Motocultor 2023 - Jeudi & Vendredi
Open Air - Carhaix
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Après une édition 2022 à Saint Nolff qui nous avait globalement ravi - à tous égards -, le Motocultor Festival était attendu au tournant. La raison ? Un déménagement en grande pompe à Carhaix, sur le site des Vieilles Charrues. Une consécration mais surtout une volonté de muscler et de pérenniser le festival sur un site habitué à accueillir de nombreux festivaliers dans de bonnes conditions. Toujours en Bretagne, donc, mais avec une volonté renouvelée de proposer une expérience plus aboutie.
Et autant dire que lorsque les visuels (sublime artwork de Vade Retro) et la programmation de cette édition 2023 - la 14ème - sont sortis, cela a été la gifle pour tout le monde. Une affiche très belle, variée, avec ce juste soupçon de raretés et de groupes que l'on a tous envie de voir. Naturellement, ce qui est devenu le deuxième festival de metal français par la fréquentation a fait peu ou prou l'unanimité et les places se sont vendues assez rapidement.
Horns Up était présent en masse cette année pour couvrir cet évènement, avec des chroniqueurs de Belgique, de Paris et même de Corrèze. L'occasion donc de vous faire revivre ce festival en profondeur.
A ce titre, afin d'être plus clair et plus exhaustif - nous l'espérons, en, tous cas -, Michaël et Di Sab (le duo comique de Vivement Doomanche) vous ont concocté une vidéo faisant le bilan de l'organisation de cette édition 2023 du Motocultor, que vous pouvez retrouvez ci-dessous. Sans épouser fidèlement la position de toute l'équipe - certains points d'organisation, notamment la nourriture, ont donné lieu à de vifs débats en interne -, cette vidéo vient mettre en lumière une édition qui, malheureusement, aura encore partiellement failli sur le côté organisationnel, en dépit d'un dimension musicale qui aura quant à elle répondu à toutes les attentes.
Le live report écrit prend quant à lui le soin d'aborder en détail les prestations musicales auxquelles nous avons assisté, sans naturellement prétendre à l'exhaustivité vu le nombre de groupes sur le weekend (110 !).
Pour faciliter la lecture, nous avons décidé de scinder en deux le live report : le présent report des journées de jeudi et vendredi, et un second report pour les journées de samedi et de dimanche. Bonne lecture à toutes et à tous !
*
* * *
Jeudi 17 août | Vendredi 18 août
Jeudi 17 août 2023
Groupes évoqués : A.A. Williams | Royal Republic | Hällas | Zeal & Ardor | Coroner | Hatebreed
A.A. Williams
Massey Ferguscène
Malice : Il y a deux écoles pour les débuts de festival : se mettre en jambes avec un groupe énergique et efficace, ou en douceur. Le choix est fait avec la prestation toute en finesse de A.A.Williams, dont le post-rock/folk/doom rappelant avec insistance Emma Ruth Rundle et Chelsea Wolfe envoûte la Massey Ferguscene.
La voix de A.A se fait par moments cajoleuse, parfois puissante (le sublime « Murmurs » et son envolée saisissante) et la setlist, principalement axée sur le magistral dernier album As the Moon Rests, est un instantané idéal de son oeuvre (auquel il ne manque peut-être que « Hollow Heart » et le bijou « Pristine »). Un peu timide initialement, A.A Williams s'ouvre au public qui l'accueille à bras ouverts alors que nous sommes jeudi début d'après-midi, soit un créneau pas forcément adapté à ce style. Chapeau, car cela restera l'un des concerts les plus majestueux du week-end.
Setlist :
For Nothing
Evaporate
Murmurs
Control
Melt
L&P
Golden
As the Moon Rests
Royal Republic
Dave Mustage
Malice : Changement de scène, changement d'ambiance. En 2022, le Motocultor avait fait le pari d'une affiche plus « rock » le jeudi, avec notamment The Hives en tête d'affiche ; rien de tel en 2023 car le jeudi est très éclectique, mais il y a çà et là quelques réminiscences de cette identité plus rock/pop tout au long du week-end – à commencer par ce concert de Royal Republic.
Et pour le coup, le pari est réussi. Les Suédois vont balancer l'un des meilleurs concerts du festival, rien que ça : une prestation digne d'un headliner, toute en énergie, en professionnalisme et surtout en putain de TUBES. « Getting Along », l'incroyablement funky « RATA-TATA », « When I See You Dance With Another », et cet interlude country à trois voix sur « Boomerang » complètement incongru... Il y avait probablement quelques sceptiques dans l'audience, mais impossible de repartir autrement que séduit. Adam Grahn (chant/guitare), conscient du public qui lui fait face, blague même sur son envie initiale de faire partie d'un groupe de heavy metal... « mais d'aimer l'argent aussi ». Avant de balancer un « Battery », reprise de qui-vous-savez, qui réveille ceux qui dormaient encore. Ils n'étaient pas nombreux : c'était royal de bout en bout.
