Il y a, à mon sens, de nombreuses façons de s’inscrire dans le sillage de Black Sabbath. Le quatuor de Birmingham à la carrière protéiforme a, à peu de choses près, tout engendré au sein de notre scène bien aimée et il est normal que de nombreux groupes, d’une façon ou d’une autre leur rendent hommage. Du clin d’œil à la cover en passant par le strict mimétisme, chacun s’approprie Sabbath à sa manière et il est bon de savoir que leur héritage perdurera sous différentes formes.
Ce meme, à défaut d’être drôle, illustre bien la dichotomie qui traverse l’Ozzy-era de Black Sabb. D’une part, des plans très solennels et chargés émotionnellement qu’ont retravaillé à l’envi les chantres du doom trad et de l’autre, un groove sensuel et un peu sauvage, bancal, que s’est approprié majoritairement la scène stoner. Cependant, il n’y a pas que Kyuss et consorts qui ont construit des riffs up tempi et troubles. Toute la nouvelle scène occult rock y a trouvé un terreau d’inspiration fertile et avant eux, des groupes old school, Witchfinder General, Pagan Altar et Pentagram en tête, ont travaillé cette base.
2023, au sein d’une playlist découverte Spotify, je tombe sur « Dagger Dagger » de Castle Rat un groupe inconnu se qualifiant de Medieval Fantasy Doom metal. Et en effet, tous les codes de la Sword & Sorcery se retrouvent dans les visuels liés au groupe : logo comportant une épée, pochette que vous pouvez admirer ci-dessus et photo de groupe mettant en scène des personnages que l'on penserait plus croiser dans Baldur’s Gate ou au fil des pages d’un jeu de rôle plutôt que dans le Brooklyn dont le quintet est originaire. Dans la présentation, un petit laïus racontant l’univers du groupe : une bande gravitant autour de la « Rat Queen » défendant « the Realm » (le Royaume) des attaques de leur ennemi juré, la « Rat Reaperess ». Musicalement en revanche, nous sommes extrêmement loin du heavy un peu trop mélodique et très épique qu’on retrouve traditionnellement exécuté par les groupes basant leur univers sur la Sword & Sorcery mais on retrouve ce groove un peu baveux évoqué précédemment.
Toute la dimension bancale, la mise en place un peu aléatoire, les finaux en queue de poisson participent au charme des Sabbath, Pentagram, Witchfinder General et consorts. Castle Rat l’a parfaitement compris. Into the Realm est très très loin d’être un album carré, mais est terriblement accrocheur. Toute la dimension un peu « naïve » du propos, que ce soit au sein du riffing, dans l’absence totale de transition fluide, dans le lore autour du groupe ou dans la power ballad « Cry for Me » participe activement à donner un cachet absolument fou à ce premier album. D’autant plus que le format ne permet aucun temps mort : on peut arguer sur le fait que 32 minutes avec interludes est une durée particulièrement courte pour un album, cependant, rappelons que Master of Reality (aka le meilleur album du meilleur groupe) n’en fait que 34. Et que cette brièveté est au service de l’efficacité. Ni fillers ni temps morts, Into the Realm se dégomme comme une Pale Ale sous 28° et, au terme de « Nightblood », une seule envie : presser le bouton replay et replonger dans le royaume.
Avec Into the Realm, Castle Rat sort un album entier, honnête, voire touchant. Là où Green Lung a récemment peaufiné son occult rock pour sortir des bangers lisses dans la droite lignée de Ghost, Castle Rat reprend la torche du doom crade et crapuleux et vient d’aveugler tout le monde avec cette gemme issue de nulle part. Capable de fédérer à peu près n’importe quel fan de metal extrême non-allergique aux productions rèches et tous les hard rockers à l’ancienne, il est probable qu’on reparle encore longtemps de ce premier effort. Puisse t’il leur permettre d’acquérir une notoriété suffisante pour venir dans nos contrées.
Tracklist :
1. Dagger Dragger
2. Feed The Dream
3. Resurrector
4. Red Sands
5. The Mirror
6. Cry For Me
7. Realm
8. Fresh Fur
9. Nightblood
