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Dans le petit monde du métal, une partie de la gloire et de la renommée des groupes est formée par les studios. Et il en est un qui émerge en France pour les groupes à tendance progressive et mélodique. Il est tenu par le talentueux clavier d'Adagio, Kevin Codfert et se nomme le Studio 3 (je vous le met déjà en tête car on le retrouvera dans une prochaine chronique). C'est en quête de gloire que les Tunisiens de Myrath ont remis encore une fois leur destin entre les mains de cet ingénieur de génie. En effet, il y a deux ans déjà sortait Hope, leur deuxième album, produit par le musicien susnommé. Mais 2010 est l'année de Desert Call, troisième opus de cette formation qui allie métal progressif, heavy et rythmes orientaux. La méthode a été approuvée par des groupes comme Orphaned Land dans un registre un petit plus extrême.
L'artwork montre une main de sable, fermée comme un poing et dont le creux de ce poing semble attirer le ciel et la Terre. Le tout se transforme en sable, « tout est poussière et retournera à la poussière ». Cela dit les couleurs ocres et jaunes prennent un peu le dessus sur les tons bleu et l'aspect sable a tendance à rendre le tout un peu confus. Cela dit on voit parfaitement le nom du groupe et le titre écrit en deux langues.
Car, quand on vient d'un pays d'où l'on voit peu de groupes de métal émerger sur la scène mondiale, on a plusieurs cartes à jouer pour faire parler de soi. La première est bien sûr de jouer sur l'identité que l'on véhicule et sa culture. Ainsi le premier morceau de Desert Call, Forever and a Day est chanté en grande partie en arabe, comme le titre ne le suggère absolument pas. Et comme le disque ne le suggère pas non plus ! En effet il y a une différence entre la vidéo que vous pourrez trouver plus bas et le cd promotionnel qui nous a été remis : là les paroles sont en anglais. Alors deux versions à varier selon les publics ? La langue dépendra donc de l'édition et de la maison de disque (pour nous il semble que XII Records distribue la version en arabe). Il n'empêche que les premières mesures du titre n'amènent aucune ambiguïté sur le terrain musical : les instruments orientaux, percussions et cordes, sont là pour nous mettre dans l'ambiance. Alors libre à vous de trouver cliché ou restrictif de faire un paragraphe sur l'aspect « arabisant » de la musique de Myrath, mais sachez qu'ils en jouent et s'en servent comme d'un tremplin, donc ne profitez des superbes breaks d'ambiance comme sur Madness, agrémenté d'une basse qui claque, vous n'en décrocherez plus.
Mais ne croyez pas que Myrath se sert de sonorités orientales comme d'un cache-misère. On est même à l'opposé, les Tunisiens nous déroulent un métal progressif agrémenté de grosses doses de heavy de très haute volée. On déborde presque sur une musique rock avec couplets en douceur et refrains choc dans Silent Cries. Cette chanson est pleine de petits détails musicaux qui feront chavirer les plus softs d'entre nous (basse bien sentie, petit coup de guitare qui va bien, voix tantôt rock, tantôt aux accents orientaux...), avec en cerise sur le gâteau une partie centrale qui n'est pas sans rappeler un certain groupe de New York, dont le nom commencerait par Dream et finirait par Theater, période Awake, ce qui n'est pas pour me déplaire. En même temps, en dix minutes, il y a la place pour une vraie variation des passages, et une démonstration de talent. Et oui, le morceau épique est bien là, vous n'y échapperez pas.
Vous ne passerez pas à côté de la balade, avec Memories, un titre déjà utilisé un million de fois pour de telles chansons, vous repasserez par la case originalité. En plus avec les chœurs, les les arpèges et la voix qui pleure, voilà mon poil de chroniqueur hérissé. Et là sorti de nulle part arrive Ironic Destiny, brûlot heavy métal pur souche. Le tempo est plus élevé, le chant de Zaher Zorguatti évolue, il est moins mélo, plus rentre-dedans, plus germanique jusqu'au deuxième couplet. Ce titre ainsi que le dixième et dernier de l'album : Shockwave font bande à part, avec leur côté plus traditionnel, plus proche de ce que l'on peut attendre d'une formation mélodique, sans que cela n'enlève rien à leur qualité générale. À revenir, sur le chant, c'est un des points très positifs de l'album, le vocaliste joue sur de nombreux registres et fait évoluer sa voix en fonction de l'ambiance créée par les musiciens, rien à redire.
On sent aussi que la patte Kevin Codfert, couplée avec une bonne connaissance de la scène actuelle a permis à Myrath de faire des rapprochements avec des groupes qui occupent le devant de cette dernière : Adagio ou Symphony X font partie des noms que l'on pourrait mettre en avant. No Turning Back ne renierait pas une certaine parenté avec la bande à Stephan Forte, qui vient jouer quelques notes sur Desert Call, histoire d'accompagner les guitaristes qui ne sont pas en reste de prouesses techniques. Ces dernières sont loin d'être les plus impressionnantes qui soient mais ont le mérite d'être judicieusement placées et plutôt plaisantes. Le clavier n'a pas été oublié puisqu'il est omniprésent sur l'album et sait se placer en complément des soli des guitaristes (comme sur Madness) ou en nappe d'ambiance.
Quand on est produit par Kevin Codfert, il aurait été difficile d'en être autrement. En parlant de son, celui-ci est très bon, et rend justice aux nombreux instruments (violons, darboka, dof, mezouid...) utilisés sur Desert Call. Cela nous donne au final un album qui, on peut l'espérer, propulsera Myrath au sommet du monde du progressif. Respectant une certaine idée de leur identité, tout en replaçant judicieusement les concepts du heavy progressif mélodique qu'ils ont su développer en sachant bien s'entourer et en dosant le tout avec une personnalité bien affirmée dans un créneau pas ou peu exploité, voilà la recette qui fera de Desert Call le succès qu'il se doit d'être.
01. Forever And A Day
02. Tempests Of Sorrows
03. Desert Call
04. Madness
05. Silent Cries
06. Memories
07. Ironic Destiny
08. No Turning Back
09. Empty World
10. Shockwave
11. Hard Times (Bonus Track)