Setlist :
Fireman & Dancer
Getting Along
RATA-TATA
Stop Movin'
Full Steam Spacemachine
Back from the Dead
Boomerang (à trois voix et harmonica)
When I See you Dance with Another
Tommy-Gun
Anna-Leigh
Battery (reprise de Metallica)
Baby
Hällas
Massey Ferguscène
Malice : Beware of the mighty Hällas ! Ces mots tirés du morceau éponyme, qui clora le superbe concert de Hällas, en résument bien l'essence. En quelques années et quelques albums, et ce dès Excerpts from a Future Past dont la cavalcade « Repentance » ouvre le concert, Hällas est devenu une référence absolue de tout ce mouvement revival des 70ies qui peut parfois manquer d'authenticité. Ce n'est pas le cas ici : drapés de leurs tenues fantasy, les Suédois (décidément rois des tubes...) nous plongent dans leur univers psychédélique que même le niveau franchement un cran en-dessous du dernier opus, Isle of Wisdom, ne vient pas gâcher. « Gallivants (of Space) » passe même superbement l'épreuve du live.
Le grand moment qui fait scander tout le public à l'unisson pour la première fois du festival, c'est bien sûr « Star Rider », balancé après que « The Astral Seer » m'ait personnellement mis en transe. Excerpts from a Future Past ne sera peut-être jamais dépassé dans ce mélange savoureux de refrains catchy et de titres à tiroir ne perdant jamais l'auditeur, et qui ont fait de Hällas le géant qu'il est méritoirement devenu.
Setlist :
Repentance
Earl's Theme
Carry On
Birth/Into Darkness
Gallivants (of Space)
The Astral Seer
Star Rider
Stygian Depths
Fading Hero
Hällas
Zeal & Ardor
Bruce Dickinscene
Malice : J'étais devant un dilemme : continuer sur ma lancée plutôt rock et aller voir Wolfmother, ou donner une seconde chance en live à Zeal & Ardor après un concert absolument catastrophique à Bruxelles il y a quelques années de cela ? La qualité du dernier album de Z&A m'a finalement fait pencher pour la deuxième option, comme une bonne partie du public vu l'affluence assez énorme qui déborde de la Bruce Dickinscène. Grand bien m'en a pris, parce que je vais prendre une claque, et une belle.
Comme prévu, le dernier album marche du tonnerre en live, et « Church Burns » le prouve d'emblée. Cette fois, contrairement à ma dernière expérience, le son est impeccable, le groupe magnétique (mention spéciale au choriste de gauche). « Götterdammerung » enfonce le clou et Manuel Gagneux enquille les tubes - « Row Row », « Ship on Fire ». Sa capuche tombe finalement sur l'intense « Run », son chant ne souffre aucune faiblesse : la messe est dite, et est folle. Malheureusement, les titres de Wake of a Nation font retomber la pression, mais « Death to the Holy » nous ramène à cette machine qu'est l'album éponyme. Zeal & Ardor est sur une trajectoire probablement inarrêtable vers les sommets des festivals européens, entre moments de ténèbres et de furie (« Don't You Dare », « I Caught You ») et toujours cet hypnotique moment sur un « Devil is Fine » dont on espère retrouver l'essence negro spiritual à l'avenir plutôt que les essais récents un poil trop modernes du groupe.
Setlist :
Church Burns
Götterdämmerung
Row Row
Ship on Fire
Blood in the River
Run
Gravedigger's Chant
We Can't Be Found
Tuskegee
Erase
Death to the Holy
Trust No One
Don't You Dare
Satisfactory Lucifer
J-M-B
Devil is Fine
Feed the Machine
I Caught You
Baphomet
Coroner
Supositor Stage
Di Sab : Coroner est un des groupes les plus paradoxaux de la scène et se plaît dans l’union des contraires. La bestialité faussement irréfléchie du thrash d’un côté, contrebalancée par des touches prog et industrielle qui donnent à l’ensemble une majesté et une inquiétante étrangeté. Et en live, malgré le fait que la proposition du groupe soit moins facile d’accès que les groupes de thrash plus bas du front, à chaque fois, le concert se descend tout seul. Pas le moindre défaut, un son qui fait honneur aux compositions, une attitude impeccable, il est quasi impossible de faire le moindre reproche aux Suisses.
Une compagnie aérienne ayant égaré leur matériel, c’est en pantacourt et équipés des instruments de Burning Witches que le trio (ou quatuor c’est selon) fit contre mauvaise fortune bon cœur. D’excellente humeur, malgré la situation, le groupe déroula une setlist un peu classique pour qui les a déjà vus. Qu’importe ! Impossible de ne pas être admiratif devant tant de professionnalisme et de talent. A revoir de toute urgence.
