Rubrique nécro #3 - Fractal Universe, Inferi, Brodequin, Drawn And Quartered...
jeudi 25 novembre 2021Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Ça y est : les journées courtes, le froid, la neige et le petit vent glacial qui vous saisit dès le premier pas dehors sont de retour ! Assurément la meilleure période de l'année dirons certains ; les autres vous assèneront que cette période est déprimante à souhait. Quelle que soit votre appétance pour le froid et la nuit, et votre état d'esprit, vous saurez apprécier la sélection d'albums de Death Metal que nous vous avons concoctée ci-dessous. A écouter au coin du feu, devant votre ordinateur, dans les transports en commun ou lors d'une balade en forêt. Chez Horns Up, on sait prendre soin de vous. Bonne lecture à tous et à toutes !
200 Stab Wounds – Slave to the Scalpel
Brutal slam death – USA (Maggot Stomp)
Pingouin : Difficile de croire que ce n’est que le premier album de 200 Stab Wounds. Après un EP réussi quoiqu’un poil brouillon en 2020 (Piles of Festering Decomposition), le quatuor de l’Ohio a sorti son premier album le 12 novembre. C’est chez Maggot Stomp, et c’est un coup de maître.
La production est à des lieues de Piles of Festering Decomposition. La basse ronflante d’Ezra Cook trouve parfaitement sa place dans le mix, ce qui permet des variations de rythme tout au long de l’album. On retrouve du Autopsy, du Obituary, de petits licks mélodiques à la Carcass et des blast-beats de nigauds. Sans oublier la traditionnelle nappe de synthé avec des gargouillis derrière ("Phallic Filth"). Une vraie petite leçon de slam.
Au-delà de toutes ses influences, 200 Stab Wounds impose son style avec sérieux et méchanceté. Un death metal cradingue dans ses thèmes, mais jamais grossier grâce à une production impeccable. Slave to the Scalpel est maîtrisé de bout en bout, pas moyen de mettre l’album sur pause.
Une excellente sortie de plus pour le death américain ces derniers temps. Et notamment pour l’écurie Maggot Stomp, qui nous a déjà offert de superbes albums en 2021, à commencer par Fulci et Undeath.
Night Crowned – Hädanfärd
Death (Black) metal mélodique – Suède (Noble Demon)
Michaël : Night Crowned est un jeune groupe suédois tout droit venu de Göteborg (surprise!). Jeune, mais malgré tout déjà relativement productif avec un EP sorti en 2018 (Humanity Will Echo Out) et un premier opus remarqué et salué par la critique sorti en 2020 (Impius Viam). Si je n'avais prêté qu'une oreille discrète au groupe jusque lors, ce Hädanfärd m'a mis une sacrée gifle. Le groupe y distille un Death mélodique - confinant au Black - riche, prenant, planant et violent comme il faut.
Si le précédent opus était déjà de très bonne facture, le groupe a manifestement apporté un soin supplémentaire sur les compositions, les ambiances et la production. Night Crowned s'est forgé un son puissant et distinctif, lequel sert à merveille ce subtil mélange d'envolées mélodiques (fast picking, leads, mélodies, orchestrations) avec des éléments assumés de Black (aspect blackisant provenant de la voix et des ambiances, essentiellement). Un album qui ne révolutionnera probablement pas le genre mais qui saura ravir ceux qui aiment les inspirations old school avec des productions plus modernes et massives. Assurément un des albums à écouter en cette deuxième partie d'année.
Fractal Universe – The Impassable Horizon
Death progressif/technique – France (Metal Blade Records)
ZSK : Quel sacré chemin parcouru par les Lorrains de Fractal Universe. Seulement six ans après leur premier EP Boundaries Of Reality, voilà qu’ils sortent un deuxième album de rang chez le monstre américain qu’est Metal Blade. La fierté de la Lorraine ? On peut le dire, tant dès Engram Of Decline (2017), le groupe a su livrer un Death technico-progressif de grande qualité, nous faisant rapidement sécher nos larmes coulées après le split de Slatsher (dont Fractal Universe partage l’héritage avec Sphæra). Rhizomes Of Insanity (2019), premier album à sortir chez Metal Blade donc, montrait déjà les perspectives d’évolution du quatuor, qui essayait de se personnaliser en marge du petit Obscura illustré. Et The Impassable Horizon va enfoncer le clou.
