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Chasse le Dragon #2 - Sabïre, Arð, Crypt Sermon, Freeways, Attic...

mercredi 26 juin 2024
Dolorès

Non.

Nous voilà déjà à la deuxième Chasse au Dragon de 2024, et elle a été fructueuse. Horns Up vous a réuni une liste d'albums parfaite pour l'été et les terrasses... ou pour rester dans votre donjon volets fermés, si vous êtes du genre à fuir le soleil. Du hard rock à la Thin Lizzy au doom metal le plus théâtral, en passant par des légendes la NWOBHM et l'un des albums de l'année en heavy, les vouivres de toutes formes et couleurs constituent le butin de cette chasse prolifique. 

 

Cloven Hoof |  Arð Scimitar | Sabïre | Crypt SermonGreyhawk |Bronze | Attic | Freeyways 

 

Cloven Hoof – Heathen Cross
NWOBHM– Angleterre (High Roller Records)

Malice : Cloven Hoof est sur la liste de ces groupes au nom mythique mais que je n'ai jamais approfondis. Tout au plus me repassé-je régulièrement A Sultan's Ransom, usine à tubes, mais la carrière récente du groupe m'a perdu. Trop de changements de line-up ont fait du bassiste Lee Payne le seul membre d'origine du groupe.

Après Time Assassin (2022), une bonne nouvelle cependant : Cloven Hoof a un nouveau chanteur et ce n'est pas n'importe qui. Harry « The Tyrant » Conklin, légendaire vocaliste de Jag Panzer, amène Heathen Cross des lieues au-dessus du précédent album. J'avais vu Conklin en live avec l'horrible projet The Three Tremors en compagnie de Tim  « Ripper » Owens et Sean Peck, et il était déjà de loin le meilleur du trio. Ici, sa voix puissante porte le groupe dès « Redeemer », ouverture plutôt véloce.

Le reste ne sonne plus vraiment comme les débuts légendaires de Cloven Hoof, et c'est un constat fréquent chez ces vieux de la vieille qui ont enchaîné les changements de personnel : difficile de conserver une vraie patte. On se contente d'apprécier un heavy metal parfois moderne (le groovy « Do what thou wilt » sur lequel Conklin sonne presque comme Russell Allen chez Adrenaline Mob !), parfois plus classique. Iron Maiden aimerait d'ailleurs récupérer le riff de « Caught Somewhere in Time », éhontément pompé sur « Darkest before the Dawn ». Bref, Heathen Cross ne marquera pas l'histoire du metal mais fera plaisir aux fans, et à ce stade de la carrière de Cloven Hoof, c'est suffisant.

Arð – Untouched by Fire
Doom monastique – Angleterre (Prophecy Productions)

Dolorès : Je découvre Arð seulement début 2024, alors même qu'un groupe de doom épique mais doux sorti chez Prophecy aurait pu attirer mon attention bien plus tôt. C'est réellement ce que ce projet solo anglais est sur l'album Untouched by Fire : 42 minutes de doom mélodieux et plutôt bien lent où seuls des chœurs solennels et tranquilles viennent s'élever en guise de chant et où quelques notes de piano prennent parfois place aux côtés de synthés. Honnêtement, pas de quoi scander des refrains fédérateurs, mais plutôt des hymnes à la sérénité, auxquels on pouvait s'attendre lorsqu'on lit que le projet se revendique du monastic doom. Je n'aurai clairement pas appris grand chose sur la vie du roi guerrier Oswald ayant vécu au VIIe siècle, soyons honnêtes, bien que j'aie bien fait tourner l'album. Le petit côté entêtant, à mi-chemin entre certains titres de Cross Vault et un genre de funeral doom assez lumineux, couplé au fait que ça m'a fait une excellente bande-son pour lire le dernier tome du Sorceleur, en font un opus pas mal écouté ce printemps dernier pour ma part.

Scimitar – MMXXIV
Heavy puk – Danemark (Dybdestegte)

Dolorès : Rien de nouveau mais ici le heavy rencontre le punk sur deux morceaux, 12 minutes, le temps d'une démo. Deux titres qualitatifs, ce qui n'est pas étonnant quand on voit que tous les membres ont fait leurs armes dans d'autres projets danois, allant du heavy au metal extrême. Cette fois, ce sont des mélodies mémorables et une énergie dégueulasse et maîtrisée à la fois qui font le charme de cette démo. Le chant féminin, dans un registre clairement pas aigu et porté par un timbre singulier sur des placements peu communs, est clairement bienvenu. Il manquerait un petit travail pour rendre chaque ligne plus percutante et entêtante mais le plus gros du travail est déjà là. A l'inverse, le côté complètement bordélique – mais jamais à côté de la plaque – de l'instru me semble clairement être l'un des atouts du groupe : tout va trop vite et dans tous les sens, c'est donc la sensation d'être submergé par leur proposition qui est agréable à l'écoute. A quoi ressemblera la suite pour Scimitar ?

