
Craig Gowans (Bleed From Within) : « Nous avons toujours la scène à l'esprit lorsque nous écrivons »
Craig Gowans

Avocat le jour, rédacteur sur Horns Up la nuit et photographe à mes heures perdues.
Groupe en forme s'il en est, Bleed From Within poursuit son ascension folle dans une scène pourtant bien saturée. Nous avons eu l'occasion de rencontrer Craig Gowans, guitariste de son état, à la veille de la sortie de leur nouvel album - Zenith - chez Nuclear Blast Records. L'occasion pour Craig de nous en dire plus sur ce nouvel album que nous avons beaucoup aimé, sa génèse mais aussi l'état dans lequel se trouve le groupe.
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Horns Up : Merci beaucoup pour cette occasion de m'entretenir avec toi. Comment te sens-tu ?
Craig Gowans : Merci à toi ! C'est une journée ensoleillée ici à Glasgow pour la première fois de l'année, ce qui est rare. Je suis donc heureux !
Je suis allé plusieurs fois en Écosse et je sais que le climat y est souvent... rude (rires).
En quelque sorte, oui (rires).
Avant de parler de votre prochain album, j'aimerais revenir sur ces derniers mois. Si l'on ne prend en compte que vos concerts à Paris, vous êtes passés de Backstage by the Mill, une petite salle en 2022, à l'Accor Arena avec Slipknot en 2024, et vous serez en tête d'affiche au Bataclan à la fin de l'année. La progression est énorme. Quel regard portez-vous sur l'évolution de votre groupe au cours des dernières années ?
C'est toujours fou de regarder dans le rétro. Quand on voit où nous avons commencé et où nous en sommes aujourd'hui, c'est surréaliste. Nous ne prenons rien pour acquis pour autant. Vous savez, nous apprécions beaucoup que les gens veuillent toujours nous voir et nous espérons que de plus en plus de gens viendront. Mais oui, nous sommes super excités pour le concert au Bataclan parce que nous savons que c'est une salle qui a beaucoup d'histoire. Nous sommes très fiers et impatients de revenir à Paris.
Penses-tu que Fracture ait été le premier grand jalon de votre carrière, rétrospectivement ?
Ce fut une étape importante, c'est certain. Je parlais aux gars hier soir et beaucoup considèrent que le groupe a réellement commencé à partir de l'album d'avant (ndlr : Era), lorsque Steven a rejoint le groupe, parce que c'est le lineup que nous avons toujours aujourd'hui. C'est de loin la plus longue période pendant laquelle nous avons eu le même lineup ! Nous avions l'habitude de changer assez souvent, presque à chaque album. Donc peut-être qu'Era a été une étape plus importante, si on le prend sous ce prisme. Shrine nous a également emmenés vers un niveau que nous n'aurions jamais pensé atteindre. Mais Fracture a été très important pour nous parce qu'il nous a fait grandir très rapidement, pendant des périodes difficiles (ndlr : Covid). C'était étrange de sortir un tel album et de ne pas vraiment voir le fruit de notre travail, parce que la seule façon pour les groupes de voir si les gens réagissent aux chansons, c'est de voir leurs visages en live, et sans ça, c'était vraiment difficile de juger où on en était en tant que groupe. Ce n'est qu'avec l'arrivée de Shrine et nos multiples tournées que nous avons commencé à voir l'impact de Fracture et de notre progression.
Il faut dire, aussi, que vous êtes réputés pour être un bon groupe sur scène.
Nous essayons toujours d'écrire de la musique pour qu'elle s'exprime sur scène. Nous avons toujours la scène à l'esprit lorsque nous écrivons. Donc oui, nous nous considérons vraiment comme un groupe de scène avant tout.
En ce qui concerne les concerts justement, vous avez participé au Hellfest l'année dernière pour la première fois, et vous avez également fait la première partie de la tournée européenne de Slipknot. Comment se sont passées ces expériences ? Cela a dû être absolument fou de jouer à Glasgow, par exemple, devant vos amis et vos familles.
