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mercredi 6 septembre 2023

Soen au Motocultor 2023 : "On a senti que l’album avait quelque chose de fort "

Cody Ford (guitare)

Storyteller

Why not ?

C'est dans un coin bien à l'écart des autres journalistes et du bruit de la grande salle que Cody, guitariste du groupe Soen, nous accueille. Fraichement arrivé sur le site mais détendu sur son canapé aux côtés de son compères Oleskii "Zlatoyar" (bassiste ukrainien du groupe), Cody va se prêter un long moment au jeu de l'interview et nous révéler comment les choix se font dans Soen, les plans pour le futur et une collaboration au gout de raisin.

Votre nouvel album sort le premier septembre. Comment préparez-vous les concerts et choisissez-vous les titres que vous allez jouer ? Comment se prépare cette sortie ?

On va évidemment jouer les singles et à partir de là, on va choisir des chansons que l’on aime jouer live, qui vont avoir cette énergie. Il faut penser au set dans sa totalité, à quels titres provenant des albums précédents on aimerait garder ; si on veut rajouter une ballade du nouvel album, cela veut dire qu’il faut en retirer une de notre ancienne setlist. Mais on ne peut pas enlever celle-là, ou alors… bon tu vois le bordel ! C’est un processus assez éreintant et cela devient complexe de bâtir une setlist car d’un côté on n’aura jamais joué une liste de chansons aussi intenses et fortes, mais d’un autre on aura toujours des gens qui vont vouloir que l’on joue tel ou tel titre, et on ne peut pas contenter tout le monde.

J’imagine que la setlist pour un festival open air est différente de celle d’un show en salle.

Oui, typiquement elles sont plus courtes bien que cela dépende. Les open air peuvent s’avérer intéressants parce que parfois, on se rend dans des festivals qui sont super metal, genre metal extrême, et on se retrouve comme le groupe qui ressort du lot parce que d’un coup il y a des mélodies, des parties plus douces. Alors on se dit ok, on va tout foutre en l’air et on va faire en sorte que les oreilles des fans puissent bénéficier d’un moment de repos, on leur joue dix ballades ! On prend toujours en compte la totalité du set et ses différentes ambiances. Mais la setlist de la tournée pour Memorial est prête et je pense que ça va être vraiment super.

Tu as parlé de deux singles. Comment les avez-vous choisi ?

On a senti que l’album avait quelque chose de fort et que beaucoup de titres étaient de potentiels singles. On était partagés entre deux chansons. On se demandait : on prend celle-ci comme single ou celle-là ? Le groupe était scindé en deux, alors on a demandé à nos compagnes respectives quelle chanson elles préféraient, pour avoir un regard extérieur. Cet album est vraiment metal, très heavy, un de nos plus lourds, et il y a aussi des moments très éclectiques. Il y a trois ballades sur l’album et elles sont très différentes les unes des autres, il y a aussi des choses qui sont du Soen classique, plus progressives et d’autres qui sont très heavy, un peu plus simples à aborder. On a essayé de couvrir tous ces aspects avec les singles que l’on a choisis. C’est rude mais ça va le faire ! On a choisi, j’espère, des morceaux représentatifs de ce nouvel album.

Donc ces dames ont eu le dernier mot...

Oui, les femmes ont eu le dernier mot, tu sais comment ça fonctionne, c’est l’histoire de l’Humanité.

 

Tu as parlé d’un album plus heavy. Est-ce que quelque chose vous a amené vers cette lourdeur  ? Votre état d’esprit ? Des évènements en particulier ?

Pas particulièrement. C’est simplement là où se situe l’état d’esprit du groupe en ce moment. On a vraiment pris beaucoup de plaisir à jouer ces titres. On écrit de la musique pour avoir de bonnes chansons, on retire ce qui n’est pas nécessaire, le superflu, et on essaie aussi de garder ces moments plus progressifs. On ne cherche pas à composer des titres de onze minutes juste pour que ce soit un titre long ! On apprécie particulièrement ces titres aux saveurs d’hymnes, avec des refrains bien puissants, des gros riffs, pas super compliqués mais que l’on peut digérer facilement. C’est la nature des choses que l’on fait, notre direction.

En regardant l’artwork de Memorial, je n’ai pas su dire s’il est optimiste ou pessismiste…

Et c’est super, parce qu’il peut être interprété d’une façon ou d’une autre. Tu me demandes ce qu’il veut dire ?

Oui, si tu veux bien nous donner ton sentiment, ton interprétation !

Quelle que soit la personne à qui tu poses la question, la réponse sera différente. Pour moi, c’est une superbe juxtaposition des dangers, des poisons du monde extérieur, d’une vue assez pessimiste de considérer la direction que prend notre monde mélangé au fait que la race humaine est en réalité très résiliente, qu’il y a de la force et de l’amour dans l’unité, dans notre capacité à tout pouvoir surmonter. Voilà ce que j’y vois.

Tu te trouves optimiste ?