Sabïre – Jatt
Acid metal – Australie (Listenable Records)

Dolorès : Difficile de faire plus percutant que Gates Ajar, l'album de Sabïre sorti en 2018, qui alignait les bangers comme jamais. Un premier single, le sublime « Ice Cold Lust » attendait déjà depuis 2021 que la suite soit annoncée et c'est enfin en juin 2024 que naît Jatt. Si les 26 minutes de Gates Ajar étaient presque trop courtes, on peut reprocher à Jatt l'extrême inverse : plus d'une heure pour un heavy influencé par un mix entre High Spirits et Alice Cooper (qu'ils aiment appeler acid metal !), c'est un poil trop. Toujours est-il que c'est un vrai plaisir de retrouver Sabïre qui ne déçoit pas, malgré quelques recyclages de mélodies de l'opus précédent. On se dandine autant sur les tubes uptempo (« Pure Fucking Hell », « Just A Touch of Acid ») que sur les titres simples et efficaces au possible à la « I'm A Rock » ou les presque-ballades plus tranquilles mais émotionnellement très justes (« The Last Day », « Chained Down » et bien sûr « The Shadow in my Heart »). Une petite tournée européenne, maintenant ?

Crypt Sermon – The Stygian Rose
Epic doom metal – USA (Dark Descend Records)

Di Sab : The Ruins of Fading Light fut mon album préféré de 2019. Après un Out of the Garden prometteur, Crypt Sermon a littéralement transformé l’essai en sortant un opus empreint d’une ambiance et d’une esthétique qui lui était propre. Car c’est dans ce dialogue riche entre foi et douleur, entre majesté et intime que réside le nec plus ultra de Crypt Sermon. Racontant la chrétienté dans sa dimension la plus épique et la plus intérieure, le quintet de Philly devait profiter de The Stygian Rose pour assoir sa domination sur la Terre Sainte du doom trad.

« Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé. » Matthieu 23:12. Et c’est sans doute par l’orgueil que The Stygian Rose pèche. Extrêmement virtuose, des soli par légions, des incursions vers les power ballad voire très légèrement vers le hard rock, le disque est extrêmement dense pour ses 45 minutes et tout n’est pas réussi. « Scrying Orb » la poussive en est un exemple frappant. Cependant, difficile de mettre le nouveau Crypt Sermon dans la catégorie des albums dispensables. Le nouveau cru contient encore de réels moments de grâce et la théâtralité si bien mesurée des vocaux reste une réelle force. On était juste habitué à mieux. Souhaitons au groupe de redescendre de son échelle (de Jacob) et de revenir aux fondamentaux : de la souffrance, du panache, et la pesanteur de la foi en Dieu et en Iommi. Amen.  

 

Greyhawk – Thunderheart
Heavy metal – USA (Fighter Records)

Malice : Très probablement mon album de cette sélection, qui aurait mérité une chronique à lui tout seul. Thunderheart, le second album de Greyhawk, est une usine à hymnes bardés de testostérone, quelque part entre Visigoth, Grand Magus (la voix grave et profonde de Rev Taylor aidant) et des influences bien plus hard FM. Le tout propulsé par l'incroyable jeu de Jesse Berlin, shredder de haut vol.

De l'entame très power metal « Spellstone » au riff de stade du mid-tempo « Steadfast », Greyhawk sait également varier les rythmes, mais reste irrésistiblement catchy et « feel good ». Le meilleur exemple, c'est ce véritable « bro hymn » qu'est « The Last Mile », au texte qui peut prêter à sourire mais est balancé avec une telle conviction qu'il en devient franchement émouvant (« I'll stand beside you until the end, when your worst enemy is you then I will be your friend »). Du Manowar intelligent, dirait-on, si ça n'existait pas déjà sous le nom de Virgin Steele.

Greyhawk s'offre même des titres très hard rock à la Kiss, voire à la Survivor – le plutôt réchauffé mais efficace « Rock & Roll City », ce « Back in the Fight » digne d'une OST de Rocky – et termine Thunderheart sur une ballade classieuse et réussie, c'est assez rare pour être souligné. L'un des albums de heavy metal de cette première moitié d'année 2024. Seule crainte : Rev Taylor, qui porte cet album, a quitté le groupe. Son remplaçant a l'air de faire le job, mais d'avoir un peu moins de personnalité. On croise les doigts...

Bronze – In Chains & Shadows
Heavy metal – Espagne/Suède (Indépendant)

Malice : Qu'est-ce que ça donnerait si Doro chantait pour Running Wild ? Voilà globalement le postulat de base du premier album de Bronze, du moins sous ce nom (ils en avaient sorti un autre, passé inaperçu, sous le nom un peu pourri de Kramp). La voix très particulière de la chanteuse espagnole Mina Walkure rappelle en effet un peu celui de la « Metal Queen », avec des intonations qui peuvent parfois crisper mais un sacré coffre.