Oui ! Le Hellfest figurait en haut de notre liste depuis longtemps. En fait, nous y sommes allés plusieurs fois, en tant que spectateurs. Nous étions notamment en tournée avec un groupe qui jouait au Hellfest. Nous avons donc eu l'occasion de goûter à l'ambiance, aux backstages, mais pas de s'y produire ! Ce qui est fou, après près de 20 ans de carrière et de tournées ! Mais je suis content que nous ayons attendu si longtemps parce que nous avons eu le droit à un slot sur la Mainstage et c'est ça que nous avons toujours voulu. Nous voulions donc mettre en place une production et organiser un véritable spectacle, avec de la pyrotechnie et le meilleur son possible. C'est probablement le meilleur festival de metal au monde ; en tout cas, il est considéré comme tel par beaucoup de groupes à qui nous parlons. C'est donc cool d'y être allé et d'y avoir joué l'année dernière. Mais oui, Glasgow était assez surréaliste. L'Hydro (ndlr : nom de la salle) est la plus grande arène de Glasgow et nous avons assisté à de nombreux concerts là-bas en tant que fans. Nous avons déjà vu ce genre de concert, avec une salle pleine à craquer, pour d'autres groupes. Sauf que là, c'était aussi un peu pour nous ! C'était donc super cool d'avoir un créneau pour jouer devant des gens qui ont grandi avec nous, leurs amis et leur famille, ce qui rend l'expérience encore plus éprouvante qu'elle ne l'est d'habitude quand on joue devant un public.
Ça a dû être un grand moment, tout en étant assez stressant, je suppose.
Génial mais terrifiant, c'est un excellent résumé (rires).
Parlons un peu de votre nouvel album. Vous allez sortir votre nouvel album intitulé Zenith le 4 avril chez Nuclear Blast Records. Vous devez être très enthousiastes !
Oh oui, mon vieux ! J'ai l'impression que ça fait une éternité que tout est prêt... Ca fait bizarre qu'il sorte enfin.
Dans des précédents interviews, tu as indiqué que Era, Fracture et Shrine formaient une sorte de trilogie et que ce nouvel album était comme le début d'un nouveau chapitre. Est-ce la raison pour laquelle vous avez choisi Zenith comme nom ? Peut-être que vous le considérez comme l'apogée du groupe.
C'est en partie l'idée, oui. C'est en quelque sorte le point culminant de notre carrière jusqu'à présent. C'est aussi une façon pour nous d'insister sur la nécessité d'aller de l'avant, de toujours viser plus haut. L'album ne s'est toutefois pas toujours appelé comme ça. A l'origine, il s'appelait Zero et nous avons trouvé ce titre avant même de commencer à écrire l'album. L'idée était de revenir aux racines et de revenir à zéro. Et c'est exactement ce que nous avons fait en enregistrant cet album, en essayant de nous extraire de toute influence et de suivre notre propre chemin, à tous égards. Mais au fil du temps, alors que nous approchions du moment où nous allions finaliser l'album et la pochette, Linkin Park a sorti son album From Zero. Nous avons pensé que c'était un nom trop proche. Même si nous ne jouons pas dans la même cour, tout le monde allait connaître le nom de l'album de Linkin Park et nous aurions perdu en lisibilité. Nous avons donc décidé de le changer, et Ali a pensé à Zenith. Je crois qu'il l'avait en tête depuis longtemps pour un titre de chanson ; il nous a expliqué la signification de ce nom et nous nous sommes dit que c'était parfait.
Il y a beaucoup de choses qui ressortent de cet album. La première, c'est peut-être l'utilisation de la cornemuse dans « In Place of your Halo ». Je suppose que c'est une sorte de clin d'œil à votre terre d'origine. Et la seconde est l'utilisation de chœurs, comme par exemple sur le titre « Immortal Desire ». Comment ces idées sont-elles nées ? Vouliez-vous apporter de nouvelles choses à votre musique dans cet album en particulier ?
Nous essayons toujours de faire des choses un peu différentes et d'utiliser des instruments que nous n'avons jamais utilisés auparavant. La cornemuse s'est imposée rapidement, d'autant plus que nous voulions utiliser cet instrument depuis longtemps ; nous n'avions simplement jamais la bonne partie ou la bonne chanson pour ce faire. Nous avions déjà écrit la plus grande partie de « In Place of your Halo », mais nous ne trouvions pas la fin idéale. Et il se trouve que le riff qui précède cette section a le même tempo et le même feeling que les rythmes de caisse claire que l'on retrouve dans les marches écossaises. J'étais à une fête du Nouvel An, il y avait une fête de rue et une fanfare écossaise qui jouait de la cornemuse, et j'ai réalisé que c'était le même tempo. Et je me suis dit : "C'est parfait. Nous devons utiliser cela. Nous devons utiliser des cornemuses dans cette chanson !".