Oh bordel, il faut bien l’être de temps en temps, il faut apprendre à être optimiste. Je pense que c’est bien plus facile d’être pessimiste. Surtout parce que la majorité de ce que l’on voit dans les news est négatif, ou des trucs sensationnalistes. Quelqu’un avec qui je discutais l’autre jour me disait que quand il était au Canada (je précise que je suis Canadien), il aimait bien regarder le journal télé parce qu’on a des parties dédiées aux nouvelles positives, à des gens qui font des trucs bien à d’autres gens. L’autre personne disait qu’aux USA, ils n’avaient pas de genre de choses et que c’était tout le temps négatif, la politique etc… Donc quand tu vois ça, c’est plus simple d’être pessimiste tout le temps. Tout ce que l’on voit c’est qu’on entend partout que « le monde craint à mort, mec ! ». Mais je pense qu’il est nécessaire d’avoir une touche d’optimisme pour profiter des choses.

Un lien pourrait être fait avec les paroles de Soen, qui portent des idées et des valeurs fortes. Une question plus générale, à cet égard : penses-tu que les artistes sont un bon medium pour porter des messages humanistes ou empathiques forts ?

Tout à fait, je pense que toute personne qui a une plateforme pour exprimer sa voix et toucher un public large possède ce pouvoir. On l’a vu à travers l’Histoire, surtout si l’on pense à certains contextes plus historiques comme le Human Aid par exemple. Et je pense que les artistes peuvent le faire d’une certaine façon ; les politiques peuvent dire des choses qui vont émouvoir les gens, mais le font-ils avec l’objectif de gagner le pouvoir ? Il y a toujours ce risque. Les artistes, et surtout ceux qui utilisent la musique, peuvent faire des choses que les gens qui utilisent seulement leur voix ne peuvent pas.

Soen a toujours, à travers ses paroles, parlé du monde, des injustices, de la façon dont on se traite les uns les autres, la façon dont on traite la Terre ; on parle de la condition humaine, mais aussi d’empathie. Donc, de ce que j’ai compris de notre public, Soen est un point de rencontre pour beaucoup de gens qui peuvent vider leur sac. Quand la musique te parle comme ça, qu’elle t’aide à traverser des moments difficiles, tu peux aller à un concert et te rendre compte que tu n’es pas tout seul dans ces moments difficiles. Je pense que c’est quelque chose de très puissant. C’est en quelque sorte ce que je ressens sur scène, quand on joue notre musique, qu’elle a été là pour eux dans des périodes compliquées. Ce sentiment de savoir que tu n’es pas seul dans ces moments est crucial, l’expérience cathartique de voir un groupe sur scène entouré de gens qui vivent peut-être la même chose. On porte beaucoup de messages de force, d'unité et de dépassement.

Tu parles de catharsis, tu l’as déjà vécu en tant que spectateur ?

Oui, absolument ! Cela m'est déjà arrivé en tant que spectateur. Je ne peux pas te sortir un moment en particulier là maintenant, mais toute ta musique préférée est là pour toi, pour passer les bons et les mauvais moments. T’es impatient d’aller à un concert, et de vivre ce moment de live. Et c’est là que tu verras d’autres personnes vivre la même chose au même moment, c’est vraiment très puissant. Parfois je me dis qu’il n’y a plus grand-chose qui nous relie. Les êtres humains ont une tendance à se différencier les uns des autres et ensuite de former de petits groupes, le plus évident état autour de la politique. Mais il y en a autour de la voiture que tu conduis, de la couleur de tes cheveux et bien évidemment la couleur de ta peau, le racisme et toute cette merde. Je ne sais pas ce qui nous pousse à agir de la sorte, mais c’est bien d’un autre côté d’avoir quelque chose qui nous unit.

En termes de paroles et de concepts, y-a-t-il des endroits où tu n’iras jamais ?

On ne chantera probablement jamais à propos de dragons. Tu sais, on aime parler de choses vraies. Il n’y a rien de mal avec la fiction et s’échapper de la réalité, mais quand on monte sur scène, on veut ressentir le message que l’on fait passer. Je ne suis pas certain que cela serait possible si l’on chantait à propos des dragons.

Vous avez récemment travaillé avec des artistes de musique classique. Comment était cette expérience ? A-t-elle changé quoi que ce soit dans votre approche de la musique ou la composition ?

(Zlatoyar, le bassiste, prend la parole) : C’était une soirée vraiment spéciale. On a eu une vraie leçon sur des choses comme les harmonies classiques et les arrangements. Il y a eu une vraie belle touche en plus sur ces nouvelles versions des chansons, en semi acoustique. Avec les instruments à cordes, nous avons atteint une vibration différente tout en gardant notre touche Soen.

(Cody reprend la parole) On a travaillé avec des musiciens incroyables, vraiment le haut du panier. Quand on a cette session Atlantis (NDLR : le nom du studio), c’était juste cool d’être entre ces murs ! On a eu une journée pour préparer le matériel et répéter avec eux. On a revu quelques chansons, ça avait l’air génial, et le lendemain on s’est lancé. Pour chaque titre, on a pu faire une voire deux prises. Cela signifie que tu ne peux pas faire ce genre de choses à moins de travailler avec des pros exceptionnels.