L'avantage de Walkure par rapport à Doro, c'est qu'elle chante sur de bons morceaux – aïe, balle perdue, désolé. Et si Bronze rappelle les calvacades de Running Wild, c'est parce que Ced Forsberg, tête pensante de Blazon Stone, est aux manettes sur cet In Chains & Shadows très efficace. Le dansant « Jackals of the Sea » pousse le mimétisme jusqu'à emprunter le thème de la piraterie, avec un refrain taillé pour le live. L'ennui ne s'installe pas pendant la grosse demi-heure d'un album parsemé de tubes (« Maze of Haze », « Samurai » qu'on croirait clin d'oeil à Tokyo Blade) et qui passe comme une lettre à la poste.

Attic – Return Of The Witchfinder
Mercyful Diamond – Allemagne (Ván Records)

Malice : Enfin ! Sept ans après Sanctimonious, Attic revient avec un troisième album que j'attendais avec impatience tant le précédent était ma claque de l'année 2017. J'étais surtout curieux de voir si les Allemands réussissaient non pas à se renouveler mais surtout à garder le cap en termes de qualité, sans devenir un simple copycat de Mercyful Fate ou des albums solos de King Diamond.

Sur ce plan, Return of the Witchfinder a moins de personnalité que Sanctimonious : pas de vrai album-concept ici, même si les thèmes sont bien sûr prévisibles. Meister Cagliostro reste le meilleur imitateur du « King » qui soit, tout simplement, mais ose aussi des lignes vocales piégeuses (la fantastique ouverture « Darkest Rites », le refrain surprenant de « Azrael »). De manière générale, on est bien plus proche ici de l'enchaînement de tubes qu'était The Invocation sans en atteindre l'efficacité (qui était difficilement égalable pour un premier album, il faut l'avouer).

Heureusement, Attic a conservé l'un des aspects les plus réussis de Sanctimonious, à savoir certains passages quasi-extrêmes (ce blastbeat sur le fantastique « Hailstorm & Tempest ») et des ambiances à couper au couteau (« The Thief's Candle »). Malheureusement, on n'échappe pas à un sentiment de redite (le riff de « Offerings to Baalberith » donne l'impression de figurer sur les deux albums précédents...) et Return of the Witchfinder marque une petite stagnation dans l'évolution d'Attic, ce qui est dommage après 7 ans d' attente.

Freeways – Dark Sky Sanctuary
Hard rock 70s – Canada  (Dying Victims Productions)

Malice : Très clairement la bonne surprise de cette Chasse au Dragon, même si ce n'est pas celui qui montrera le plus les crocs. Après s'être révélé en première partie de Hällas à l'époque, Freeways sort son second opus Dark Sky Sanctuary, et c'est un véritable bonbon frais. Une musique de road-trip, entre Thin Lizzy et les vieux Scorpions (le riff funky de « Can't Deny Destiny », avec cette voix à la Klaus Meine...).

En 8 titres et 33 minutes, les Canadiens réussissent à varier les rythmes et les ambiances comme sur le plus NWOBHM et véloce « Give'em the Gears » ou ce « Travelling Heart » bien plus chiadé qu'il en a l'air avec ses plans jazzy. Des twin guitars, un chant lumineux, du hard rock typé 70s qui fait taper du pied : Dark Sky Sanctuary est l'une des excellentes pioches de cette première moitié d'année, que vous pourrez écouter avec le daron et noter les références qu'il y retrouve.

 

Quelques compléments de dracologie...

  • Depuis la première Chasse, le nouvel album d'un petit groupe qui monte est sorti : Judas Priest. Et bien sûr, les Dieux du Metal méritaient une chronique à part entière, qui est à retrouver par ici. Spoiler : on a aimé. 

  • Dans un genre bien différent mais qui rentre dans cette rubrique, Myrath a également sorti son Karma, et il a aussi eu les honneurs d'une chronique, à relire par ici. Spoiler : on a aimé aussi. 

  • Vraiment, on a essayé d'écouter, pour vous en dire un peu plus, le dernier album de Rhapsody Of Fire. Mais Challenge The Wind sonne tellement comme une pâle parodie de ce qui a fait le succès des maîtres italiens du power symphonique qu'on a par moments l'impression qu'il aurait pu être composé par une IA. Ce n'est pas foncièrement mauvais, mais il ne se passe rien du tout. Sans Turilli et Lione, on peut le dire : Rhapsody est en état de mort cérébrale. 

  • Quelques mots d'un petit événement : le nouvel album de Warlord, sorti à titre posthume après le décès de William J. Tsamis décédé en 2021. Free Spirit Soar revisite notamment quelques morceaux de Lordian Guard, l'autre projet de Tsamis, mais offre aussi des inédits qui suintent par moments l'esprit du Warlord « classique ». « Behold a Pale Horse », « Worms of the Earth » ou encore la sublime (et très biblique) conclusion « Revelation XIX » auront certainement une place de choix dans la setlist du concert-hommage du Pyrenean Warriors, en septembre prochain. Seul bémol : un vocaliste tout bonnement pas à niveau.