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Album

15 août 2018 - Malice

Redemption

Long Night's Journey Into Day

LabelMetal Blade Records
styleMetal progressif
formatAlbum
paysUSA
sortiejuillet 2018
La note de
Malice
7.5/10


Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

Redemption restera éternellement, c'est à craindre, un second couteau du power/prog américain. Le groupe emmené par Nick Van Dyk (guitare) est arrivé un peu tard dans le jeu, a tardé à sortir un album véritablement référence... et n'a récemment pas été verni – rupture d'anévrisme de Bernie Versailles (guitare) en 2014, départ de Ray Alder (pour se concentrer sur Fates Warning) après la sortie de l'excellent The Art Of Loss... Bref, il aura toujours manqué d'un petit quelque chose pour transformer l'essai.

Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir de sacrés arguments : l'album Snowfall On Judgment Day était d'une solidité remarquable : plus lumineux que son prédécesseur, installant une personnalité intéressante axée à la fois sur des lignes de guitare mélodiques et sur la voix si émotionnelle de Ray, véritable fil rouge du groupe. Mais le faux pas This Mortal Coil arrivera trop vite – album moyen, qui fera retomber le soufflé. Les nombreux guests et la qualité retrouvée de The Art Of Loss rallumeront la flamme – combien de fois n'ai-je pas écouté cette perle, touché au coeur par ces refrains et ces lignes de chant proches du génie, toujours surprenantes. Las ! Voilà que leur auteur quittait Redemption en 2017. On se dit que c'est fini : si doué soit Van Dyk, son talent de compositeur ne survivra pas, après la rupture d'anévrisme de Versailles, à l'arrivée d'un vocaliste de moindre standing. N'est pas Dream Theater qui veut, capable de devenir grand sans grand chanteur.

 

Mais voilà, Van Dyk a du flair (et de solides arguments, probablement) : il réussit le tour de force de remplacer un cador par un autre et dégotte rien moins que... Tom Englund, vocaliste d'Evergrey, soit une pointure du power/prog moderne – et à n'en pas douter un des chanteurs les plus talentueux du circuit à mes yeux. Joli coup, un peu incohérent – Ray a quitté le groupe parce qu'il n'avait « plus le temps » de s'occuper de Redemption ; Englund aurait donc plus de temps en évoluant au sein d'un groupe encore plus populaire ? - mais à n'en pas douter prometteur. Le tout est de réussir à relever un double défi : celui de réussir à ne pas sonner comme du Evergrey (qui officie dans un style après tout similaire), mais aussi de ne pas faire sonner Englund comme une copie de Ray, figure influente de la scène avec Fates Warning.

Le pari est à moitié relevé. L'évolution du style Evergrey depuis une dizaine d'années et l'album Torn évite en effet la comparaison entre les deux groupes lorsque se pose la voix de Tom Englund sur ce Long Night's Journey Into Day (titre évocateur?) légèrement plus progressif que son prédécesseur peut-être. Mieux : Redemption semble avoir cette fois décidé de s'assumer encore plus que sur The Art Of Loss, qui manquait parfois de profondeur (notamment au niveau du son, faiblard). Un titre comme Indulged In Colour, aux lignes vocales tout sauf intuitives, à la structure montant en puissance sans cohérence apparente, est probablement parmi les meilleurs composés par le groupe et, ce n'est pas un hasard, fait directement référence à l'un des titres phares de Snowfall on Judgment Day, In Black & White. «  I used to live in colour, now it's only black & white » chantait Alder à l'époque ; « I will live in colour », chante désormais Englund en écho. Les deux hommes sont indéniablement de la même école du micro, d'or plutôt que d'argent, d'or chaud dans la gorge, et on ne peut que regretter que le titre mis en avant pour promouvoir l'album, Little Men, soit celui sur lequel le Suédois se montre le moins à son avantage, comme nonchalant et fainéant – sans même parler du morceau en lui-même, plat et aux boucles de riffs inintéressantes.
 


Ce superbe Echo Chamber aurait constitué un apéritif nettement plus adapté, avec son refrain bien trouvé qui rappelle The Center of the Fire (The Art of Loss) et ses passages instrumentaux comme souvent impressionnants de maîtrise. Les amateurs de descente de manche de qualité en auront clairement pour leur frais, même si je n'ai jamais considéré que c'était l'argument principal de Redemption (et c'est tant mieux). Seul moment où Englund « fait du Evergrey » : la ballade au piano And Yet, au demeurant belle et sombre comme pouvait l'être le bouleversant The Origins of Ruin sans en atteindre les sommets.

Pour le reste, on en revient au deuxième défi à relever : éviter que les deux voix ne se confondent trop – et c'est en se rendant compte qu'il n'est pas relevé qu'on en comprend l'inutilité : Alder chantait les titres de Redemption comme ils devaient l'être et c'est aussi ce que fait Englund, seul le timbre les différenciant légèrement. Cela ne fait pas du frontman d'Evergrey un copycat mais bien un nouveau venu ayant eu l'intelligence et le talent de se mettre au service des compositions réussies qui lui ont été soumises – et peu l'auraient fait avec autant de brio.

Redemption avait fort à faire et nul doute que le changement de vocaliste juste après avoir sorti un album aussi réussi que The Art Of Loss aura un peu tué le momentum qui aurait potentiellement pu porter le groupe. La présence au micro de Tom Englund permettra peut-être aux Américains de sortir d'une certaine forme d'anonymat hors de leurs frontières, mais leur style pas forcément en vogue en Europe ne les y mettra pas en lumière.. et on reste songeur en pensant aux difficultés pour Redemption de se produire live aux USA, où leur popularité est réelle, avec un Suédois qui plus est très occupé pour vocaliste. Mais ce Long Night's Journey Into Day tient la dragée haute aux meilleures sorties du groupe – sans être l'album référence qu'on attend de moins en moins et qui ne viendra peut-être jamais.

 

Tracklist:

1. Eyes You Dare Not Meet in Dreams
2. Someone Else's Problem
3. The Echo Chamber
4. Impermanent
5. Indulge in Color
6. Little Men
7. And Yet
8. The Last of Me
9. New Year's Day
10. Long Night's Journey into Day

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