vont vite et les paroles non intelligibles. Leur éponyme de 2017 m’avait charmé et rien ne m’avait déçu depuis lors, surtout par leur split avec les autres rigolards anglais d’Ona Snop.

Failure fait de la powerviolence avec l’amour des choses bien faites et le respect pour la tradition (« Out of Balance »). Tous les gimmicks sont donc là : des riffs mid tempo, un chant hurlé parfois répondu par un chant grogné, et un morceau final plus lent que les autres. Bon, sur ce disque, même en respectant la coutume, ils ont à peine réussi à le faire dépasser la minute. Le disque dure donc 7 minutes 21, il contient des samples en italien et il est surtout aussi expéditif que délicieux (mixage et mastering sont encore assurés par Will Killingsworth). Savourer des choses bêtes mais bien faites est une affaire de gourmet.

 

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God Mother – Sinneseld
Hardcore chaotique – Suède (indépendant)

Ce n’est pas exactement la première fois que je vous en parle (cf. Bagarre #16), mais je suis très fan du groupe suédois God Mother. Discret et modeste, il est pourtant actif dans la scène depuis plus de dix ans, sans jamais avoir vraiment reçu la visibilité qu’il mérite. Ce que j’aime particulièrement chez God Mother c’est leur capacité à faire un hardcore décomplexé, très instantané en apparence mais qui renferme beaucoup d’inventivité et de finesse de composition. En témoigne le choix de cette sortie : en règle générale une fois les premiers albums sortis, les groupes ne s’attardent plus trop à publier des EPs ; ce n’est pas le cas de God Mother qui n’a pas sorti de LP en sept ans et qui enchaîne deux EPs en deux ans pile.

Stylistiquement, on est toujours dans un univers très proche de celui de Converge et qui rappelle en général le hardcore chaotique américain de Cult Leader, The Hope Conspiracy ou même les Canadiens de Baptists à qui on aurait enlevé le côté crust. C’est sauvage et rapide, avec un aspect primitif paradoxalement technique et porteur d’une urgence et d’un groove rares dans la scène (« Huddinge Blues »). Au mastering, on reconnaît la brillante houlette de Magnus Lindberg de Cult of Luna qui permet un disque de hardcore dense mais extrêmement lisible.

 

 

En trois mois il peut s'en passer des choses. La scène n'a pas chômé et il y a toujours de quoi faire déborder le vase des recommandations donc voici les dernières en vrac, comme d'habitude :

  • À Horns Up, on est des grands ienclis du groupe de screamo caennais Tromblon, qu’on avait notamment fait jouer lors de notre anniversaire nantais et dont j’avais chroniqué le dernier album juste ici. Après trois ans de discrétion, le groupe revient avec un split en compagnie des Italiens de Put Pùrana. Le morceau de Tromblon est un tour de force de rage émotive qui oscille entre un chant clair groupé, un chant scandé en voix de tête et un chant saturé déchiré. La partie Put Pùrana est dans la pleine tradition du screamo italien de Raein, rêche et pressé, tout en rappelant aussi les débuts de Birds in Row, rien que ça.

  • Wreckage est toujours (comme je vous l'ai déjà dit ici et ) trop fort pour faire revivre le hardcore mélodisant des années 2000 (Life Long Tragedy, Ruiner, Verse) avec des riffs mid-tempo bien trouvés et une atmosphère fédératrice très rare dans la scène actuelle. Cette fois c’est avec un EP cinq titres très efficace (« Test of Time » est un super morceau).

  • Les heures du hardcore à la gloire de Krishna (le krishnacore) ont beau être lointaines, Invocation continue à ressusciter le style (après un solide premier EP) en publiant un single trois titres de très bonne facture. Niveau références, cherchez toujours du côté de 108 et du metalcore straight edge 90s à la Earth Crisis

  • Conservative Military Image fait pas mal parler en ce moment en réintégrant une sensibilité et une esthétique skinhead/oï au sein du hardcore et leur dernier EP est bien fait avec des morceaux marquants. Et soyez rassurés-es, les symboles utilisés le sont souvent de façon distanciée et le groupe critique ouvertement les boneheads (skins nazis). 

  • Je vous ai déjà suffisamment cassé les oreilles récemment avec Bayway (ici et ) donc je n’insiste pas avec une nouvelle entrée mais sachez que les gros bourrins du New Jersey viennent de publier un nouvel EP et que c’est toujours une branlée de rapetous avec que des breaks et un chant rappé pour les nostalgiques de E-Town Concrete

  • Encore une pépite chez Ephyra avec la toute première sortie de Blow Up the Outside World. Malgré la référence à Soundgarden, pas de grunge mais une espèce de hardcore métallique rampant et incarné comme il y en a rarement. C’est sauvage et cru, tout en conservant des riffs mid-tempo prometteurs. Il n’y a pour le moment aucune information sur le groupe, ses membres et leur provenance mais ça ne m’étonnerait pas que ce soit des habitués-es de la scène étatsunienne. 

  • Life’s Question revient, deux ans après World Full of… avec un EP six titres chez Flatspot. Malheureusement, les critiques qu’on pouvait adresser au précédent se ressentent toujours ici avec des morceaux efficaces mais souvent un peu patauds et brouillons, et des incursions plus mélodiques pas forcément toujours subtiles.

  • Chez Tomb Tree Tapes, vous pouvez vous régaler du premier album de .22lr dont le screamo cyclonique et dissonant est extrêmement persuasif. Il transmet ce sentiment d’urgence nécessaire à un bon album de screamo, avec des passages rêches et gorgées d’émotions brutes. Douze minutes suffisent pour projeter le groupe dans les belles promesses de l’année, dans un style similaire à Lord Snow ou Youth Funeral

  • Chez DAZE, je ne m’attendais pas à voir le premier long format d’Extinguish, dont je vous avais parlé de la toute première démo dans la Bagarre #10. A l’époque c’était du beatdown de rapetou générique à la Sunami et sur ce LP, le groupe a purgé la majorité des éléments beatdown pour un solide metalcore evil et haineux qui plaira aux fans de Worst Doubt, Simulakra ou Adversary.

  • Ephyra a aussi sorti le nouvel EP de letsmakenothinghappen qui, comme son nom tend à l’indiquer, fait de l’emoviolence ultra chaotique et insolente. Influencé par le white belt / false grind (mathcore + grindcore + sasscore), le trois-titres est un coup de grisou bien stupide mais très cohérent, pour celles et ceux qui aiment XclocktowerX ou Gxllium.