Fractal Universe va donc faire bouger le curseur vers encore plus de Progressif. Même si le fonds de commerce reste un Death-Metal technique très léché. Mais The Impassable Horizon reprend les particularités de Rhizomes Of Insanity et les pousse encore plus. Plus de chants clairs, plus de saxophone aussi. Cela nous donne un album encore plus aéré que Rhizomes Of Insanity ne pouvait l’être. Fractal Universe conserve malgré tout son efficacité, il ne devient pas plus « progressif » pour faire des morceaux à tiroirs de 13 minutes et reste à l’essentiel pour plus d’accroches. A l’image d’un très remuant "Withering Snowdrops" par exemple. Mais Fractal Universe sait aussi faire des tubes plus doux, dès le début sur "Autopoeisis" et surtout sur le fabuleux "Interfering Spherical Scenes", morceau très mélodique et enlevé mais malgré tout dynamique, et porté par un excellent chant clair.
Il n’y aura malgré tout pas de réelle surprise, juste des équilibrages un peu différents par rapport à Rhizomes Of Insanity, album qui se bonifie avec le temps d’ailleurs. Fractal Universe ne fait ni mieux ni moins bon que son précédent opus, attention au plafond de verre mais la qualité est bien au rendez-vous et la personnalité s’affirme par rapport à Obscura et consorts. Avec ses artworks et ses thèmes particuliers, Fractal Universe arrive bien à se démarquer, même parmi la très florissante offre de Death technique & progressif du monde entier. The Impassable Horizon n’est peut-être pas un album parfait, avec des morceaux moins marquants que d’autres, mais Fractal Universe se doit de figurer dans la discographie de tout amateur de Death prog qui se respecte. Tout comme son prédécesseur, voilà donc un bel album bien fignolé de la part des Lorrains.
Brodequin – Perpetuation of Suffering
Brutal Death – USA (Unmatched Brutality)
Sleap : Depuis sa reformation live en 2015, Brodequin, autrefois réputé comme le groupe de Death le plus brutal de la planète, n’avait pas spécialement pour projet de se remettre à composer. Il faut dire qu’un nouvel inconvénient majeur se posait : le très grave problème de dos du fameux batteur Jon Engman. En effet, le mercenaire du BDM US ne pouvait plus assurer ce poste autrement que via « drum programming ». C’est donc accompagnés d’un nouveau venu mais également d’un second guitariste que les frères Bailey mettent en boite ce nouvel EP de Brodequin intitulé Perpetuation of Suffering. Et ma foi, ce titre convient parfaitement au contenu : la formule reste la même qu’il y a 20 ans, pour le plus grand plaisir des fans !
Un Brutal Death jusqu’au-boutiste dont le mur de blasts ne casse qu’à de très rares instants. Bien que les plus die hards puissent regretter le jeu d’Engman, son remplaçant (d’à peine 24 ans !) s’en tire très bien. Les « gurgling vocals » de l’immense Jamie Bailey n’ont rien perdu de leur monstruosité et se superposent toujours à merveille aux riffs drop D de son frère Mike. Malgré mon amour pour Brodequin, je n’attendais plus grand-chose de la part du groupe en studio. Eh bien je dois dire que ce modeste deux-titres me remet finalement l’eau à la bouche. Quel plaisir de retrouver cette saveur Brutal Death US de l’âge d’or du genre ! Si le désormais quatuor pouvait enchainer sur un full-length ce serait une véritable aubaine pour cette scène BDM devenue ultra moderne et technique à l’excès. On croise les doigts…
Ophidian I – Desolate
Tech Shred Death – Islande (Season of Mist)
Storyteller : A chacun sa définition du Death Tech, Ophidian I ont pris le parti d’envoyer du shred à tout va. Le groupe vient d’Islande et sort son deuxième album, le premier datant de 2012. Desolate a connu un succès franc et immédiat chez les fans du genre cet été et il a ainsi assuré son entrée dans de nombreux tops des sorties estivales, voire de l’année. Dix titres, quarante minutes, pas le temps de niaiser. Ici ça tape fort et ça va vite. Mais surtout ça joue drôlement bien et avec une dose de technique à faire pâlir les princes du néoclassique et autres adeptes de l’onanisme guitaristique. Certains y reconnaîtront le dynamisme dans le jeu des Néerlandais de Detonation. Il y a un petit je-ne-sais-quoi dans la façon de jouer les riffs qui m’a renvoyé à ma nostalgie de ce groupe.
