Brutus : "On n'aurait jamais écrit Burst si on commençait maintenant"
Brutus
hell god baby damn no!
Quelques heures avant notre rencontre avec Spectral Wound, le Rock in Bourlon fut aussi l'occasion d'interviewer Brutus, la tête d'affiche du samedi. Presque un an après la sortie d'Unison Life, leur quatrième album, et quelques mois après une tournée européenne dont les dates parisiennes et bruxelloises furent vite sold-out, nous retrouvons le trio au complet : Stefanie (chant, batterie), Stijn (guitariste) et Peter (basse). Un grand merci à l'équipe du festival d'avoir rendu cette interview possible, au groupe pour sa disponibilité ainsi qu'à Moland Fengkov pour ses clichés.
Bonjour et merci de nous accorder un peu de votre temps, votre emploi du temps doit être chargé !
Stefanie : De rien, merci à vous !
Vous tournez beaucoup dernièrement, et je vous ai vus en quelques années évoluer de petit groupe en matinée au Hellfest à jouer en haut des affiches aujourd'hui. Vous avez rempli de grosses salles comme l'Ancienne Belgique [notre live report ici]... Comment vivez-vous ce développement rapide ? Comment cela s'est-il produit, d'après vous ?
Stefanie : J'ai l'impression qu'on essaye de ne pas penser à comment c'est arrivé, mais nous sommes très reconnaissants, donc... Je me rends compte que les salles deviennent plus grandes, mais nous essayons juste de garder notre focus, tu sais, de donner de bons concerts, et chaque petite date est aussi importante qu'une grosse. C'est ce qu'on a toujours fait. Dès le début, peu importe la taille, ça n'avait pas d'importance. Dès le premier album jusqu'au dernier, ça a immédiatement été sérieux pour nous. Bien sûr, il y avait notre amitié et c'était fun, mais dès qu'on est entré dans le studio pour la première démo, tout à coup tout le monde est devenu très sérieux. Avant, c'était un peu « Haha, c'est fun ! », mais nos discussions, elles étaient très sérieuses.
Peter : On ne pense pas vraiment à la taille. Je sais que c'est comme ça, je le sens parce qu'on a eu besoin de prendre quelqu'un pour la lumière, qu'on joue plus tard et qu'il y a plus de gens devant la scène, mais on n'en parle jamais, genre : « Oh, c'est plus grand ! ». On essaye de faire un bon show à chaque fois.
Vous remarquez des différences entre la France et la Belgique ? Je suis Française et lorsqu'on parle de Brutus avec mes amis belges, j'ai l'impression qu'on parle presque d'un groupe différent, que la hype est plus grosse depuis plus longtemps chez vous alors que juste de l'autre côté de la frontière, vous commencez à grossir, mais c'est loin d'être comparable. Avez-vous un ressenti similaire ?
Stefanie : La Belgique est petite, tout d'abord. Mais oui, bien sûr... Ah, je ne sais pas. Plus on vieillit et moins je ressens de différence, tout du moins pour moi.
Peter : On a joué plus longtemps en Belgique, et maintenant on joue en France. Tout ce qu'on essaye de faire c'est d'avoir le même développement en France, en Allemagne, au Danemark ou au Royaume-Uni que ce qu'on a fait en Belgique. C'est... On a joué deux ans en Belgique avant de jouer pour la première fois en France, donc je suppose que la Belgique a deux ans d'avance sur les autres pays [rires], donc on essaye de refaire tout le travail fait en Belgique dans les autres pays.
D'ailleurs, vous revenez tout juste des États-Unis, non ? Avec Converge ?
Stijn : On a fait des festivals, c'était super bien, et on a fini le tour avec un show en tête d'affiche à New York donc c'était vraiment cool, dans une belle salle.
Peter : Et Converge, ils sont super. Des gars géniaux, avec tellement d'expérience, c'est un peu comme être en tournée avec ton grand-oncle ou un truc dans le genre, ils sont sages, ils ont tout fait, ils ont tout vu, et ils sont... très naturels. Et Russian Circles aussi, certains groupes sont... Un peu comme Gandalf du Seigneur des Anneaux, avec beaucoup de sagesse. Être avec eux, tu te sais tout de suite en confiance parce qu'ils savent ce qu'il se passe. Quand tu es dans un nouveau pays comme les US, ça fait du bien d'être avec des groupes comme ça.
Stijn : Ils sont aussi très humbles, ce qui est bien.
Peter : Le premier concert, on était vraiment stressés et le bassiste est rentré dans notre loge cinq minutes avant qu'on ne monte sur scène pour nous dire « Salut les gars, ça va ? Vous avez passé une bonne journée ? » Ça fait du bien.
Pour parler un peu plus de musique, et en particulier du dernier album, Unison Life [La chronique de Dolorès est ici] : j'ai l'impression que vous mettez quelque peu de côté vos influences punk et hardcore pour vous concentrer sur des éléments plus pop. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça ? Avez-vous l'impression de consciemment vouloir amener votre musique dans une direction ou une autre ?
Stefanie : Je pense qu'on vieillit [rires], et à cet âge, je pense qu'on n'aurait jamais écrit Burst si on commençait maintenant... Bon, je peux juste parler pour moi.
Peter : Moi je l'aurais fait.