Setlist :
Internal Conflicts
Serpent Moves
Divine Step (Conspectu Mortis)
Semtex Revolution
Metamorphosis
Masked Jackal
Grin (Nails Hurt)
Reborn Through Hate
Hatebreed
Dave Mustage
Malice : Voilà, enfin un moment CON. Ce premier jour a été bien trop fin à mon goût, de A.A. Williams à Coroner, et j'attendais de quoi ouvrir un peu les vannes après ce long trajet jusqu'en Bretagne. Et Hatebreed en concert, c'est quand même une valeur sûre. Hé bien, j'ai failli déchanter : malgré les tubes qui s'enchaînent au début (« To the Threshold », « Tear it Down », « Live for this »), Jamey Jasta, au look inhabituellement hirsute, paraît très fatigué vocalement.
Le tiche saute dans tous les sens et communique comme à son habitude avec le public, mais côté voix, clairement, il n'est pas vraiment là. Même « Destroy Everything » ne détruit pas tout. Heureusement, la seconde partie de set s'en chargera : Hatebreed balance 4 morceaux de Perseverance et 4 autres de Satisfaction is the Death of Desire, et la machine est lancée. Pas ma setlist de prédilection (aucun extrait de Divinity of Purpose...) mais l'énergie plus hardcore de ces vieux titres met Jasta plus à l'aise. De tous mes concerts de Hatebreed, le moins bon... mais le job sera fait, de justesse.
Setlist :
To the Threshold
Tear it Down
Live for This
A Stroke of Red
Destroy Everything
As Diehard as they Come
This is Now
Looking Down the Barrel of Today
Smash your Enemies
Spitting Venom
Before Dishonor
In Ashes they shall Reap
Empty Promises
Last Breath
Proven
A Call for Blood
Seven Enemies
Burn the Lies
I Will Be Heard
*
Vendredi 18 août 2023
Groupes évoqués : Gorod | Psychonaut | Gggolddd | Arka'n Asrafokor | Humanity's Last Breath | Insomnium | Terror | Carcass | Luc Arbogast | Haken | Epica | Health | Deicide | Wardruna | Marduk | Ic3peak
Malice : Retour sur le site de Carhaix après un premier jour assez impeccable ; n'ayant jamais mis les pieds au Motocultor auparavant, impossible pour moi de vous parler du nouveau site comparé à l'ancien, mais force est de constater qu'il est efficace. Seul gros bémol : des files interminables à l'arrivée pour les festivaliers (à coup sûr, certains auront raté des concerts), puis aux toilettes au fil du week-end. Mais côté confort et visibilité des scènes, c'est impeccable, tout comme l'offre nourriture que je trouve très injustement pointée du doigt par le duo Michael-Di Sab' dans leur vidéo. Par contre, ouais, la sponso' 8.6, c'est moins drôle quand on est amateur de bière comme moi...
Gorod
Dave Mustage
Storyteller : Petit-déjeuner de champions avec Gorod. Ouvrir la journée sur une grande scène, à 12h45 alors qu’une masse de festivaliers est retardée pour avoir son bracelet d’entrée, ce n’est pas simple. Mais rien à faire, les Bordelais ont une banane communicative et vont envoyer des tubes tout en présentant leur dernier venu The Orb. Servi par un son de très bonne qualité, le groupe s’est fait plaisir et le public clairsemé permet de s’approcher et de profiter au plus près sans avoir l’effet bousculade des pits. Le soleil brille, le son est cool, la setlist envoie (on ne se lasse pas de « Birds of Sulphur » qui met tout le monde en joie), on profite entièrement du spectacle et au fur et à mesure le pit se remplit de fans enthousiastes. Parfait pour commencer la journée et les premiers blasts du festival.
Psychonaut
Massey Ferguscene
Storyteller : Il n’y a qu’une toute petite marche à faire pour rejoindre le chapiteau sous lequel les Belges de Psychonaut vont se produire. Et après avoir été secoués par le tech death de Gorod, on va commencer l’après-midi avec de l’intensité. Cinq titres en tout et pour tout, répartis entre leurs deux derniers albums Unfold the God Man (2020) et Violate Consensus Reality (2022). Vous comprenez à quel point prendre son temps, développer et faire respirer la musique est important pour ce trio donnant dans le post-metal. Le public se laisse rapidement prendre au jeu, comme une transe sur « All I Saw Was A Huge Monkey ». Ils jouent leurs titres les plus connus, sorte de repère pour un public qui prend plaisir à écouter une musique servie par un son parfait pour retranscrire cette intensité et cette mélodie qui permet de se mettre dans l’ambiance de cette deuxième journée qui commence parfaitement.
