Live reports Retour
mercredi 25 octobre 2017

Saor + L'Hiver En Deuil + Zardens + WarCall

Moonlight Music Hall - Diest

Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

C'était à un sacré week-end de black metal que se préparait la ville de Liège ces 21 et 22 octobre : au sein de la modeste Legia, scène située sur une péniche, allaient s'enchaîner deux dates alléchantes – Sale Freux, Moonreich et Griffon le samedi, Saor le dimanche. Surprise à quelques jours de l'échéance : c'est finalement à Diest, à 45 minutes de là, que le concert se tiendra ...

On ose à peine y croire en apprenant la nouvelle et, surtout, en apprenant à quoi elle est due. Des... pressions antifascistes ont amené la Legia à déprogrammer l'intégralité du week-end et à chercher une solution en urgence, soit cette sympathique salle du Moonlight Music Hall de Diest. Prenons un peu de recul pour analyser cette décision assez hallucinante.
Les « soupçons » proviendraient donc des éventuels liens ténus entre l'un ou l'autre membre de Griffon avec des personnages jugés « douteux » ainsi que de la prétendue appartenance de Sale Freux à la scène NSBM. Un réquisitoire totalement – osons le mot – calomniateur est ainsi lisible sur le site suivant et laisse pantois tant la culpabilité par association y est le mot d'ordre.
Que je sois clair : le « fascisme », l'accusation de faire partie de la mouvance NSBM, bref ce genre de pointage du doigt n'est pas un jeu. Il s'agit d'un sujet sensible, loin d'être banal, et dont l'utilisation à des fins personnelles ou à la légère est particulièrement odieuse. L'intégrité morale de personnes est en jeu, leur image – et les propriétaires de la Legia, en consentant si rapidement à déprogrammer l'événement, confirment à quel point il est facile, de nos jours, de salir quelqu'un.

Grosse tuile, donc, pour les Liégeois qui se félicitaient d'assister aux concerts du week-end, et probablement pour l'organisation qui y a certainement perdu une partie de son assistance. Point positif : le public s'est tout de même bougé, sans que ce soit la folie certes mais le Moonlight Music Hall étant plutôt spacieux, l'impression peut être trompeuse. La présence à l'affiche de deux groupes belges, L'Hiver en Deuil et les Liégeois de Zardens, aide également à coup sûr. Présent également : un food-truck de pizzas, Pizza Délice, déjà connu de ceux qui ont fait le Metal Méan cette année. Le pizzaiolo prénommé Nabil, avec son beau message de tolérance affiché sur le fond de son truck, n'avait d'ailleurs pas l'air mécontent de servir des pizzas à la bande de vilains fascistes affamés que nous étions... sourire sardonique.

 

L'Hiver En Deuil (20h - 20h45)

Le black atmosphérique mâtiné de doom de L'Hiver en Deuil ouvre le bal de cette soirée. L'album du groupe, Ten Aarde (2013), m'a fait plutôt forte impression mais c'est surtout sur le side-project de deux de ses membres que j'ai récemment bloqué : Soul Dissolution, dont l'album A Pale Distant Light sorti l'année passée est une perle de post-black atmosphérique mélancolique, du genre haut du panier de ce style ultra-saturé. Je suis donc plutôt curieux de découvrir L'Hiver En Deuil live et « découvrir » est le mot juste car le groupe, qui sortira bientôt un nouvel album, en a tiré trois titres sur les quatre interprétés. Seul l'excellent Gekluisterd est rescapé de Ten Aarde. On apprécie toutefois réellement ces nouveaux titres aux ambiances similaires, au chant parfois hurlé (à la fois par le chanteur, David, à la voix plutôt personnelle, et par le guitariste), parfois susurré. Si les riffs plutôt mélodiques et post-black me font immédiatement penser à ce qu'a pu proposer le side-project Soul Dissolution, le côté pesant est également bien là (Boris, bassiste également actif au sein de Soul Dissolution, joue dans la fameuse formation belge doom-death Marche Funèbre) et le set, bien que forcément déstabilisant car en grande partie composé de titres inconnus du public, fait son petit effet. A suivre avec attention, donc.

