L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Marduk serait donc encore capable, en 2023, de balancer un album qui tient non seulement la dragée haute à la concurrence mais pourrait même bien s'installer dans pas mal de tops en fin d'année. Si vous m'aviez dit que ce serait ma conclusion après quelques écoutes de ce Memento Mori, je ne vous aurais pas cru.
Car voilà quand même quelques années que le panzer Marduk était en pilote automatique, confit quelque part entre prestations live qui ne font plus peur à grand monde et albums réchauffés qui nous bassinent du militarisme bas-de-gamme à tout-va. Frontschwein était un album certes très passable, mais Viktoria commençait franchement à piquer du nez et on se demandait bien qu'attendre d'un Memento Mori à l'esthétique enfin différente.
Est-ce un hasard si les Suédois quittent d'ailleurs enfin la Seconde Guerre Mondiale quelques mois après... un salut nazi de leur (désormais ex) bassiste Joel Lindholm en concert ? Probablement, car le geste en question a eu lieu en mai, et Memento Mori crédite Lindholm sur plusieurs titres. Mais c'est un hasard qui prête à sourire. Quoi qu'il en soit, c'est peut-être ce changement d'esthétique qui fait qu'enfin, Marduk change de rengaine et paraît plus affûté que depuis très, mais alors là très longtemps.
C'est simple, la triplette d'entrée « Memento Mori »- « Heart of the Funeral/Blood of the Funeral » laisse pantois comme jamais depuis Panzer Division Marduk. Mortuus sonne plus glaireux et violent que jamais sur la montée en puissance jouissive du titre d'ouverture, mais surtout sur l'incroyable « Blood of the Funeral », avec cette guitare oppressante comme un essaim de mouches. Le vocaliste offre de loin sa meilleure prestation depuis qu'il tient le micro chez Marduk, donc depuis presque 20 ans. Le spoken word menaçant de « Shovel Beats Sceptre », mid-tempo qui ne relâche pas la pression pour autant, rappelle son travail chez Funeral Mist. Enfin, Marduk redevient crasseux, menaçant, sombre : les ambiances de Moyen Âge ravagé, de sarabande infernale (« Coffin Carol ») rappellent les grandes heures de Nightwing ou La Grande Dance Macabre.
Mais le grand vainqueur de ce Memento Mori bien plus fin (oui, bon...) que ses prédécesseurs, c'est la basse, qui avait disparu de manière un peu incompréhensible d'un Viktoria trop brut de décoffrage. Il suffit d'écouter ces lignes de basse sur « Charlatan », qui accompagnent une variation de tempo surprenante, ou la façon dont elle claque dès l'intro de l'époustouflant « Marching Bones ». Même dans ses nombreux moments de furie, Memento Mori laisse la basse cavalcader de manière particulièrement audible. Reste à voir si on le doit au désormais évincé Lindholm, auquel cas il laisse là un beau cadeau d'adieu, ou à... Mortuus (chant), crédité à la basse également.
« Year of the Maggot » est l'un des autres moments de folie de cet album qui n'en manque pas : plans de batterie hallucinants (comme sur tout Memento Mori), riff distordu et étonnamment moderne, Mortuus au sommet de son art – bordel, mais où Marduk avait-il planqué cela depuis 10 ans ? Au terme d'un « As We Are » entêtant (« As you are, we once were, as we are, soon shall you be », les mots que répète Mortuus telle une litanie, sont un célèbre memento mori lisible dans la crypte des Capucins de Rome – la boucle est bouclée...), dont les percussions martiales m'évoquent presque le « Blood Drips From My Sword » de Gothmog (dungeon synth), je reste avec une seule envie : relancer le tout. Memento Mori est, au bas mot, le meilleur Marduk depuis Rom 5:12 ... et peut-être depuis Panzer Division Marduk. Reste à le défendre à la hauteur en concert, désormais, et on sait que c'est parfois délicat pour la bande à Morgan Hakansson...
Tracklist :
1. Memento Mori (3:30)
2. Heart of the Funeral (2:23)
3. Blood of the Funeral (5:05)
4. Shovel Beat Sceptre (5:01)
5. Charlatan (4:11)
6. Coffin Carol (4:02)
7. Marching Bones (4:03)
8. Year of the Maggot (4:13)
9. Red Tree of Blood (3:49)
10. As We Are (5:35)
