Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.
Est-ce que ça vaut bien le coup de consacrer une chronique entière à un single deux-titres? Pour Blood Incantation, je pense que oui. On a affaire au groupe de death metal avec le plus de vent dans les voiles de ces dernières années, et la sortie de ces deux chansons, quatre ans après leur déjà culte Hidden History of the Human Race, ne peut que susciter l'intérêt de ses fans (dont je suis). Blood Incantation joue un death metal créatif et psychédélique, où la puissance des riffs et des blasts cohabite avec la douceur de nappes ambiantes et éthérées. Notons que leur troisième album, Timewave Zero, est passé très rapidement sous les radars depuis sa sortie en 2022, puisque c'était 100% de la musique ambiante, et que ça n'intéressait pas grand monde.
Voilà donc un moment crucial pour le quatuor de Denver : retour à des sources death metal à la Timeghoul ou confirmation d'un virage ambiant ? Personne n'a jamais cru à la deuxième option, mais tout le monde s'inquiétait quand même de la probabilité de la première. Finalement BI fait un compromis : la première piste, « Obliquity of the Ecliptic », résume tout le talent death metal du groupe. Les riffs sont moins alambiqués, rappelant davantage Immolation qu'Atheist, preuve supplémentaire que le talent de composition de Paul Rield et Morris Kolontyrsky ne connaît (presque) aucune limite.
La fusion progressive avec des nappes ambiantes et des arpèges itératifs se fait en douceur, pour lancer des solos de guitare bien progs pour accompagner la fin du morceau. Bref la formidable recette "death psychédélique" de Hidden History... (cf. « Inner Paths to Outer Space ») tient toujours et c'est tant mieux parce que c'est ce qui se fait de mieux dans le genre actuellement.
On en dira pas tant de la deuxième piste dévoilée, « Luminescent Bridge ». La force de Timewave Zero reposait sur le minimalisme des thèmes ambiants, mais là ça n'est pas le cas. Un collègue du zine a comparé Blood Inc. à Pink Floyd en écoutant ça et je ne vais pas lui donner tort. Les thèmes de synthés sont agrémentés encore une fois d'arpèges acoustiques et d'un petit solo de guitare. Il existe forcément une dimension où Roger Waters a écrit des paroles sur la paix dans le monde et le goût de sa tisane préférée pour accompagner cette bouillie, à la croisée de l'ambiant atmosphérique et du post-rock. La piste dure neuf minutes et trente-neuf secondes, rendez-vous compte, alors qu'on aurait pu faire le tour de la question en trois minutes montre en main et de fait consacrer plus de temps à l'album de Tomb Mold (par exemple, au hasard). Presque dix minutes de musique atmosphérique qui me procurent autant d'émotion que les lacets de mes chaussures (c'est-à-dire très peu).
Selon toute vraisemblance, Blood Incantation a un album complet dans les tuyaux pour 2024. S'il ressemble à ces deux-titres en demi-teinte, la déception risque d'être grande. Mais on peut également se permettre d'espérer un nouveau coup d'éclat comme seul un groupe de cette trempe en est capable.
Tracklist :
1. Obliquity of the Ecliptic
2. Luminescent Bridge