D'ailleurs, comment s'est déroulé le processus d'enregistrement cette fois-ci ? Avez-vous changé vos habitudes en termes de processus d'écriture ou d'enregistrement ?
Pour être franc, on a écrit et enregistré un peu dans tous les sens ! Nous étions en tournée pendant une bonne partie du processus de création de l'album. Nous avons même été obligé de louer pour quelques jours un lodge en Ecosse à un moment donné, pour brainstormer et travailler ensemble plus efficacement. Tout n'a pas été fait au même endroit ou en même temps, cela s'est fait sur une longue période et dans des tas d'endroits différents. Plus par nécessité car nous n'avions pas assez de temps ; il fallait le faire, avec un calendrier assez serré. On pourrait résumer en disant qu'une bonne partie du travail a été faite à l'arrière du tour bus (rires). La principale différence avec les précédents albums est que nous avons changé d'ingénieur du son pour la partie studio. À part ça, nous sommes retournés au Middle Farm Studios où nous avons enregistré Fracture de mémoire, parce que nous adorons les sons de batterie là bas et que c'est un studio vraiment cool, avec des gens adorables qui y travaillent. Nous savons ce que nous obtenons quand nous allons là-bas.
Bravo à eux, alors, car je pense que le mastering et le mixage sont vraiment incroyables sur cet album ! Tout comme sur vos concerts d'ailleurs, donc félicitations à votre ingénieur du son en live (rires). En ce qui concerne le son justement, je sais que Courtney Laplante (ndlr : chanteuse de Spiritbox) a récemment suggéré en interview que les fans en ont assez de la production cristalline des groupes de metal moderne. J'ai tendance à être d'accord, d'autant plus qu'il y a parfois une très grande différence entre ce que l'on entend sur l'album et ce que l'on peut voir en concert. Je ne pense toutefois pas que ce soit le cas avec votre album, bien que vous ayez un son moderne et puissant.
CG : Merci pour notre ingénieur du son, il apprécierait ce commentaire (rires) ! En tous cas, je suis tout à fait d'accord avec certaines des choses que Courtney a dites dans ces interviews récentes. Nous essayons de trouver un équilibre entre les deux, en essayant de rester modernes mais aussi de suivre un peu le son des autres groupes. Parce que tu sais, il y a beaucoup de groupes sur le marché, c'est très compétitif. Tu dois en quelque sorte rivaliser et avoir un son aussi bon que les autres groupes, voire meilleur, surtout dans cette scène. Mais nous voulons avant tout avoir un son naturel qui nous plait, des tonalités naturelles et pas un son surproduit. C'est juste une question d'équilibre pour nous et je crois que nous y sommes parvenus.
J'ai parfois l'impression que dans certains groupes, lorsqu'il y a trop de têtes pensantes, d'egos et de personnes douées avec leurs instruments, toutes les idées doivent être mises sur un pied d'égalité, ce qui surcharge parfois la composition et rend impossible de trier le bon grain de l'ivraie. Surtout quand le groupe est très axé sur les guitares. Que ressens-tu dans Bleed From Within, où les guitares sont vraiment mises en avant dans le mix ? Penses-tu que tu as réussi à trouver le bon équilibre entre tous les instruments pour montrer ton talent ?
Oui, sans aucun doute. Il faut trouver l'équilibre entre en faire trop et ne pas en faire assez. Vous ne voulez pas surjouer. Je sais qu'Ali (ndlr : le batteur) est très attaché à cela. Je pense qu'il a l'impression d'en avoir trop fait sur son premier album. Il a donc un peu édulcoré son jeu depuis, tout en montrant ce qu'il sait faire, évidemment. Quand on écoute une chanson de Bleed From Within, on sait que c'est Ali qui joue de la batterie ; il fait des choses qui lui sont propres, et c'est la même chose pour les guitares. Nous ne voulons jamais en faire trop et multiplier les gimmicks. Il faut juste essayer de trouver l'équilibre et peut-être que nous n'y parvenons pas toujours. Nous essayons, en tous cas.
Vous avez deux featurings sur ce nouvel album, l'un avec Josh Middleton de Sylosis et un autre un peu moins attendu, avec Brann Dailor de Mastodon sur « Immortal Desire ». Peux-tu m'en dire plus sur ces deux apparitions ?