Il n’a pas de véritable esprit progressif que l’on rencontre parfois chez les partisans du Death technique. Tout est centré sur la guitare. Et ce qu’ils font de plus original, c’est de trouver un gimmick par titre. Vous pourrez reconnaître chacun d’entre eux, non pas par les mélodies globales ou la construction mais par un détail, un riff qui rend la chanson unique. Et c’est une façon de composer qui marque et rend cet album particulier. Mais la virtuosité ne tient pas qu’en quelques notes : des parties instrumentales subliment des morceaux d’une brutalité froide et extrême comme "Sequential Descent". En dehors de ça, si vous aimez les blasts, vous allez être servis. Ils sont intenses et surtout présents à tous les niveaux. Mais aussi des parties thrash comme sur "Dominion Eyes" ou heavy comme sur "Unfurling the Crescent Moon". Mais à tout moment, vous serez rattrapés par la vague de blasts. Il faut être prévenu tant on se sent parfois pris dans le maelstrom qui peut ajouter une touche de confusion à la musique et à l’appréhension globale des chansons. En gros, parfois, on ne sait plus où on en est.
Mais Desolate reste un superbe album. On est emportés, bousculés et surtout les mélodies et cette incroyable technique servie par un son très agressif est une carte majeure que Ophidian I sait jouer à la perfection.
Inferi – Vile Genesis
Death technique / mélodique – USA (The Artisan Era)
Michaël : Cela fait désormais un paquet d'années que je suis attentivement les américains d'Inferi. Il faut dire que le Death Metal technique est un genre qui a vu fleurir un nombre incalculable de groupes mais dont peu ont su durer et, surtout, dont peu n'ont pas succombé à la volonté du "toujours plus" (toujours plus rapide, toujours plus technique, etc.). Or, Inferi a toujours su se garder de ces écueils. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : la musique du groupe demeure très technique et les qualités individuelles des musiciens sont largement mises en avant ; parfois un petit peu trop. Mais Inferi n'a jamais sombré dans la bouillie de notes dans le seul but de vouloir paraître plus badass que les autres. S'en suit, un résultat en règle générale particulièrement réussi.
Et cet album, qui est une déferlente de bonnes idées et de bons riffs, ne dérogera pas à la règle. Dès les premières notes de No gods but our flesh, on sait que l'on va en avoir pour son argent. Le titre alterne puissance et envolées guitaristiques parfaitement maîtrisées. A la vérité, tout l'album marche sur cette ligne fine : ni trop mélodique, ni trop bas du front, ni trop démonstratif. L'équilibre y est excellent. Et ce n'est certainement pas le titre Mesmeric Horror (dont le clip est reproduit ci-dessous) qui me donnera tort (les passages à 2 minutes et 4 minutes 40 étant absoluement délicieux).
En somme, si la surprise reçue en 2014 lors de la première écoute de The Path of Apotheosis n'est peut-être plus là, je constate avec grand plaisir que le groupe est toujours aussi inspiré, puissant et tout simplement brillant. La maturité des compositions du reste incontestable, tout comme la qualité de la production. Un de mes albums de l'année, sans conteste.
Drawn And Quartered – Congregation Pestilence
Death Metal – USA (Krucyator Productions)
ZSK : Trois ans après The One Who Lurks, revoilà les Américains de Drawn And Quartered, second couteau éternel de la scène même si certains de ses efforts n’ont rien à envier à la trinité Immolation - Incantation - Morbid Angel dont il se rapproche sensiblement. Revoilà donc la formation non pas de Floride mais de Seattle, terre de Grunge s’il en est, pour ce qui est tout de même son 8ème album. Et s’il n’a jamais déçu, le groupe n’a jamais non plus sorti d’album de référence malgré la qualité d’un Return Of The Black Death (2004) pour ne citer que lui. Mais bien qu’arrivé après la guerre (premier album en 1999), Drawn And Quartered est toujours là et ne rend pas les armes, bien au contraire.
Et si depuis un certain nombre d’albums, Drawn And Quartered a penché vers plus de lourdeur, il a toujours su rester brutal et Congregation Pestilence va le montrer. Suivant un excellent et varié The One Who Lurks, Congregation Pestilence va rappuyer un tantinet sur l’accélérateur. Toujours aussi dark et terreux, avec une production puissante mais traditionnelle (peut-être une de ses meilleures ici d’ailleurs), accompagné de la grosse voix de Herb Burke et des leads infernaux de Kelley Kuciemba, Drawn And Quartered nous livre son album le plus expéditif depuis un bon moment. Si des ralentissements bien lourds se font évidemment entendre, pour le reste Drawn And Quartered y va à fond et nous livre quelque chose d’assez monstrueux en termes de Death-Metal US.
