Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Avec un album tous les trois ans depuis 2012, Marduk semble avoir trouvé un rythme de croisière dans ses sorties, et si une telle régularité peut laisser songer que Morgan and co. sont en pilote automatique, il n'en est rien. Avec la rupture que créait Rom 5:12, apportant une lourdeur et une lenteur inhabituelle dans les compos des Suédois, le groupe a pu élargir son aire de jeu jusque-là assez cantonnée à la brutalité et à l'agressivité pure et frontale. Si Rom 5:12 reste pour moi l'une des meilleures sorties du groupe (sans doute en partie parce qu'il fût l'album de la découverte), les albums suivant sont loin de démériter, même si parfois un peu inégaux, à l'image d'un Frontschwein s'essoufflant un peu sur la fin. De surprise, personne n'en attend plus réellement de la part de Marduk, mais l'annonce chaque nouvel album est l'occasion de se demander ce que le compositeur en chef, Morgan, a encore à nous proposer après plus de 25 ans de carrière.
Et première bonne impression pour la nouvelle cuvée, elle me fait mentir, et ce dès le premier titre : Marduk peut encore (un peu) surprendre. Ce ne sont pas les samples de sirènes hurlantes et autres gourgandises martiales déjà poncées qui surprennent, mais bien le tempo punkisant de Werwolf qui fait son charme. Depuis des années, Marduk entame ses albums avec un pur brûlot Black blatstifié à l'extrême pour vous coller au mur dès le début. Mais cette ouverture sur ce que l'on pourrait qualifier, par rapport aux standards du groupe, de mid-tempo donne déjà à Viktoria une certaine prestance. Mais autant vous le dire tout de suite, ce qui arrive après sent le Marduk pur jus.
June 44, le second titre, lance la machine à blast et on y aura droit (presque) en continu jusqu'à la fin de l'album. Et force est de constater que même après 25 années passées à labourer le même sillon de Black Metal belliqueux et ultra-venère, Morgan sait toujours y faire pour sortir du riff assassin (Narva ou The Devil's Night). Certes, on est en terrain balisé et connu, mais bordel de merde ça déboîte toujours autant. Des riffs d'une agressivité redoutable se succèdent les uns aux autres, avec toujours en thématique de fond la guerre. On se retrouve une nouvelle fois au cœur d'une mêlée sanglante où l'on croise l'avancée inexorable de char d'assaut sur le lent et entêtant Tiger I ou une cavalerie lancée à l'abatage (Equestrian Bloodlust). Sur cet aspect thématique, il n'y a que la pochette qui chie un peu dans la colle, avec cette tentative ratée d'un machin entre affiche de propagande et pochoir Bansky.
Côté personnel, on retrouve la même équipe que sur Frontscwhein. À la batterie, Widigs fait le travail, assurant une rythmique toujours aussi percutante et véloce, sans grande originalité mais d'une efficacité sans relâche. Devo à la basse se trouve un peu plus en retrait dans le mix, la basse claquante de la période Rom 5:12 semblant être de plus en plus mise au placard (et j'en suis fort marri parce que j'adorais ça, mais passons). Quant à Mortuus, il livre une nouvelle fois une prestation énorme. Sa voix est toujours aussi énervée et puissante, ses hurlements toujours aussi terrifiants. Le fait d'avoir découvert Marduk sur sa période est sans doute primordial pour cela, mais j'ai toujours trouvé le chant de Mortuus supérieur à celui de Legion (blasphème!) : plus rocailleux, plus agressif, plus écorché, également plus varié, je n'arrive qu'à lui trouver de bons points. Et donc tout ce beau monde continue à associer ses talents pour produire un album de qualité à mettre au compte du grand Marduk. Là où les derniers titres de Frontschwein pédalaient un peu dans la purée, Viktoria reste intéressant jusqu'à la fin, aucun titre n'étant en deçà des autres. Et si à part le morceau d'ouverture quelque peu inattendu rien n'est surprenant sur ce nouvel album, rien n'est non plus à jeter, et encore une fois, après 25 ans de carrière ce n'est pas une mince affaire. Les titres les plus faibles sont peut-être les plus lents, Tiger I et Silent Night, mais ils pâtissent à mon sens de la comparaison avec d'autres titres au tempo ralenti tirés des albums précédents (ceux de Rom 5:12, notamment, on y revient) : plus travaillés sur les atmosphères et les habillages, un Imago Mortis ou un Accuser/Opposer laissent sur le bord de la route leurs petits frères.
Viktoria est donc un bon album de Marduk. Il remet le groupe en selle après un Frontschwein un peu mollasson, même s'il ne parvient pas à égaler la splendeur guerrière qui le précède. Mais on y trouve exactement ce qu'on cherche en lançant un Marduk : brutalité, agression et violence restent les maîtres-mots de la formation suédoise. Et elle excelle toujours dans le domaine.
Tracklist de Viktoria :
01.Werwolf
02.June 44
03.Equestrian Bloodlust
04.Tiger I
05.Narva
06.The Last Fallen
07.Viktoria
08.The Devil's Song
09.Silent Night