Setlist :
Halls of Amenti
All Your Gods Have Gone
Violate Consensus Reality
All I Saw Was A Giant Monkey
The Fall Of Consciousness
GGGOLDDD
Dave Mustage
Michaël : Etrange choix de programmation - il y en aura peu sur le weekend - que de placer GGGOLDDD aussi tôt dans la journée et, surtout, sur la main stage de ce Motocultor. Musique immersive, intense, remplie d’émotions – « Notes on How to Trust » et « Spring » en tête – qui alterne les sons et les mélodies envoûtantes avec des passages prêts à nous hanter. Les sujets abordés sont lourds et il n’aura pas forcément été simple de se plonger dans la prestation de la bande de Milena Eva.
Pas forcément aidé par un son assez faible impliquant un rendu délicat des passages émotifs et planants lorsque le public n’y mettait pas du sien – on passera le « hey, dessine moi une bite en paillette dans le dos » hurlé grassement au milieu du pit pendant « I Won’t Let You Down » –, les Néerlandais auront toutefois su tirer leur épingle du jeu en reprenant leurs grands classiques et les principaux titres issus de leur dernier opus en date : This Shame Should Not Be Mine.
Une prestation mitigée, donc ; mais pas en raison de l’effort du groupe. On a hâte de les revoir dans de meilleures conditions, en club et avec l’atmosphère (lights, public, son) plus propice à l’introspection.
Setlist :
Beat by Beat
Strawberry Supper
Spring
I Won’t Let You Down
He Is Not
I Let My Hair Grow
Old Habits
Notes on How to Trust
Arka'n Asrafokor
Bruce Dickinscene
Malice : Après avoir interviewé les Togolais d'Arka'n Asrafokor quelques heures avant leur entrée sur scène, j'avais hâte de voir l'accueil qui leur serait réservé. Clairement, Arka'n est l'une des curiosités de l'affiche, mais leur metal crossover groovy avait le potentiel de séduire un auditoire assez large. Le pari sera totalement réussi : après avoir eu un beau succès au Cabaret Vert, Arka'n Asrafokor va mettre tout le monde sous le charme.
Grâce à un enthousiasme et une énergie communicative, déjà : avec un seul album, Za Keli, qui date déjà de 2019, le groupe a peu tourné et le Motoc' est leur tout premier festival purement metal. La setlist est donc pour l'occasion amputée des morceaux les plus pop (surtout « Peuples de l'Ombre », chanté en français et qui manque à l'appel à mon grand regret) et opte pour un set énervé. Le très thrash « Tears of the Dead » lors duquel les frères Rock (guitare/chant) et Elom (chant rappé) se répondent, mais aussi « Lost Zion » marchent particulièrement bien et le groupe paraît avoir passé un sacré cap par rapport aux vidéos live qui traînaient sur le web. Tout sonne plus carré et plus « pro », ce qui augure de belles choses pour le prochain album à paraître. La recette a un petit côté néo metal quasi-naïf, mais aussi une vraie personnalité grâce aussi à ce chant clair africain du percussionniste qui décontenance un peu le public au début. Mais Arka'n Asrafokor repartira avec une belle ovation.
Humanity's Last Breath
Supositor Stage
Storyteller: Souvent en festival, les conditions de jeu font la qualité de la prestation, on se dit que du funeral doom en plein après-midi, il y a une chance que ça marche moins bien. Alors le deathcore dissonant de Humanity’s Last Breath sur une main stage au soleil, ça semblait mal parti. Mais c’était mal connaitre le groupe. Habillés en noir de pied en cap, avec une communication minimaliste, le quatuor est venu tout ravager. Si vous avez lu la chronique de Ashen dans nos pages, vous savez que ce groupe a frappé fort. Et il le prouve en live avec un set de rouleau compresseur aux basses surgonflées. D’ailleurs en live, pas de guitare basse, que deux guitaristes accordés très bas. Ces basses qui ont d’ailleurs un peu gêné la clarté du son, qui aurait mérité plus de guitares. Le chanteur, capuche sur la tête, impressionne non pas par sa carrure mais sa capacité à vomir ses paroles qui accompagnent parfaitement cette musique aux couleurs pessimistes. Ils ne rigolent pas. Le public non plus, il a été médusé pendant ce set d’une intensité folle dont seuls les spécialistes auront reconnu les morceaux.
