Blood Incantation + Cruciamentum
Le Klub - Paris
Et enfin Blood Incantation emprunte son portail pour se matérialiser pour la première fois en Europe. La bonne réception de Starspawn a en effet donné des arguments à Killtown pour échafauder une tournée marathon qui ne ressemble en rien à une tentative. Voyez plutôt : 18 dates dans 10 pays différents, étalées sur un peu plus de deux semaines. Un rythme effréné où le groupe joue tous les soirs.
Paris accueille les Américains au Klub, minuscule salle de concert improvisée dans une ancienne cave, avec pierres, alcôves et hauteur de Hobbit de rigueur. Si on ajoute le gros pilier à un mètre de la scène, tout est réuni pour obtenir un vilain son. Mais ces conditions n’auront pas effrayé les pré-ventes pour autant, le concert étant sold-out depuis deux jours. Après avoir montré patte blanche aux organisateurs et descendu deux escaliers, voici le couloir précédant la salle, le couloir du merch. Un rapide coup d’oeil sur les étalages permet de constater que cette tournée est victime de son succès : la boutique s’est salement fait piller. Oubliez les tapes et autres babioles de collection, et rabattez-vous sur les hoodies taille "géant" si vous êtes vraiment en dalle.
Blood Incantation n’est pas venu tout seul. Dans ses valises, il emmène avec lui les Britanniques de Cruciamentum (NDLR : En invité local, Atavisma ouvre le concert mais jouera trop tôt pour un vendredi). Nous arrivons pour Cruciamentum, donc. Un groupe qui se rapproche fortement de Blood Incantation en terme de sorties. Au total, une série de démos, un EP et un album. Charnel Passages voit le jour en 2015, et s’articule autour de bons trémolos grassouillets, appuyés par une double pédale métronome, soutenue par une lourde basse. Efficace : oui, original : moins. Attention de ne pas sombrer dans la lassitude ce soir.
Retour au Klub. Le groupe a du mal à s’installer. Comme un mécano à qui il manquerait l’outil dont il a justement besoin dans l’instant, le frontman de Cruciamentum semble chercher un objet sur scène. Bredouille, il en vient à demander de l’aide à un gars de Blood Incantation, qui lui accorde, en grommelant. Pédale ou jack, peu importe finalement, car dix minutes plus tard, le groupe est prêt. The Conquered Sun est alors envoyé à un Klub déjà bien rempli. Puis les zikos s’emmêlent les pinceaux et sont obligés de recommencer le morceau.
A cela s’ajoute le son bien naze et décemment trop fort, et on obtient un mauvais début de concert. Même en retirant ses bouchons, impossible de suivre la guitare sur plus d’un riff. L’espace est saturé par la basse. Convocation Of Crawling Chaos passe également un sale quart d’heure, et ce n’est qu’avec la troisième piste, Necrophagous Communion, que le son commence son long pardon, s’améliorant à mesure que le concert s’égrène.
Cruciamentum est composé de trois membres, qui remplissent aisément la menue scène du Klub. Malgré le peu de place disponible, le bassiste se trémousse dès que possible. Le front-man est la plupart du temps statique et concentré, droit devant son micro. Comme attendu sur CD, le batteur est une machine. Véritable clef de voûte du concert, on se raccroche souvent à lui pour ensuite retrouver les cordes, perdues dans les rebonds du son sur les pierres de la petite salle.
Mises à part ces contraintes inhérentes à toute salle de concert, Cruciamentum n’en reste pas moins une sacrée locomotive. Avec quasiment aucun temps mort entre les morceaux, une communication zéro, et des pistes au bpm élevé, le concert est intense. Piety Carved From Flesh et ses gros trémolos interminables est écrasante, Collapse est un poil plus hétérogène, avec un riff d’ouverture aux relents techniques appréciables en cette fin de set. Car la lassitude commence à pointer le bout de son nez, la faute au manque d’identité propre à chaque composition de Charnel Passages. Heureusement, le groupe assume toutes ses époques, exhumant même Rotten Flex Crucifix de sa première démo, érigé en ultime morceau. Complètement lourd et limite Doom, le Klub ne s’attendait pas à recevoir cette piste en guise de dessert.
Les Britanniques font voler les sangles par dessus l’épaule, et prennent congé. Le public, un peu timide en remerciements sur le début de set, les applaudit de meilleure grâce lors de leur sortie. C’est compréhensible : quand la première moitié de concert est lacérée par le mauvais son, difficile d’être dithyrambique à la fin de la prestation. Les craintes d’une certaine redondance se sont avérées exactes, même si bien moins handicapantes que prévues. Cruciamentum valide correctement son rôle de première partie, mais sans éclat. Bien disposé à les revoir dans de meilleures conditions, par ailleurs.