Nous sommes évidemment de bons amis de Josh (ndlr : Josh Middleton, qui joue dans Sylosis). Nous le connaissons depuis très longtemps, même avant qu'Ali ne fasse partie de Sylosis. Nous lui avons donc demandé de venir ajouter des voix sur « Hands of Sin » que nous avions enregistré et mixé quelques mois plus tôt, en tant que premier single. Nous voulions quelque chose d'autre pour le rendre un peu différent parce que les gens auraient remarqué qu'il y avait une différence dans le mixage par rapport aux autres titres compte tenu du moment où il a été enregistré ; avoir un invité sur ce morceau était une excellente idée de Scott (ndlr : Scott Kennedy, chanteur du groupe). Josh était partant et il a été absolument génial !
Brann est également venu parce que nous adorons Mastodon. Nous sommes de grands fans depuis un moment et nous aimons son jeu de batterie et sa voix. Je pense que c'est une voix unique. Nous avons joué sur la croisière de Lamb of God aux Bahamas (ndlr : Headbangers' Boat), et nous avons remarqué que Brann regardait l'un de nos concerts. Nous avons discuté avec lui par la suite et il s'avère que son fils est un grand fan de Bleed From Within ! C'est un type vraiment sympa. Lorsque nous écrivions l'album, nous avons pensé que ce serait vraiment cool s'il pouvait faire un featuring. Nous l'avons contacté, un peu timidement, et il a accepté ! Je pense qu'en une semaine ou deux, il nous a envoyé sa partie et nous l'avons tous adorée, et nous ne pourrions pas être plus heureux de ce qui s'est passé.
La pochette de votre album est également très originale. Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu'est-ce qui vous a poussé à prendre cette direction particulière pour la pochette de l'album ?
Je pense que nous voulions nous éloigner du style des trois derniers albums. Comme tu le disais tout à l'heure, nous l'avons considéré comme une trilogie, donc nous voulions repartir à zéro avec l'artwork et le mixage pour essayer d'obtenir un nouveau son. Un nouveau look, mais Phil Ellis, qui a réalisé la pochette, est un artiste 3D que nous admirons tous depuis très longtemps. Nous le suivons tous sur les réseaux sociaux depuis des années. Nous l'avons contacté et, par chance, il était tout à fait d'accord pour participer et il s'avère qu'il vit en Ecosse. Nous ne le savions pas ! On pensait qu'il serait trop célèbre pour travailler avec nous. Quoi qu'il en soit, nous lui avons envoyé le nom de l'album, la signification de cet album et les paroles. C'est ce qu'il nous a envoyé, et nous l'avons tous adorée.
Je l'aime bien également. Cette pochette a un peu une vibe d'artwork d’un album de Chimaira.
Tu me prends par les sentiments, là, Chimaira est mon groupe préféré !
Oh vraiment ? Ce groupe est incroyable. C'est une honte qu’il soit aussi peu connu dans la scène tellement son impact a été énorme dans les années 2000.
Absolument. Je pense que si vous écoutez attentivement nos albums, vous pouvez constater que je suis un grand fan de Chimaira (rires), c’est une influence évidente.
J'ai une dernière question pour toi, en réalité plus importante que la musique. Comme tu le sais certainement, samedi (ndlr : match de rugby du 15 mars 2025), la France affrontera l'Écosse au rugby, avec pour objectif de remporter les Six Nations. Est-ce que tu préfères que l'Écosse perde contre la France ou que l'Écosse gagne contre la France, mais que du coup l'Angleterre remporte les Six Nations ?
Rires. C'est une évidence : je préfère que l'Écosse perde contre la France si cela signifie que l'Angleterre perd. Je le dis avec amour ; je le pense vraiment !
C'est la Auld Alliance ! Tout le monde contre l'Angleterre, c'est toujours comme ça.
Exactement ! On va se sacrifier pour vous (rires).
Merci beaucoup pour cette interview. Peut-être as-tu un dernier mot à dire à tes fans français ?
Venez nous voir au Bataclan et vous amuser avec nous ! Pré-commandez aussi l'album si vous ne l'avez pas encore fait, c'est le meilleur moyen de nous soutenir directement. Rendez-vous à la fin de l'année !
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Merci à Craig Gowans de Bleed From Within pour l'interview et à Nuclear Blast pour cette opportunité.