Setlist :
Väldet
Tide
Labyrinthian
Abyssal Mouth
Bellua Pt. 1
Instill
Human Swarm
Passage
Earthless
Insomnium
Dave Mustage
Michaël : Le marathon de concerts continue pour Markus Vanhala, lui qui a joué avec trois groupes différents en quelques jours (I Am the Night ; Omnium Gatherum et Insomnium, donc). Officiant dans la branche très mélodique et un peu doomy du mélodeath finlandais, Insomnium a toujours été un groupe très agréable à suivre en live, surtout depuis qu’il a ce line up avec Markus et Jani (ex-Sonata Arctica). Plutôt adapté en club ou sous une tente, c’est certainement une nouvelle victime d’un temps de jeu limité en plein milieu de journée.
Bien que leur dernier opus (Anno 1696) soit globalement un bon cru, l’ultra représentation de ce dernier dans la setlist du jour (5 titres !) et une prestation un peu molle m’ont fait rapidement tourner de l’œil. Les mimiques incessantes de Markus n’y sont pas étrangères non plus. Bien dommage quand on sait que le groupe est en principe une valeur sûre en live. Encore faut-il que la setlist s’y prête et là… Non. Un jour sans, donc.
Setlist:
1696
While We Sleep
White Christ
Godforsaken
Lilian
And Bells They Toll
The Witch Hunter
Valediction
Terror
Massey Ferguscene
Malice : Waf, waf, moment débile numéro 2. Le duo Hatebreed-Terror, c'est un peu les Dupond et Dupont du hardcore métallisé, mais Terror m'a toujours beaucoup moins parlé. Un manque de refrains fédérateurs, de passages vraiment accrocheurs ; comme on se le disait avec l'ami Michaël, c'est ce côté très hardcore « classique », tout en vitesse et en urgence, qui ne fait pas la part belle aux changements de rythme et aux moshparts neuneus.
Mais cette fois, la magie opérera : Terror donne une leçon, à laquelle j'assiste de loin en ayant l'impression par moments d'observer un chenil pendant un feu d'artifice. « Stick Tight », « Always the Hard Way », « Return to Strength », le final sur « Keepers of the Faith »... Bah ouais, c'était imparable. Bravo les gros cerveaux.
Setlist :
Pain Into Power
Overcome
Spit My Rage
Stick Tight
Strike you Down
Always the Hard Way
Boundless Contempt
Your Enemies are Mine
One with the Underdogs
Return to Strenght
Life & Death
Can't Help But Hate
Keep your Mouth Shut
Keepers of the Faith
Carcass
Dave Mustage
Michaël : Quand on parle death mélo old school, on tourne nécessairement les yeux du côté de la Suède. Mais on oublie parfois un peu que Carcass est un pionnier aussi (surtout ?) et que certains albums, comme Heartwork sorti en 1993, ont énormément pesé dans le game. Alors, comprenez qu’avec une setlist faisant précisément la part belle à cet opus (« Buried Dreams », « Death Certificate », « Heartwork » et surtout l’excellentissime « This Mortal Coil » et son riff galopant), il y avait de quoi être aux anges.
Le groupe a pris un coup de vieux sur scène, on ne va pas se mentir. Malgré toutes les facéties du talentueux Jeff Walker, ça a pris un peu de plomb dans l’aile. Mais en dépit de ce constat facile, difficile de contester que les Anglais, portés par un son excellent, ont juste retourné le Motocultor. Rapidité, puissance, mélodie, énergie ; tout y était. Une des prestations du weekend pour moi, sans conteste.
Setlist :
Buried Dreams
Kelly's Meat Emporium
Incarnated Solvent Abuse
This Mortal Coil
Death Certificate
Dance of Ixtab (Psychopomp & Circumstance March No. 1 in B)
The Scythe's Remorseless Swing
Corporal Jigsore Quandary
Heartwork
Tools of the Trade
Luc Arbogast
Bruce Dickinscene
Malice : Je suis naturellement le seul zozo de la rédac' à rater Carcass pour aller voir Luc Arbogast, pas seulement parce que je n'aime pas vraiment les premiers mais bien parce que j'apprécie ce que fait Arbogast sur ses albums. Le gars a une vraie personnalité, une très belle voix et s'il est un vrai OVNI, il paraît à sa place un jour où jouent Hrafngrimr et, bien sûr, Wardruna.
Le problème, c'est que je ne vais retrouver qu'en quelques brefs moments ce qui peut me plaire sur les albums d'Arbogast, et pour cause : il donne ici un concert spécial dans le cadre de sa série « Via Antika »... et franchement, pour un festival, le choix me paraît bizarre. Si la voix est bien là, elle sera un peu trop utilisée pour... faire de mauvaises blagues et parler au public. Visiblement, Luc Arbogast aime s'écouter parler alors que moi, j'aime surtout l'écouter chanter et je serai resté sur ma faim. Pas les curieux venus en nombre, et visiblement séduits.
