Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Jouant dans un espace musical dont les bases ont été posées il y a maintenant près de trente ans, un espace restreint mais au possibilités potentiellement infinies, un espace reconnaissable entre mille, Meshuggah n'a plus besoin d'être présenté. Que l'on accède ou non au plaisir d'être malmené par leur musique, il est incontestable que les Suédois ont marqué le paysage des musiques extrêmes d'une empreinte indélébile. Et ce sans aucun faux-pas dans leur carrière - ou presque.
Ecrire ce "ou presque" me déchire. Rien de plus désagréable que de devoir dire du mal d'un groupe que l'on respecte depuis la première rencontre. Chaque nouvelle sortie de Meshuggah proposait une musique presque convenue si l'on connaissait déjà l'univers du groupe mais néanmoins avec toujours une approche légèrement différente. Avec Immutable, pour la première fois de sa carrière, Meshuggah ne propose rien de plus qu'un album de Meshuggah. C'est-à-dire que tout ce que le groupe a déjà fait auparavant se retrouve dans cet album, mais sans cette touche inexprimable qui donnait leur saveur particulière aux opus précédents. Froide et calculatoire, la musique de Meshuggah l'a toujours été, mais il se dégage d'Immutable une distance totale par rapport à l'émotion. Là où l'aspect mécanique et désincarné du son et des compositions pouvait permettre de ressentir, par un biais certes étrange, la trivialité de la condition humaine, ce nouvel album n'offre qu'une suite de riffs alambiqués et de ryhtmiques à l'ordonnancement complexe. Ou presque.
Parce que, malgré tout, Immutable contient quelques excellents morceaux. Phantoms, par exemple, parvient à faire naître ce groove incompréhesible qui fait toute la force de Meshuggah, mais il faut, pour parvenir à ce titre, attendre quatre morceaux. Quatre morceaux où l'on cherche desespérément cet indicible qui faisait de Meshuggah un groupe clivant : vénération ou détestation, pas d'entre deux. Et sans cet indicible qui parlait aux adeptes, il ne reste presque que ce que les hérétiques ont toujours critiqué : une musique sans âme, répétitive, de la pure rythmique sans émotion. Il y a une terrible impression de redite qui parcourt Immutable d'un bout à l'autre et le chroniqueur zélé (et chiant à lire) pourrait vous dire que tel riff de tel titre est pompé sur celui d'un autre morceau. D'ailleurs, plus encore que dans les riffs, ce sont les soli de guitares qui à chaque fois me font me dire que j'ai déjà entendu ça avant.
Immutable n'est pas mal composé, avec leur niveau d'exigence technique les membres du groupe seraient de toute manière incapables de faire ça. Il ne donne simplement aucun matière à ressentir, aucune accroche. Il se déroule, mécaniquement, inlassablement, invariablement. Les quelques bons titres ne permettent pas de sortir de la torpeur de l'écoute distraite qui vient fatalement au bout de quelques morceaux, interrompue ça et là lorsque quelque chose se passe enfin - se sent enfin. Par une triste ironie prophétique, Thomas Haake et ses compères seraient-ils devenus les machines dont ils nous ont toujours dit de nous méfier ?
Tracklist de Immutable :
01.Broken Cog
02.The Abysmal Eye
03.Light the Shortening Fuse
04.Phantoms
05.Ligature Marks
06.God He Sees in Mirrors
07.They Move Below
08.Kaleidoscope
09.Black Cathedral
10.I Am That Thirst
11.The Faultless
12.Armies of the Preposterous
13.Past Tense