"The sound of falling, when the pictures are moving"
Si pour certains artistes, la musique est un refuge pour combattre leurs idées noires, elle peut aussi devenir un piège dans lequel on s’enfonce, à force de trop manipuler de sombres sentiments. C’est ce qui a bien failli arriver à Juha Raivio. Depuis 2016, la tête pensante de Swallow The Sun poursuivait un double but : expurger toute la souffrance engendrée par la perte d’Aleah Stanbridge, tout en entretenant sa mémoire et son héritage musical. Seulement voilà. Après trois disques consacrés au deuil, le Finlandais a senti qu’il ne pouvait pas continuer à se laisser sombrer ainsi, au risque d’y laisser sa peau. On pouvait d’ailleurs le ressentir à l’écoute d’un Moonflowers qui, malgré des moments de grâce sublimes, stagnait un peu trop dans le misérabilisme.
En écoutant les dires du musicien depuis son retour en interview, il lui fallait une secousse, un électrochoc pour se sortir de cet état d’esprit morne et apathique. Comme souvent avec Swallow The Sun, cette impulsion va prendre la forme d’un processus de composition de quelques semaines. Pour au final aboutir à ce neuvième album du nom de Shining. Avec son visuel d’un blanc immaculé, qui tranche pas mal avec le soleil rougeoyant sur fond nocturne de son prédécesseur. Ainsi qu’avec toute la noirceur qui imprégnait alors la musique du groupe depuis presque dix ans.
Car si le chagrin ne disparaît pas totalement, il finit toujours par muter. Ici, le désespoir à laissé la place à une douce et amère mélancolie. Swallow The Sun s’extrait de sa carapace pour aller vers des horizons plus accrocheurs et pop. Un parti pris de prime abord surprenant, mais qui se révèle assez pertinent vu le ton lumineux voulu par Juha. A l’inverse de Moonflowers et sa production opaque et dépouillée, Shining recherche cette accessibilité, cette immédiateté. On délaisse donc les atmosphères dépressives pour revenir aux mélodies soignées, plus proches d’un gothic metal à la Paradise Lost (« Innocence Was Long Forgotten », « MelancHoly »). Et quand ce n’est pas la guitare lead qui mène le jeu, ce sont d’autres éléments qui s’emploient à nous plonger dans ce halo de lumière froide. Les arpèges de « November Dust » et son hommage assumé à Type O Negative, mais aussi cette majesté à la Insomnium sur « Under The Moon & Sun » en sont de bons exemples.
Renforcée par cette production massive et compacte, cette mue vers plus de légèreté amène toutefois un péché d’ego dans cette volonté de rendre le son du groupe plus accessible. Les quelques tentatives de « ballades » gothiques (« Velvet Chains » et « Tonight Pain Believe ») sont en effet trop mièvres et forcées pour susciter l’émotion recherchée. Cela, malgré l’envie de capitaliser sur la voix claire de Mikko, qui reste pourtant très pertinente sur le reste du disque. Fort heureusement, l’utilisation des contrastes clairs-obscurs chers aux Finlandais demeure en filigrane. Outre les quelques résidus de doom extrême qui font toujours mouche, le morceau éponyme fait la jonction entre une intensité combative et la puissance émotionnelle. Pour une envolée finale vers des sonorités aériennes, comme une sorte d’exaltation salvatrice.
Shining permet à Swallow The Sun de renaître en embrassant à nouveau sa part de lumière. Malgré quelques excès propre à une démarche plus policée, on ne peut que reconnaître la réussite d’un tel propos, avec en toile de fond un homme proche de trouver enfin la paix intérieure. Après avoir erré sur de bien sombres rivages, Juha Raivio semble prêt à s’ouvrir de nouveau et à accueillir une autre forme de beauté. Nous ne pouvons que le souhaiter.
Tracklist :
1. Innocence Was Long Forgotten
2. What I Have Become
3. MelancHoly
4. Under the Moon & Sun
5. Kold
6. November Dust
7. Velvet Chains
8. Tonight Pain Believes
9. Charcoal Sky
10. Shining