Haken
Massey Ferguscene
Storyteller : Groupe de metal progressif pur, Haken faisait un peu figure d’OVNI dans la programmation. On se demandait si les Anglais allait trouver un écho favorable à leur musique parfois bien complexe pour un public qui avait déjà usé ses neurones sur des groupes plus faciles d’accès. Et quelle surprise au moment où nos plagistes avec leurs chemises aux motifs jungle sont arrivés. J’étais presque au premier rang et tous les gens qui m’entouraient ont chanté pendant cinquante minutes. Un public de fans était venu pour voir le groupe sans Richard Henshall défendre son dernier album Fauna (en commençant avec « Taurus » et « Sempiternal Beings ») mais aussi en profiter pour jouer quelques pépites. Imaginez l’émotion quand résonnent les premières notes d’« Invasion », dont le chant annonce des mélodies et des rythmiques prog à souhait. Charlie Griffiths a occupé le flanc droit avec un large sourire qui a été communicatif. Le groupe prend plaisir à jouer, à surprendre le public qui ne peut pas headbanger sur des mesures bourrées de syncopes malgré le rythme emporté de « Prosthetic ». Ross Jennings, toujours impeccable, montre l’étendue de son talent, sans fausse note et mène la formation tout au long du set qui se termine par « The Architect », morceau qui a mis en transe le public. Très belle prestation, public aux anges, groupe excellent, la recette parfaite !
Setlist :
Taurus
Sempiternal Beings
Invasion
Prosthetic
Pareidolia
The Architect
Epica
Dave Mustage
Michaël : En toute transparence, je n’écoute plus du tout Epica depuis des plombes. Simplement, un peu par nostalgie de l’époque du lycée ou par curiosité, je ne me prive jamais d’aller voir le groupe en festival. Surtout quand le groupe joue de nuit, qu’il commence à faire frais, et qu’on sait qu’on va prendre autant de notes en voix de tête que de crachats de lance-flammes.
Je suis toujours autant sidéré par le côté millimétré du show des Néerlandais. Avec autant de monde sur scène, c’est certes un pré-requis. Tout est giga propre, le son fut globalement très bon (les guitares ont toujours été sous-mixées chez Epica), tout comme la voix de Simone fut parfaitement discernable. Un petit manque de puissance, donc, pas vraiment compensé par la surreprésentation des titres de Omega (2021) qui sont très symphos. Quoi qu’il en soit, c’est après une prestation vraiment solide (on peut ne pas accrocher au groupe, mais certainement pas leur reprocher ce qu’ils font sur les planches) et un « Consign to Oblivion » qui me ramène droit à mon année du bac (ce final !) que le groupe quitte le Motocultor. Propre.
Setlist :
Abyss of Time – Countdown to Singularity
The Essence of Silence
Unleashed
The Final Lullaby
The Obsessive Devotion
The Skeleton Key
Code of Life
Beyond the Matrix
Consign to Oblivion
Health
Massey Ferguscene
Di Sab : Plus haut, je vous évoquais les paradoxes de Coroner. On s’arrête un instant sur Health ? Imaginez la fragilité d’un Nine Inch Nails avec une attitude à peu près aussi intelligente que celle de Limp Bizkit. Ça n’a aucun sens ? En effet, mais c’est juste trop bien.
Health fait dans le stupide masqué. Si on ne connaît le groupe que via sa musique, on se retrouve face à un metal indus à fleur de peau, sensible et mélancolique qui rappelle fortement ce que peut faire Reznor. Si on pousse en direction de leurs réseaux sociaux, on tombe dans un trou noir. Partages incessants de memes, la dernière dinguerie en date est le partage du seul tatouage du bassiste : le logo de From Software (un éditeur de jeu vidéo) en lettres majuscules sur la poitrine…pour faire court, les types semblent authentiquement bêtes.
Et comment des types aussi cons sortent un contenu aussi sensible ? Impossible de le dire. Mais Health a de réelles facilités à embarquer son auditoire dans son univers. Lights superbes au service de ce metal indus racé, horny et mélancolique. Les titres s’enchaînent avec un petit focus sur Slaves of Fear, peu de communication entre les morceaux comme s’il fallait poursuivre la transe jusqu’au bout de la nuit et prier pour que celle-ci ne s’arrête jamais. Au bout d’une heure, les lumières se rallument, on croise dans les regards la même torpeur qui habille le nôtre. Le Motocultor est long mais les instants hors du temps comme le concert du trio de Los Angeles seront rares.
