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mardi 11 juin 2024

Chelsea Wolfe @ Paris

Elysée Montmartre - Paris

Di Sab

Comme beaucoup, je n’ai pas un rapport des plus constants à Chelsea Wolfe. L’artiste n’a pas l’univers le plus singulier ni le plus clivant ; elle explore sans pour autant dérouter et pourtant, il y a une sorte d’attraction / répulsion qui s’est opérée depuis la grosse dizaine d’année que je la suis. Voguant de déceptions en bonne surprise, l’artiste américaine n’arrive pas à être mauvaise assez longtemps pour que je décroche totalement de son univers. Les deux précédents albums studios (Hiss Spun et Birth of Violence) m’avaient ennuyé au plus haut point mais j’avais été totalement client de la collaboration avec Converge avant d’être vraiment conquis par la cuvée 2024 intitulée She Reaches Out To She Reaches Out To She. En live, en revanche, que ce soit seule ou avec Converge, je n’ai jamais trouvé ça fantastique. La faute à un son aléatoire, à des contextes pas faciles mais surtout à la dimension statique des shows qui, dans les plans les plus heavys, peinent à prendre et emmener l’auditoire.

Certains jours ne sont pas faits pour dépasser nos préjugés. Le 4 juin en faisait partie et c’est pour cette raison que je n’ai pas décidé de voir ce que vaut Kaelan Mikla en live. Leur post punk où la fraîcheur dialogue avec une dimension un peu doucereuse ne me touche absolument pas et je ne pensais pas avoir été dans le mood adéquat pour changer d’avis. Les retrouvailles avec de vieux amis pas vus depuis de longs mois ainsi que la fiabilité de la Citra Galactique me font donc reporter la première confrontation avec le trio islandais qui, au fur et à mesure, gagne un auditoire de plus en plus conséquent. Tant mieux pour elles et je prends rendez vous pour changer d’avis prochainement.

Vingt heures cinquante. Alors que le concert de Chelsea Wolfe devrait débuter dans une grosse dizaine de minute, l’attraction principale de la soirée arrive, mise en valeur par un des plus beaux light show qui soit pour nous jouer le titre d’ouverture de son dernier album en date. Les premières minutes sont forcément compliquées à base de lampe de tel pour que chacune et chacun trouve sa place dans un Elysée Montmartre un peu trop grande pour Chelsea. Mais dès « Everything Turns Blue » tout est en place pour constater ce que toute la soirée nous montrera : Chelsea Wolfe a glow up de manière absolument incroyable.

En 2019, alors que le Covid fermait à tour de bras les frontières, elle était aux portes de la Gaîté Lyrique, dans l’attente de donner un concert promotionnel pour un inintéressant Birth of Violence avant que la réalité ne la remette en catastrophe dans un avion direction les US. Difficile de verbaliser ce qui s’est passé entre temps. Cependant, il semblerait qu’en 5 ans, elle a réussi à corriger tout ce qui n’allait pas dans sa façon d’envisager les concerts.

Chelsea était dans un entre deux qui lui était mortifère. Sa musique n’était pas assez intimiste pour pouvoir être transmise de manière quasi unplugged comme si c’était une artiste folk et en parallèle, ses emprunts au metal et aux musiques électriques (electro comme indus) ne semblaient pas assez assumés pour remporter l’adhésion du public.  Et en 2024, les défauts ne sont pas totalement corrigés : le groupe accompagnateur est autant en retrait que par le passé, Chelsea capte l’attention mais ne bouge pas beaucoup plus qu’elle ne communique. Cependant, le travail sur le light show est tel que le côté statique sur scène est occulté par la volonté de proposer des représentations, des sortes de fresques instagramables du groupe développant son art. Et lors des passages purement folks (les extraits de Birth of Violence et le titre « Flatlands »), ces lumières changent totalement l’image qu’on a d’elle. Par le passé, nous étions face à une femme qui nous donnait l’impression d’être peu à l’aise avec son image, gênée d’être là. Actuellement, les spots la magnifient et lui donnent une aura qui masquent un manque d’assurance qu’elle a peut-être réussi à gommer avec le temps.

Le nouvel album permet aussi d’élargir le spectre musical exploré par Chelsea. Après l’indus, le doom et l’americana, l’artiste américaine retravaille une sorte de trip hop à la Massive Attack où une forme d’excitation se mêle à une mélancolie prégnante. Par le passé, encore une fois, je trouvais qu’un vrai problème de transition entre les titres plus aériens (principalement issus d’Apokalypsis) et les plus lourds (« Iron Moon » d’Abyss) pouvait s’observer. Aujourd’hui, la palette musicale est plus étendue mais le passage entre les esthétiques s’opère de manière beaucoup plus fluide.

Partant de ce postulat, on peut regretter une setlist peut être trop centrée sur le dernier album (joué en intégralité) et la partie folk de sa carrière au détriment des titres d’Abyss (un seul sur 18) et d’Apokalypsis (0/18) qui auraient pu donner beaucoup de reliefs à la soirée. Cependant, j’exulte devant « Salt », le titre que j’ai le plus écouté de 2024 et me réjouis de voir que cet artiste capable de me faire vibrer comme de me faire dormir, a encore quelques cartouches pour nous captiver. Au moins jusqu’au prochain rendez-vous à Clisson.

Photo de la date lyonnaise par le boss Luka Gidet


Setlist : 

Whispers in the Echo Chamber
Everything Turns Blue
House of Self‐Undoing
Tunnel Lights
16 Psyche
The Culling
Survive
The Mother Road
Deranged for Rock & Roll
Flatlands
Feral Love
Salt
Unseen World
Eyes Like Nightshade
Place in the Sun
Dusk
The Liminal

Be All Things

***

Merci à Vedettes Musique pour le concert et à Marion Seury pour l'accréditation