Zardens (21h15 - 22h)

Le régional de l'étape, ou plutôt celui qui devait l'être. Zardens est une formation de black metal liégeoise qui officie dans une veine plutôt martiale, parfois à la limite du death. Une musique frontale qui prend directement le public à la gorge, me happant d'emblée par son intensité et ses riffs bien torchés. Techniquement très propre, le groupe est surtout visiblement très à l'aise sur scène (et compte de nombreux fans et amis dans le public), ce qui rend le tout d'autant plus sympathique. Le bémol inévitable de tout concert de black/death un peu « générique » est toutefois rapidement constatable : je finis par décrocher aussi vite que j'ai accroché, la faute parfois à un manque de variations de tempo ou d'atmosphères. Zardens fait toutefois le taf de manière plus qu'honorable tout en ayant fait le plein au niveau du public.

WarCall (22h30 - 23h15)

Le délicieux accent qu'on entend depuis le début de la soirée autour de nous ainsi que la présence, en sus du mien, de t-shirts Forteresse et Monarque, ne laissent planer aucun doute : y'a du Québécois dans la place. Et pour cause, WarCall, groupe de death mélodique québécois, joue aujourd'hui sa seule date belge et fait office d'OVNI de l'affiche. A un tel point que le désintérêt du public quand le set commence est un peu triste à voir, même si la belle énergie affichée par le groupe fera petit-à-petit arriver les curieux. Il faut le dire : le metal extrême plutôt typé américain (ces treillis et looks qui évoquent plus Five Finger Death Punch que le black atmosphérique...) de WarCall n'a pour ainsi dire rien à faire dans la programmation de la soirée. Difficile d'en apprécier les qualités dans ces conditions, et la reprise un peu incongrue de Breaking the Law en fin de set le confirmera.

ENFIN. Franchement, coller trois premières parties à Saor, ce qui amène le set des Ecossais à 23h30 (soit un quart d'heure plus tôt que prévu, pourtant), ça fait un peu long ... surtout quand, comme moi, on attend de découvrir leur incroyable musique en live depuis le Ragnard Rock Festival 2017 ... et les péripéties qui s'ensuivirent. On se demande d'ailleurs, quand on repense à cette annulation, à l'épisode du concert à Chambéry qui aurait pu ne pas avoir lieu (live-report par ici) et au changement de salle de cette date à Diest, si Saor ne traînerait pas une poisse bien dans l'esprit celte.
Fort heureusement, alors qu'Andy Marshall avait décidé voilà un an maintenant qu'il ne donnerait plus le moindre concert, il a finalement changé d'avis et est bien décidé à tourner. Seul petit regret : contrairement à ce qui était (a priori) prévu sur scène au RRF, les fameuses mélodies celtisantes de la musique de Saor sont reproduites sur bande pour cette tournée (et sauf intégration future d'un membre live, cela risque de rester le cas). Détail qu'on oublie dès les cornemuses qui introduisent Guardians, titre éponyme du dernier album qui ouvre ce concert : le son absolument parfait de la salle rend totalement honneur à la finesse et à la puissance de la musique de Saor. Mieux, elle y gagne, le chant typique d'Andy Marshall étant moins en retrait que sur album.

Résultat : c'est pour un voyage direction les plaines écossaises qu'on embarque pendant une heure. Le mélancolique Guardians et son break aérien, aux lignes mélodiques quasi-shoegaze, est magnifiquement retranscrit par les musiciens qui ne commettront aucune fausse note, y compris sur le plus direct The Declaration qui suit et permet de constater que Bryan Hamilton (batterie) est une brute. Entre les morceaux, même aisance : Saor blague, à mi-chemin entre private jokes et humour à destination du public ... mais difficilement compréhensible en raison de l'accent écossais à couper au couteau du frontman. Visiblement, l'envie d'être sur scène est revenue et on ne peut que s'en réjouir car avec une heure de concert pour cinq titres, le goût de trop peu est prégnant. Pour cette date, Saor nous fait toutefois l'honneur de déterrer un titre issu de son tout premier album Roots, l'excellent Carved in Stone, de quoi nous rappeler qu'en trois opus, le groupe n'a sorti que des perles. Mais cet ajout se fait au détriment du « tube » de Guardians, l'émotionnel Hearth que j'attendais avec impatience ...

Heureusement, comme prévu, le set se conclut sur l'immense Aura et sa mélodie de flûte irlandaise qui file le frisson et nous fait planer une dernière fois au dessus des highlands. Saor a livré le concert que j'attendais, loin d'être gâché par les péripéties du changement de lieu, par l'assistance un peu décevante due aux circonstances ou par l'utilisation de bandes sonores.


Un grand merci et surtout nos félicitations aux organisateurs des deux soirées (celle de la veille ayant apparemment bien fonctionné aussi) pour avoir trouvé aussi rapidement une solution au final plutôt confortable (notamment en termes sonores). La fête n'aura pas été gâchée...