Deicide
Supositor Stage
Malice : Mon « slow friday » décolle enfin vraiment avec le rouleau compresseur Deicide, qui joue un peu plus tôt que prévu. On m'avait prévenu et bordel, on ne m'avait pas menti : c'est parpaing sur parpaing, d'abord de « Satan Spawn, the Caco-daemon » à « Revocate the Agitator », soit l'intégralité du légendaire Legion. Zéro communication, zéro fioriture : juste de la brutalité. Seul (gros) bémol, cette guitare de droite inaudible depuis l'avant de la scène, qui gâche quelques moments de bravoure, parce que niveau soli, Legion est un monument aussi. Si c'était encore possible, Deicide accélère encore le rythme pour la fin de set : « Once Upon the Cross » me déboîte, « Dead by Dawn » et « Homage for Satan » encore plus, c'est un massacre précis et inhumain proposé par Benton et sa bande. Probablement l'un de mes meilleurs concerts de death metal. J'en reste la machoîre décrochée.
Di Sab : J’adore les shows ultra visuels. J’adore Alice Cooper, j’adore King Diamond. Et j’adore l’exact opposé. J’aime l’attitude d’un Orange Goblin : 4 mecs, une guitare, une basse, une batterie, un pied de micro, aucun artifice. Deicide, c’est ça. Benton arrive, ne dit rien, lève les yeux au ciel et exécute un « Satan Spawn »…en accéléré. Comme si les titres n’étaient pas assez brutaux, ces gros bestiaux de Floride décident de tout jouer vitesse grand V. Idée à peu près aussi stupide que jouissive. Comme au Brutal Assault et partout en Europe, nous aurons donc droit à « Legion » en intégralité et dans l’ordre suivi d’un petit best of (« Scars of the Crucifix / Dead by Dawn » et un définitif « Hommage for Satan »). Comme au Brutal Assault et partout en Europe, Benton ne pipe pas un mot entre les titres. Comme au Brutal Assault et partout en Europe, tout est exécuté d’une manière parfaite et il est impressionnant de voir ces growls si caractéristiques être retranscrits devant nous.
Deicide et l’Europe n’a pas toujours été une histoire d’amour. Coutumiers des annulations de dernière minute, les Floridiens se font plus rares qu’ils ne devraient l’être. C’est donc avec le sentiment d’être privilégié que je regarde les dernières notes de ce concert exceptionnel que je revois pour la seconde fois en une semaine. Vrai monument, vraie attitude, vrai concert.
Setlist :
(Legion setlist)
Satan Spawn, the Caco-daemon
Dead but Dreaming
Repent to Die
Trifixion
Behead the Prophet (No Lord Shall Live)
Holy Deception
In Hell I Burn
Revocate the Agitator
(fin de Legion)
Once Upon the Cross
When Satan Rules His World
Dead by Dawn
Scars of the Crucifix
Homage to Satan
Wardruna
Dave Mustage
Malice : On a presque l'impression, notamment en discutant avec des festivaliers, que Wardruna est devenu beaucoup moins rare en live qu'à une certaine époque (le groupe a, il est vrai, effectué une tournée française en 2022 et joué au Hellfest). Mais ça reste un joli coup de la part du Motocultor d'avoir programmé Einar Selvik et sa troupe en tête d'affiche... même si on peut craindre un certain décalage avec le public, au hasard, d'Alestorm.
Fort heureusement, et à ma grande surprise, je rentrerai très facilement dans le concert, là où j'étais resté totalement hermétique au Brutal Assault il y a quelques années... à cause du public peu à l'écoute. Ici, on sent l'audience captivée dès les premières notes de « Kvitravn », même si Einar paraît – fait rare – un peu faiblard vocalement au début. C'est d'ailleurs ce que fera remarquer très impoliment une festivalière à son compagnon, elle qui assistait visiblement à son 4 ou 5e concert de Wardruna et jugeait donc bon de tout commenter d'un air blasé. Si vous n'aimez pas, n'en dégoûtez pas les autres (et surtout : fermez-la en concert, ça, c'est une vérité générale).
Globalement, le tout me paraîtra un peu longuet, partagé entre moments géniaux (« Skugge », « Tyr ») et lourdingues (« Heimta Thurs » et le chant de crécelle plutôt agaçant à la longue de Lynda Fay Hella), mais l'atmosphère à couper au couteau et surtout ce jeu d'ombres fascinant en arrière-plan m'empêchent de décrocher. En dehors d'un long speech chaleureux avant le déjà culte « Helvegen », Selvik ne s'adresse pas au public, et c'est tant mieux pour ne pas briser la magie (chose que Hrafngrimr avait un peu oublié pendant son concert). Je n'ai clairement pas les mots ni l'expertise de notre Dolorès pour parler de Wardruna, mais je reste content d'avoir enfin ressenti en partie la magie de leur musique en live... même si, inexplicablement, je persiste à trouver ça un peu surcoté dans l'ensemble.