The Conquered Sun
Convocation Of Crawling Chaos
Necrophagous Communion
Fallen In Disease
Piety Carved From Flesh
Collapse
Rotten Flesh Crucifx
Les portails sont à présent activés, Blood Incantation se matérialise à Paris. Les Américains ont pour mission ce soir de faire honneur à leurs productions studio tout en s’accaparant une scène.
A cela s’ajoute une grosse appréhension quant au son, qui peut facilement venir gâcher la fête. Les quatre membres montent sur scène. On découvre le front-man Paul Riedl, visage en long, comme ses cheveux, parfait en maître de cérémonie. Sa voix posée et monocorde, câblée avec un fort écho, nous prépare au festin galactique. Il nous parle principalement de la première chanson, Starspawn. Mais comme tout Américain qui se respecte, il ne fait aucun effort, ni sur la prononciation, ni sur le débit. C’est pourquoi on a plus l’impression d’assister à une incantation occulte qu’à une introduction formelle.
Peu après le début du morceau, le son décide d’être moins punitif. On distingue tous les instruments, même si le volume reste élevé. Les solos sont un peu noyés, mais pas question de cracher dans la soupe pour autant : le concert commence bien. Une première partie de morceau intense, des breaks imparables, et pour finir une montée en puissance à la limite de l’épique. Les inquiétudes quant à la restitution de la musique en live s’envolent.
Chaoplasm prend la relève, pour un défilé de brèves et sombres envolées, sur un rythme martial. Les musiciens tiennent tout juste sur scène, sans les empêcher d’être mobiles. Les guitaristes headbang et plient le dos, même pendant les solos et autres plans polyrythmiques. Le leader Paul Riedl apporte de la communication entre les morceaux, toujours avec sa voix modifiée. D’une part, ça permet de respirer entre les morceaux, surtout quand certains dépassent les dix minutes. D’autre part, ça permet de garder l’atmosphère du concert centrée sur la musique et son propos. Pas question de se disperser en parlant à son voisin, M. Riedl explique l’espace-temps, les portails, l’Egypte et la vie. Ce front-man est un leader charismatique qui véhicule à lui seul les intentions de Blood Incantation.
Après ces deux morceaux de Starspawn, Blood Incantation tape dans l’EP Interdimensional Extinction, avec The Vth Tablet et Obfuscating The Linera Threshold. Deux morceaux plus abrasifs et directs, mais conservant la marque de fabrique d’une musique alambiquée et incontrôlable. Après plusieurs breaks bien sentis, certains spectateurs commencent à s’exciter. Si bien qu’un petit pit fait son apparition en milieu de concert. Pas sûr que ce soit le contexte le plus propice pour un mouvement de foule, alors que paradoxalement, Cruciamentum offrait plus de billes pour se mettre sur la caboche.
Trêve d’enfantillages, il est maintenant temps pour Blood Incantation de montrer sa virtuosité avec Vitrification Of Blood (Part1). Ce long morceau est définitivement le point culminant du concert. Le son est bien meilleur à présent, ce qui nous permet d’apprécier toute la variété des plans proposés. Avoir réussi à rassembler toutes ces parties très hétérogènes par un liant cohérent est un tour de force. Encore plus quand sa restitution en live fonctionne. L’audience est un peu sonnée quand la dernière complainte de la guitare se meurt.
Après une petite pause, Hovering The Lifeless prend la suite, toujours du dernier EP. Le pit reprend, contre toute attente, et grossit même un peu, au point d’en égratigner certains, ne souhaitant pas entrer dans la danse. Et voilà, c’est fini. Quand le groupe annonce la fin du concert, on cligne des yeux plusieurs fois, un peu hébété. Mais c’est sans compter sur le public, qui n’a pas dit son dernier mot et demande à être resservi. Requête acceptée avec la démo Mephitic Effluvia qui s’incruste en dernière invitée de soirée.
Une fin de set étonnante, uppercut surprenant et abrupt, avec un morceau rentre-dedans et bas du front qui envoie la purée sans lever le pied. Cette piste, qui date des débuts de la formation, rend bien compte du chemin parcouru par les gars de Denver, surtout sur la composition. Les musiciens prouvent ainsi qu’ils maîtrisent toujours l’art de la violence pure et précise. Enfin, Blood Incantation repart dans son propre plan, laissant derrière lui une très bonne prestation. Un concert qui fait honneur aux productions studio des Américains.
Merci aux groupes, merci à Killtown, et merci au Klub.
Starspawn
Chaoplasm
The Vth Tablet (Of Enûma Eliš)
Obfuscating the Linear Threshold
Vitrification Of Blood (Pt1)
Hovering Lifeless
Mephitic Effluvia