(Zlatoyar) Et ce sentiment global... Quand tu es un groupe de cinq musiciens, c’est une chose de jouer du rock’n roll et un autre quand chaque note que tu joues a une importance, qu’elle rend la chanson un peu meilleure, que ton rôle a une grande importance et que tu dois être précis.

(Cody) Tu peux pas foirer, les conneries tu vas les entendre pendant ce genre de sessions ! (rires) C’était intense.

C’est une perspective différente, vous aimeriez le refaire ?

Carrément. Le concert Atlantis était une véritable expérience, même sans le pianiste supplémentaire. Etre dans ce studio reconnu pour enregistrer, c’était génial ! Le piano a été utilisé pour des disques de ABBA, chaque micro là dedans vaut plus que toute ma vie, c’est extraordinaire de simplement ressentir la vibration des lieux ! Donc j’adorerais le refaire même si, d'un autre côté, c'est certainement le fait que ce soit une expérience unique qui la rend aussi belle. C’était un défi, beaucoup de travail. On s’y est préparé, puis le Covid est arrivé, tout est parti en cacahuète. J’essayais de prendre un vol en direction de la Suède mais même les Suédois ne savaient pas que leurs frontières étaient fermées.

(Zlatoyar) Les règles changeaient tous les jours, je me préparais à partir d’Ukraine en direction de la Suède mais au moment d’arriver à l’aéroport, tout avait changé et je n’ai pas pu arriver. On avait déjà tout réservé, le vidéaste, le studio, la salle. Tout a été annulé. Mais un jour, par miracle, tout le monde était libre et on a pu le faire.

(Cody) Après l’annulation de la moitié de notre tournée à cause du Covid, on a appelé tout le monde et on leur a demandé : « vous êtes libres samedi ? » ; et miracle ! 18 personnes libres ce samedi-là, tout comme le studio, alors on s’est dit « oh bordel, on y va on se lance maintenant ». On était trop heureux de pouvoir le faire.

Quel défi de tout enregistrer en si peu de temps et sans délai ! A quels autres challenges aimeriez-vous vous confronter ?

Et bien, on va commencer une nouvelle tournée et on aimerait explorer de nouveaux endroits et de nouveaux marchés tout en réussisant à rentrer dans nos frais voire gagner de l’argent. Déjà, lorsqu'on a décidé de mettre en place notre tournée en Amérique Latine, on avait ce sentiment vraiment cool que ça allait pouvoir se réaliser. On aussi fait notre première tournée aux USA, on ne savait pas à quoi s’attendre mais c’était fantastique. Si tu es Américain et que tu lis ceci : merci ! Ils achètent un paquet de merch, ils te soutiennent à fond. C’est génial parce que tout est cher quand on va là-bas, les visas et tout le reste. Donc à ce point le prochain défi est d’aller en Asie et en Australie. On est d'ailleurs en discussion pour mettre en place une telle tournée. Ça va finir par se faire même si cela demande beaucoup de travail.

Le 1er septembre, vous organisez une soirée écoute de votre album, à quel point est-ce important de partager ce moment avec les fans ?

Je pense que c’est extra ! Si j’étais fan d'un groupe et que j’avais l'opportunité d’aller écouter le nouvel album avec eux, ce serait juste génial. C’est essentiel de proposer ce genre d’expérience aux fans et c'est tout aussi important pour le groupe. On ne savait pas trop à quoi s’attendre et lorsqu'on a lancé ce projet, on a reçu des messages enthouaistes du monde entier. Certains vont venir d’Amérique Latine pour écouter notre album en Suède ! C’est complétement dingue. Cela montre à quel point c’est important pour eux. On est hyper impatients, ça va être génial !

On va écouter l’album, et puis on va trainer ensemble, boire un coup et discuter. Même pendant nos rencontres avec les fans, on n’aime pas trop être assis à une table pour prendre une photo avec eux. On veut que ce soit très détendu. Et on aura du vin Soen ! On a fait une collaboration avec un société allemande qui se nomme Metal Wine. On était au Summer Breeze il y a deux jours, ils ont toujours un stand là-bas. C’est comme ça qu’on les a rencontrés il y a quelques années, et on a commencé un partenariat. Ils sont fans et nous suivent depuis. Et puis on s’est dit, pourquoi pas une collaboration ? On adore le vin, on est de gros buveurs de vin (rires). On l’a testé il y a deux jours et on en a fourré quelques bouteilles dans nos valises pour les ramener en Suède pour la soirée d’écoute.

Ah on me fait signe que le temps est écoulé. C’était cool de discuter avec vous et merci pour tout !

Avec plaisir, merci à toi et on se retrouve sur scène !

Mes remerciements à Cody, pour sa dispoibilité et sa gentillesse, à tout le groupe et à Angie de NRV Promotions.