Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Moins d'un an après avoir sorti le premier album de Yerûšelem, Vindsval et W.D Feld, toujours aussi prolifiques, remettent le pied à l'étrier Blut Aus Nord et nous proposent Hallucinogen, treizième album de la formation. Dans les semaines qui ont précédé la sortie, Vindsval annonçait que ce nouvel opus apporterait de la nouveauté. Et quand on sait que n'importe quel album de BAN a apporté de la nouveauté - aussi bien dans la discographie du groupe que dans le champ du Black Metal en lui-même - un tel effet de manchette éveille à coup sûr la curiosité.
La première chose qui frappe lorsqu'on lanceHallucinogen, c'est l'énorme changement qu'a opéré BAN au niveau du son. Si certains albums ou cycle d'albums (je pense à Memoria Vetusta) ont déjà fait preuve d'une certaine aération dans la production (en comparaison d'un MoRT bien opaque par exemple), Hallucinogen va beaucoup plus loin dans l'aspect éthéré et clair, notamment sur la guitare. Le chant est également traité de la même manière, assez peu de voix écorchée, beaucoup de chant clair lointain et plein de reverb' et surtout énormément de choeurs puissants et enlevés. L'atmosphère générale d'Hallucinogen est donc assez loin de ce qu'a pu proposer BAN, et pourtant tout au long de l'écoute on ne peut s'empêcher de se sentir en quelque sorte en terrain connu. Premier aspect Blut Aus Nordien, l'épaisseur du son. Sur tous les titres de l'album, il y a cette richesse dans le mix, cette profondeur, qui est tout à fait caractéristique du travail des Français depuis de nombreuses années, cette volonté de faire cohabiter une multitude de couches sonores. Et si dans certains cas BAN s'est servi de ce procédé pour rendre son oeuvre étouffante et hostile, cette fois c'est pour donner un ton majestueux et prophétique à sa musique qu'il multiplie les strates.
Autre touche qui immédiatement fait d'Hallucinogen un disque estampillé BAN : les guitares lead. Que ce soit les petites envolées sur la fin de Nomos Nebuleam ou les passages plus étendus de Sybelius (sur l'intro) ou d'Haallucinählia, le sens de la mélodie et de la narration musicale propre au désormais quatuor est immédiatement reconnaissable. En revanche, la partie rythmique et riffing des guitares peut parfois sembler un peu pauvre en comparaison d'autres oeuvres du groupe (le début de Nebeleste est un peu facile par exemple). Mais cette apparente simplicité cache un travail toujours aussi impressionant quant aux mesures asymétriques avec lesquelles BAN aime jouer. Et surtout, avec cette approche sonore nouvelle, ce riffing, plus orienté autour d'un tremolo picking plus conventionnel qu'à l'accoutumée, colle parfaitement à cette volonté de mettre l'auditeur dans une bulle relativement confortable. Hallucinogen ne veut pas votre mort cérébrale immédiate comme ont pu essayer de le faire d'autres albums. Ce nouvel opus veut vous faire revenir à lui inlassablement et pour ça, il lui faut une forme de simplicité. Même constat pour les passages plus atmosphériques où batterie et guitare saturée lèvent le pied : pas d'oppression noire comme on a pu en connaître, on dérive ici dans des arpèges colorés et apaisants, au milieu des morilles hypertrophiées qu'a imaginé Dehn Sora sur la pochette.
Si ce portrait global d'Hallucinogen donne l'impression d'un disque calme et reposant, soyons clair : Blut Aus Nord fait toujours du Black Metal. On a toujours du blast (Anthosmos, Mahagma), du chant crié et une bonne dose de noirceur sous-jacente. Mais le rendu général offre sans doute l'aspect le plus lumineux et rassurant de BAN, loin des cauchemars qu'ils ont pu nous proposer. Si les fins connaisseurs du groupe pourraient ne pas y trouver leur compte, les néophytes pourraient bien découvrir via cet album la parfaite porte d'entrée d'un univers toujours aussi fascinant.
Tracklist de Hallucinogen :
01.Nomos Nebuleam
02.Nebeleste
03.Sybelius
04.Anthosmos
05.Mahagma
06.Haallucinählia
07.Cosma Procyiris