Les premiers jours de 2016 prennent souvent la forme de séance de rattrapage où l’on s’enfile de manière un peu boulimique tous les albums de 2015 que nous n’avons pas ou peu écoutés « en direct ». En même temps, on profite des pauses entre partiels pour enrichir le site de chroniques des dits albums avant les sorties de 2016 (année qui s’annonce plus riche que la précédente). C’est dans cette perspective qu’aujourd’hui, on retourne en février 2015 afin de s’intéresser à l’une des révélations de l’année pour votre serviteur: SUMAC, qui sortit la bombe The Deal dans une indifférence quasi criminelle.
Pour vous poser le décor : SUMAC, en plus d’être vraisemblablement le nom d’un genre d'arbre (petit cours de SVT made in Horns Up), désigne le nouveau (et énième) projet d’Aaron Turner (ex Isis/Old Man Gloom et graphiste pour tous les groupes de metal à cheveux courts intelligents, de Converge à The Dillinger Escape Plan en passant par Torche). Il est épaulé par un certain Nick Yacyshyn (batteur de Baptists) et par le bassiste de Russian Circles (là en tant que membres de session), ce qui fait de SUMAC presque un super groupe. Néanmoins, le pedigree des membres (et en particulier de Turner, la tête pensante) n’est que peu représentatif de ce qu’est The Deal. Nous ne sommes pas en présence du post Hardcore racé d’Isis mais d’une sorte de Doom protéiforme beaucoup plus agressif qui rassemble des influences diverses.
Et cette diversité peut être d’ailleurs perçue autant comme le point fort que comme le point faible de The Deal. Si vous êtes un peu frileux, l’écoute de l’album pourra être éprouvante, tant SUMAC prend l’auditeur à bras le corps (le final suffocant du morceau The Deal en témoigne par exemple). De plus, le tout est extrêmement déconstruit : l’absence de transition peut s’avérer inconfortable (on trouve au milieu de Hollow King un passage classique d’une fin de morceau, puis, après un silence, silence qui est un élément à part entière de The Deal, la piste reprend sur un riff totalement différent) tout comme elle peut être l’un des points forts du groupe, cela dépend de vous. Néanmoins, cette déconstruction n’est pas synonyme de fouillis systématique : Blight’s End Angel est une pièce de 10 minutes qui revient sur son point de départ. En somme, à chaque morceau, l’auditeur ne peut prévoir ce qui l’attend pour son plus grand (dé)plaisir.
En ce qui concerne le contenu musical, si il fallait faire des comparaisons, je dirais que les parties doom rappellent vaguement celles d’Amenra : un riffing lourd, qui tourne en boucle, avec des notes plus aigues et des contre-temps pour le groove, le tout soutenu par une batterie agressive. Les vocaux (hurlés et beaucoup plus hargneux que dans Isis) sont cependant moins aigus que ceux du combo belge, plus rauques. On retrouve également des passages plus expérimentaux, qui vont jusqu’à tendre vers le noise. Enfin, The Deal possède de longs plans où la batterie est absente, Turner plaquant seul des accords de guitare pour un rendu qui n’est pas sans rappeler la BO de Dead Man composée par Neil Young en beaucoup plus evil. Le tout est soutenu par une production colossale (The Deal a été enregistré par Mell Dettmer, quelqu’un qui a bossé avec Earth et Sunn O))), et le mastering a été fait par Kurt Ballou de Converge).
Groupe parfaitement adapté à son époque, SUMAC a, sans aucuns doute, de beaux jours devant lui. Vous l’aurez compris The Deal est un album extrêmement réussi, plutôt complexe et qui n’a pas eu la reconnaissance qu’il mérite. Alors maintenant, tu arrêtes de te toucher sur le pas si bon Bell Witch et tu lui donnes sa chance ! Bonne année.
Tracklist:
Spectral Gold
Thorn in the Lion’s Paw
Hollow King
Bligh’s End Angel
The Deal
The Radiance of Being