A l’image d’ailleurs d’un "Proliferation of Disease", incroyable morceau aux riffs et aux blasts absolument terrassants. Congregation Pestilence se présente dès les premières écoutes comme une bonne grosse mandale de Death US des familles. Sans surprendre à aucun moment, mais pour qui cherchait un Death caverneux qui ne fait pas les choses à moitié, Drawn And Quartered donne encore de quoi faire. Leur meilleur album, ou au moins un de leurs meilleurs opus ? Pas tout à fait car à vrai dire Congregation Pestilence s’essouffle un peu sur la fin, faisant preuve de redondance et se terminant sur des pistes anecdotiques. Un peu dommage, mais l’ensemble fait toujours le job. The One Who Lurks reste au-dessus mais Drawn And Quartered arrive toujours à briller, avec ici une efficacité revue à la hausse. Et une pochette un peu moins moche que d’habitude (quoique…).
Sallow Moth – Stasis Cocoon
Death Metal progressif – USA (Autoproduction)
ZSK : Peut-être que les amateurs de jeux vidéo rétro sont déjà tombés sur Cara Neir et Gonemage, deux projets plutôt expérimentaux. Leur tête pensante Garry Brents, Californien résidant au Texas, va investir notre modeste rubrique avec un troisième projet répondant au nom de Sallow Moth. Point de Metal très expérimental ici, quoiqu’un peu quand même, ce projet existant depuis 2016 et comptant à son actif trois EPs et deux albums possédant un concept science-fictionnel assez poussé pour ceux qui voudront s’y intéresser. Mais musicalement, on est dans un Death-Metal bien plus classique. Quoique, là aussi… Sallow Moth sort un peu des clous mais tout en trouvant un équilibre parfait.
Pour ce deuxième full-length (bien que relativement court, 32 minutes) nommé Stasis Cocoon, on part sur un Death-Metal multi-cartes, à la fois brutal et aéré, ni foncièrement old-school ni réellement moderne, tout autant direct que travaillé. Entre des influences qui peuvent aller du Techno-Death d’antan jusqu’aux aspirations progressives de pas mal de groupes contemporains, Sallow Moth trouve bien sa place. Stasis Cocoon démarre pourtant de manière punchy avec le très remuant "Chalice of the Void". Mais dès que les morceaux s’allongent, notamment en seconde partie de disque, les instrumentations varient, une ambiance plus astrale se met en place, et Sallow Moth dévoile la totalité de son jeu avec réussite.
Totalement autoproduit mais bien produit, avec un son bien organique et rugueux mais suffisamment puissant, Stasis Cocoon convainc sur le fond comme sur la forme et confirme les dispositions du projet déjà entrevues sur l’album The Larval Hope (2020) et l’EP 2-titres Arcane Treachery (2020 aussi). Avec une magnifique pochette qui attirera forcément l’œil, Sallow Moth se fait ici bien remarquer, dans un Death-Metal un minimum progressif peut-être un peu classique dans ses influences mais très maîtrisé, loin d’un side-project bas de gamme. Une bonne découverte à faire, pour un Death-Metal brassant suffisamment large pour plaire à tout le monde, amateurs d’efficacité comme de technique avec un chouïa d’ambiances originales. Sympathique !
Void Witch – Void Witch 2021 Demo
Doom death – USA (Autoproduction)
Pingouin : Je me souviens quand en 2015 je suis tombé sur le premier EP de Blood Incantation. La hype est montée si vite, et la carrière incroyable du groupe de Denver depuis ne fait que confirmer cet instinct. Je ressens un peu la même chose avec cette première démo de Void Witch, et j’espère ne pas me tromper.
Void Witch, collectif de death metal d’Austin, Texas. On en sait pas plus, mis à part que les 4 filous qui composent le groupe sont doués pour faire du doom death de haute volée. Une démo, deux tracks, des références à Katatonia, Hooded Menace, un poil de scène suédoise. On retrouve une touche war metal cacophonique sur "Asphyxiation Ritual", qui rappelle un peu la prouesse récente d’Endless Wound.
De jolis arpèges avant un break à la finlandaise (Profetus ou Tyranny, c’est au choix). Et voilà l’alchimie Void Witch en place : de grosses phases mélodiques parfois épiques, parfois plus dissonantes. Avec un côté presque lyrique, quand la guitare lead accompagne le chant guttural sur "My Coffin Overfloweth".
Je souhaite à Void Witch le meilleur pour la suite, car c’est le genre de démo qui à défaut de lancer une carrière, vous adjuge au moins un fan fidèle pour longtemps.