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Il est dit que les artistes les plus vénérables ne s’éteignent jamais…que malgré quelques encablures malheureusement poussives et en perte de souffle, ils s’embrasent de nouveau lorsque plus personne ne semble croire en leur résurrection.
La chute
Précurseur, prince symbolique et grandiose de la musique symphonique et cinématographique, les italiens de Rhapsody of Fire renaissent plus que jamais depuis leur retour sur le devant de la scène voici seulement quelques mois.
Les quelques mois les plus dantesques, les plus grandioses et les plus époustouflants d’une longévité de près de quinze ans. Là où les premières années furent un champ d’expérimentation constant, marquées par les pulsations régulières de créations d’albums appartenant aujourd’hui à l’histoire du métal symphonique, les italiens sombrèrent dans un certain chaos à la suite d’un pourtant impérial "Triumph or Agony" qui scella pendant quelques temps les années les plus noires du groupe.
Relégué comme groupe d’antan, appartenant uniquement à un passé révolu et cantonné aujourd’hui à un genre qui n’est plus le sien, le Rhapsody de la seconde période des années 2000 fut bien loin du phénix flamboyant des débuts.
Les Larmes de l’Ange
Enchainés par les tribunaux et les avocats de leur ancien label, les italiens se doivent de rester tapi dans l’ombre, attendant leur heure, composant encore et encore pour revenir plus fort et enragé que jamais.
Mais le temps passa, l’action fut aussi inexistante que de moins en moins attendue. Rhapsody n’était plus…et lorsque l’annonce du retour fut faite, les espoirs s’étaient déjà amenuisés comme peau de chagrin. Quelle ne fut pas l’immense claque en pleine face quand les larmes de l’ange ("The Frozen Tears of Angels") vinrent nous écraser avec sa puissance retrouvée, sa grandeur majestueuse et sa rage salvatrice qui se permettait même de renvoyer "Rain of a Thousand Flames" et "Power of a Dragonflame" au rang de mélodique.
Quelques mois plus tard, les italiens passaient de nouveau à l’action en proposant le périple épique de "The Cold Embrace of Fear", excursion d’un unique morceau de plus de trente-cinq minutes. Ce n’était pas tout…une nouvelle bataille, la dernière livrée sur les terres maudites du Dar-Kunor, s’apprêtait à voir le jour. A peine plus de dix mois plus tard…"From Chaos to Eternity" sorti de terre.
La nouvelle lignée
Dernière œuvre (logiquement), ultime combat de la seconde saga des italiens, ce huitième opus « full-lenght » (si l’on occulte "Rain of a 1000 Flames" et "The Cold Embrace of Fear") suit la même ligne directrice que le précédent opus, celui du grand retour.
On peut y voir une certaine logique puisque ce flux constant de composition émane de l’esprit fertile de Luca Turilli et Alex Staropoli qui ne cessaient de composer lorsque leurs activités étaient gelées par la force des choses. Néanmoins, s’ajoute aujourd’hui Tom Hess à la seconde guitare dans le line up officiel (curieuse situation lorsque l’on compare celle de Dominique Leurquin qui resta musicien de session pendant plus de dix ans), bien que son jeu ne fasse que peu d’ombre à la virtuosité si caractéristique et reconnaissable du ‘sieur Turilli.
De virtuosité, il en question dès l’introduction de "Ad Infinitum", initiée sur un tapping très éloquent de l’italien, annonçant une grande épopée à venir. La voix de Christopher Lee émane, imposante et royale, mis en exergue par des chœurs liturgiques nobles et impériaux. Les instruments traditionnels font très rapidement leur apparition, notamment la batterie qui apporte une dimension très puissante à l’introduction, servant parfaitement l’ouverture très typique et monstrueuse du morceau éponyme, que l’on rapprochera assez rapidement de "Power of the Dragonflame" (le titre). Fabio Lione s’envole dans les aigus comme il sait si bien le faire, Luca distille des soli tous plus techniques les uns que les autres mais la structure de la composition n’est en rien surprenante.
Mais si le fond ne surprend pas, la forme, quand à elle, est différente. La théâtralité exacerbé qui ressort de l’interprétation des italiens frappe, particulièrement sur ce couplet étrange, apposant un blast léger (disons une caisse claire tapée rapidement et de manière répétée) et une ligne vocale divisée par la schizophrénie de son vocaliste alternant l’emphase lyrique aux grognements plus gutturaux dans lesquels Fabio se sent aujourd’hui tant à l’aise. Le refrain, quand à lui, nous laisse dans des terrains connus où grandeur n’a d’égal que la beauté des paysages qui s’empreigne dans nos esprits à l’écoute passionnée de ces architectes des cieux.