Stefanie : Mais je pense qu'on a vieilli à tout point de vue. Après, pour moi, c'est peut-être plus punk que Burst d'une certaine manière, parce que c'est plus... C'est ce qu'on fait sans imaginer ce que personne d'autre à part nous trois ne penserait de notre musique. Et je pense que c'est plus punk de notre part d'être honnête, ou de jouer un riff pop, au lieu de « Je veux jouer un riff lourd et fort parce que c'est lourd ». Pour moi, le punk, c'est dans l'attitude, pas dans le fait de jouer fort, dans les riffs ou dans la batterie.
En parlant d'honnêteté, tes textes sur Unison Life sont beaucoup plus personnels que ce que tu écrivais avant. Comment tu te sens de t'ouvrir sur tes ressentis plus personnels ?
Stefanie : Je me sens plus en adéquation parce que comme ça tu n'as pas à mentir. Je sais pas, c'est plus facile, mais je dois avouer que tu te sens aussi plus exposée. Ça me prend plus de temps de me décider à écrire à nouveau de la musique. Nous avons tellement donné dans cet album. Avant, on prenait la musique au sérieux et tout venait de notre cœur, mais pas tant les textes. Je n'ai jamais été intéressée par la poésie, ou pensé que je deviendrai chanteuse. Maintenant, les choses ont évolué et la balance est devenue équilibrée : la musique a toujours été honnête, et les textes sont désormais au même niveau. Pour moi en tout cas, vous pouvez me corriger si j'ai faux.
Peter and Stijn acquiescent.
Stefanie : Donc oui, c'est mieux maintenant.
Comment as-tu décidé de chanter, alors ?
Stefanie : C'est une histoire qu'on me demande toujours de raconter. Normalement, on aurait dû chercher quelqu'un au chant, mais on avait déjà bien répété juste nous trois et au bout d'un moment, un an, Stijn m'a donné un micro et m'a dit « tu peux faire des backing vocals ». J'étais là : « Ouais, mais on n'a pas de chanteuse, pourquoi je ferais ça ? ». On a commencé avec des bruits et des notes au hasard, puis au bout d'un moment Peter et Stijn m'ont dit « Ok, on va être honnêtes, on ne veut pas trouver quelqu'un d'autre au chant, on pense que tu devrais le faire ». C'était compliqué au début, mais maintenant c'est comme ça.
Stijn : On est très contents que ça se soit passé comme ça.
Stefanie : Je n'aurais jamais imaginé que ça soit comme ça. Jamais.
On est contents aussi en tout cas, ça a vraiment donné à Brutus sa propre identité, ton style de chant est assez unique.
Stefanie : Merci.
Le temps est bientôt écoulé, mais avant de conclure, je voulais vous demander ce que vous écoutiez en ce moment, si vous avez par exemple des recommandations pour vos fans ?
Stefanie : J'ai une recommandation... elle cherche sur son téléphone
Stijn : Pour moi la dernière chose que j'ai écoutée dans le van, c'est un groupe appelé Lone Wolf, des Pays-Bas. Je les ai découverts il y a juste quelques jours et j'ai vraiment bien aimé le dernier album, c'est cool.
Stefanie : Alors. Récemment, j'ai découvert une nouvelle artiste et il y a un morceau que j'écoute en boucle. Elle s'appelle Zanias, le morceau s'appelle « Burial ». C'est un peu comme si les Cocteau Twins vivaient dans les 80s mais avaient du matériel du XXIe siècle.
D'accord ! C'est intriguant.
Stefanie : Oui, la chanteuse a un style de chant assez unique. C'est le genre de chose que tu adores ou que tu détestes. C'est pour ça que ça m'a attiré. Chaque ligne de chant sort un peu de nulle part. D'habitude, tu peux prédire un peu quelles notes les gens vont chanter, mais avec elle ça part de là et ensuite par ici, puis à l'envers... Voilà. Et le nouvel album de Sigur Rós est super bien.
Oui, je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter...
Stefanie : J'écoute le premier morceau en boucle, en boucle toute la semaine.
Peter : Hmm, je regarde sur mon téléphone...
Ne t'inquiète pas, ce n'est pas un exercice obligatoire.
Peter : J'écoute beaucoup de hardcore old school. Ma copine m'a amené à un concert la semaine dernière, Down to Concrete, et bientôt As Friends Rust qui recommence à tourner, ça fait 20 ans qu'ils l'ont plus fait. Le hardcore revient beaucoup grâce à Turnstile. Tout à coup, ils ouvrent une porte et tous les groupes passent par là, même de vieux groupes old school qui n'ont pas tourné depuis 20 ans. C'est cool d'aller à ces concerts. Ça fait drôle. Il y a aussi un groupe, Incendiary. En gros, tous les vieux groupes sonnent un peu "crappy" parce qu'ils sont de 98, mais ces gars sonnent moderne. Mais c'est juste une phase, je sais que dans deux semaines j'en aurai marre et j'écouterai autre chose.
Je peux comprendre, j'ai besoin de varier vite.
Peter : Oui, je fais beaucoup ça.
On arrive à la fin de notre temps... Quelques derniers mots pour vos fans français ?
Stefanie : Merci pour toutes les opportunités de jouer en festival et en salle, on a été sold-out sur toute la tournée, on est super contents. Oh, et votre cuisine est merveilleuse ! [rires]
Peter : On a envie de jouer en France, c'est pas loin donc c'est facilement faisable.