Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Que se soit éparpillé sur la durée (les Memoria Vetusta) ou de manière plus compacte (les 777), Blut Aus Nord aime travailler en cycle et sortir des albums qui dialoguent entre eux à travers le temps. Quizième album du groupe, Disharmonium - Nahab fait suite à Disharmonium - Undreamable Abysses, et indique donc que nous sommes entrés dans une nouvelle période pour les Normands, dont on pourrait dater, a posteriori, le début avec Hallucinogen.
Si le voyage psychédélique proposé par BAN en 2019 est sans doute leur album le moins sombre, il est également une sorte de matrice de ce nouveau cycle Disharmonium. Undreamable Abysses gardait le côté hypnotique et vertigineux, le barbouillant avec des teintes noires et hostiles. Nahab descend d'un étage supplémentaire dans le chaos des profondeurs et nous traîne avec lui dans une tourmente sans issue, mais qui conserve toujours les intentions développées sur Hallucinogen : la sensation de perdre pied dans un univers surchargé et une avancée troublée par des rythmiques imprévisibles. Mais sur Disharmonium - Nahab, on reprend l'exploration des contrées lovecraftiennes entamée sur Undreamable Abysses, et cela se fait bien entendu dans une atmosphère irrespirable. Les dernières couleurs que l'on voyait sur la pochette du précédent opus ont disparu, les derniers vestiges du trip cosmique s'éloignent et laissent place à une vilaine descente dans des abîmes où seul Vindsval et ses comparses peuvent nous guider. Il y a des moments de terreur pure, avec notamment le final de « The Endless Multitude » où, soudain, le blast nous prend à la gorge alors qu'on ne s'y attendait pas ; il y a des traversées d'angoisse, avec les trois interludes « Hideous Dream » remplis de fantômes, et il y a surtout une délicieuse sensation d'être à la merci du groupe quasi-permanente qui joue avec nos perceptions pour toujours mieux nous égarer.
La production est assez similaire à celle de Undreamable Abysses, chargée de tous les côtes, avec une densité effroyable et jouissive. Les riffs de guitares zigzaguent sans cesse, la batterie, plus imprévisible que jamais, déploie des tentacules rythmiques envahissantes, et des effets synthétiques enveloppent l'ensemble pour ne laisser aucune visibilité à l'auditeur. Et puis il y a la voix désincarnée et rugueuse, légèrement sous-mixée pour que l'on soit forcé de la chercher dans le cyclone des instruments. Disharmonium - Nahab ne souffre d'aucun titre faible, la constance demeure l'une des qualités de BAN qui en font un groupe exceptionnel. On trouve toujours un plan que l'on attendait pas, une ligne mélodique tordue et malfaisante qu'on avait pas vue venir, une agression sans préavis qui brise le confort dans lequel on pensait se trouver. Même les moments un peu attentistes qui parsèment l'album (sur la fin de « Queen of the Dead Dimension ») donnent des frissons : on sait qu'il va se passer quelque chose mais impossible de deviner ce qui va nous tomber dessus (parfois rien, tout s'arrête sans prévenir), renforçant ce sentiment d'angoisse qui nous tient tout au long de l'écoute.
Blut Aus Nord fascine toujours autant. Avec une identité très marquée et qui saute aux oreilles à chaque album, le groupe parvient à toujours surprendre et se renouveler, évite le surplace stérile pour aller à chaque fois dans une direction légèrement différente. Avec donc un quizième album qui poursuit une discographie à l'exemplarité rare.
Tracklist de Disharmonium - Nahab :
01.Hideous Dream Opus #1
02.Mental Paralysis
03.The Endless Multitude
04.Hideous Dream Opus #2
05.The Crowning Horror
06.Queen of the Dead Dimension
07.The Black Vortex
08.Nameless Rites
09.Hideous Dream Opus #3
10.The Ultimate Void of Chaos
11.Forgotten Aeon