Setlist:
Kvitravn
Skugge
Solringen
Heimta Thurs
Kvit hjort
Lyfjaberg
Voluspá
Tyr
Isa
Grá
Runaljod
Rotlaust tre fell
Fehu
Helvegen
Raido
Marduk
Supositor Stage
Michaël : Enchaîner les festivals est un plaisir et un luxe, il faut l'admettre. La contrepartie est que vous allez nécessairement suivre la tournée de certains groupes et donc avoir affaire à eux à plusieurs reprises. Ce fut le cas de Marduk, déjà vu la semaine précédente au Brutal Assault. Difficile donc de s'extirper du jeu de la comparaison, bien que le jeu de Morgan Håkansson et la présence de Daniel Rostén soient assez constantes.
Avec Marduk, on sait à quoi s'attendre. C'est froid, massif, malsain ; pas nécessairement original. Les voir deux fois en une semaine n'aide pas à vivre le concert pleinement, sauf pour les die hard fans, naturellement. Quoi qu'il en soit, on a plaisir à réécouter les habituels pamphlets du groupe (« Throne of Rats », « Wolves », entre autres), mais aussi quelques titres qui n'avaient - sauf erreur de ma part - pas été joué depuis quelques années avant cette tournée (« With Satan and Victorious Weapons », issu de l'album Word Funeral).
En bref, rien de flashy ; sobriété suédoise.
Setlist:
On Darkened Wings
Viktoria
The Blond Beast
Beyond the Grace of God
Wartheland
Blood of the Funeral
Of Hell's Fire
With Satan and Victorious Weapons
Werwolf
Throne of Rats
Wolves
IC3PEAK
Dave Mustage
Malice : Serais-je venu jusqu'à Carhaix sans la présence d'IC3PEAK à l'affiche ? Probablement, mais c'était bien l'un des arguments principaux en faveur de ma venue. Anastasia Kreslina et Nikolay Kostylev sont rares, et probablement programmés pour la première fois sur un festival metal : chapeau à l'orga. Sur le créneau d'1h du matin, IC3PEAK va probablement surprendre les curieux avec sa witch-house/trap très, très sombre dès l'hymne anti-guerre « Marsh ». Nastya alterne avec une aisance bluffante chant susurré et chant rappé ; malheureusement, dès « Priviet' » et surtout « Plamya », les énormes drops de basse mettent un peu en difficulté la sono.
Nastya, sans surprise, s'adresse peu au public, barrière de la langue oblige (elle communiquait bien plus en Russie... quand le groupe y était encore autorisé), mais fait passer un message : « We are IC3PEAK, we are from Russia, and we stand with Ukraine. Stop the war, fuck the war ». Clair, net (et applaudi). Le tube « Plak-plak », au thème là aussi bien lourd (les violences domestiques), conclut une première partie de concert étouffante.
Le son va s'améliorer, mais IC3PEAK, après une entame de set old school ira piocher en masse dans son dernier album KISS OF DEATH ; l'occasion d'apprécier la versatilité folle de Nastya qui passe des aigus au growl (« Kiss of death », l'excellent « Vampir »)... mais ces morceaux un peu plus metal, pour lesquels Nikolay passe même à la guitare, sont tout simplement moins bons. Un peu comme quand Ghostemane s'essaie au metal extrême : c'est pas vraiment pour ça qu'on est là à la base. « Dead but pretty » ne tient pas vraiment la comparaison avec les classiques « TRRST » et le toujours très politique « Smerti Bolche Net », qui rallument la fin de concert. Était-ce un moment décevant ? Loin de là – le duo dégage une aura captivante et réussit à rester très premier degré malgré une imagerie cynique au possible, ce qui est une performance. Mais j'espère les revoir sur une autre tournée, peut-être en club, avec moins de titres de KISS OF DEATH au programme...
Setlist :
Marsh
Privet'
Quartz
Plamya
MAKE YOU CRY
Skazka
Plak-Plak
[Interlude - Stop the War. Stand With Ukraine]
Kiss of Death
Vampir
Let's die together, ya nie suchu
Are you scared ? I am not
Grustnaya Suka
THIS WORLD IS SICK
Smerti Bolche Niet
TRRST
Dead but pretty
Rideau sur ces 2 premiers jours déjà éprouvants... et le meilleur reste à venir – c'est dire. On retiendra surtout les prestations de Royal Republic, Hällas, Gorod, Health, Haken, Deicide ou dans une moindre mesure IC3PEAK, soit un spectre incroyablement large : le Motocultor, en 2023, c'est l'éclectisme, et on valide ce choix.
Le report des journées de samedi et dimanche, c'est par ici !
***
Nos remerciements au Motocultor Festival et à NRV Promotions pour les accréditations et l'accueil.
Nos remerciements également à Leonor Ananké, photographe pour Hard Force, pour l'utilisation de ses photos.