Une seconde direction
Deux choix artistiques semblent avoir été pris sur cet opus. La première partie de l’album ne surprend que par la propension de Rhapsody a composé toujours aussi bien, malgré les années, dans un style dont il est passé roi. Ainsi, "Tempesta di Fueco" ou "Anima Perdusa" sont dans la droite lignée d’un genre marqué au fer rouge par les italiens, même si on peut ressentir une touche bien plus baroque dans les ambiances symphoniques. Rhapsody of Fire semble moins nager dans des courants cinématographiques pour se plonger dans une musique évoquant bien plus la grande musique classique de la renaissance.
Le groupe enfonce également le clou planté avec "Reign of Terror" (sur l’album précédent) avec les terrorisants "Ghosts of the Forgotten Worlds" et "Aeons of Raging Darkness". Le premier, très sombre et heavy, plonge dans les affres d’un soldat en proie au désespoir. On se sent prisonnier d’un esprit corrompu et déchiré entre espoir et négativité. La touche baroque est plus que jamais présente dans les leads mélodiques et les chœurs qui se font violence avec des riffs tranchants comme des rasoirs. Fabio est magnifiquement démoniaque avec sa voix extrême, tout autant que le second morceau qui détruit tout sur son passage. Alex Holzwarth speed comme un furieux derrière ses futs, tandis que le couplet dérive littéralement vers des horizons black folklorique que Finntroll ne renierait pas complètement (et ces envolées de chorales à tomber…).
Mais le plus important est à venir, et il est caractérisé par deux morceaux dévoilant un Rhapsody (of Fire…) qui ne nous avait plus habitué à être aussi beau depuis des lustres. "I Belong to the Stars" s’ouvre sur une agréable et superbe ligne de claviers nappée de chœurs, pour laisser exploser une chorale gothique et cléricale chantant en latin d’une beauté et d’une grandeur à couper le souffle. La musique devient plus mélancolique, si belle que les mots viennent à en manquer et surtout d’une mélodicité que les italiens avaient tendu à ranger depuis quelques temps. Dire que les larmes peuvent perler à son écoute serait un léger euphémisme tant la surprise est égale à l’infini dimension artistique qui découle de cette composition magique.
"Tornado", très symphonique et tout aussi magique, aidé par une soprano à l’instar de "On the Way to Ainor", présente la symbiose inattendue de la beauté sous-citée avec l’agressivité tout aussi nouvelle du groupe. L’avenir du groupe…
And the End is…
…"Heroes of the Waterfall’s Kingdom".
Christopher Lee réapparait une dernière fois pour mettre un terme à cette saga si riche en émotion. Mastodonte de dix-neuf minutes, le morceau apparait comme une mixture indéfinie et évolutive entre "The Mystic Prophecy of the DemonKnight" et "Gargoyles : Angels of Darkness". Trop complexe et démesurée pour la décrire dans ses détails, il sera préférable à chacun de plonger dedans à sa convenance, de l’apprivoiser avec le temps, les écoutes et la passion nécessaire à la compréhension de telles œuvres. Les maitres du genre nous feront même l’honneur de toucher du doigt le divin à la seizième minute du morceau, avec une référence grandiloquente que je vous laisserais découvrir.
Fondamentalement, "From Chaos to Eternity" surprend moins que son jouissif prédécesseur et suit en grand majorité une ligne éditoriale parfaitement rédigée. Néanmoins, le groupe n’hésite jamais à s’écarter de ses propres sentiers battus pour proposer des idées nouvelles et des passages épiques toujours aussi grandioses et soufflants de beauté. Il est pourtant probable que cette œuvre apportera moins que certaines autres écrites par le seigneur du métal symphonique.
Cela n’empêchera nullement de pouvoir se délecter sans aucune retenue de ce nouveau calices…the eternals never dies…never…
1. Ad Infinitum
2. From Chaos to Eternity
3. Tempesta di Fuoco
4. Ghosts of Forgotten Worlds
5. Anima Perduta
6. Aeons of Raging Darkness
7. I Belong to the Stars
8. Tornado
9. Heroes of the Waterfall's Kingdom