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« On peut s'affranchir du monde pour se mettre à l'écoute de la voix de ses pulsions intérieures, issue de notre nature animale, non seulement liée à notre espèce, mais aussi à notre propre unicité. »
Abraham Maslow
A l’intérieur même du chaos sonore venant d’être créé, le dieu serpent explose et dévore le soleil…la noirceur s’empare du monde, la destruction a laissé place aux ténèbres…la guerre se termine, laissant derrière elle un champ de ruines, laissant présager plus de nuits encore.
La vie est un cycle…le cycle se veut circulaire…la circularité non linéaire…mais possédant l’idée de boucle. Et si une boucle venait aujourd’hui de se fermer…un cycle se termine…un autre est déjà prêt à envahir les pages vierges de la création…
Cet aboutissement, non pas d’un point de vue créatif, mais conceptuel, se nomme "Above". Samael, après vingt deux années de carrière, peut probablement se targuer d’avoir atteint un seuil de maturité artistique rare et surtout une éthique inattaquable depuis ses débuts. Sur le seuil de sa naissance, du haut d’un black metal qui cherchait déjà des solutions pour ne pas inexorablement se mordre la queue, les suisses livrèrent un "Ceremony of Opposites" qui alliait la froideur du black et de l’univers spatial délivré par des claviers ainsi qu’un filament non négligeable d’une lumière lointaine. L’heure de "Passage", "Eternal" et "Reign of Light" fut celui d’un long voyage vers les profondeurs stellaires d’un vide sidéral en terme de ressenti, d’un sentiment glaçant de plonger dans les strates les plus profondes de la galaxie…les guitares s’effaçant au profit de claviers de plus en plus présent, pour finalement devenir unique moyen d’expression sur un "Era One" des plus expérimental, occultant la guitare au profit d’un appel cybernétique à l’Orient.
"Solar Soul" marquait la fin d’un cycle…ou du moins voulait-il le faire en tentant de réunir les différentes facettes du quatuor suisses qui semblait avoir touché à tout dans sa féconde carrière. Malheureusement boursouflé par une trop grande envie de compiler ses idées, l’album souffre d’une forte incohérence dans son propos et, malgré le retour d’une production écrasante, s’essouffle dans la recherche vaine de proposer un paysage différent d’un morceau à l’autre, délivrant une perle clairsemée dans un désert de conformité chez ce géant d’avant-gardisme.
Là où "Solar Soul" aurait pu (dû ?) être le point de départ d’une nouvelle ère, c’est finalement "Above" qui remplira ce rôle laissé vacant. Si l’on occulte ce dernier ("Solar Soul"), "Above" s’exprime comme le parfait oxymore artistique d’"Era One" et "Reign of Light". Il est le retour à l’agression primaire et la violence bestiale, sans pour autant se fourvoyer de l’appellation d’un retour aux sources stérile et sans gloire. Ne cherchant pas à retrouver la négativité de la jeunesse, Samael tisse la toile d’un monde haché et anéanti par la haine et la furie, la brutalité et la démence, se jouant des conventions pour créer un monstre féroce et impitoyable qui ne relâchera désormais plus sa proie. "Above" est sauvage et définitivement brutal…
Black metal ? Pas forcément…Extrême ? Inévitablement…
Une nouvelle fois en dehors de quelconque étiquette, les suisses surprennent avec ce virage que personne n’attendant, se plongeant dans les méandres d’un chaos qu’il se plaisait à conter désormais de manière contemplative et non plus active. A l’instar d’un visuel shamanique mais d’un livret belliqueux et emplis de symboles (magnifique imagerie visuelle…), l’album ne relâche jamais une pression et une tension qu’il installe dès la première seconde. "Under One Flag" débute de manière brutale et intense, les guitares sont tranchantes, écrasantes, imposantes, scarificatrices, les claviers en retrait, la batterie n’est qu’un déchainement ininterrompu de double pédale et de blast intensif et synthétique (dans le sens positif du terme), créant une sensation de schizophrénie très rapidement…et ce chant…Vorph se montre plus intense et noir qu’il ne l’a été depuis des années. Volontairement mise en retrait dans un mix très brut mais laissant beaucoup de place aux machines, la voix de Vorph se veut comme la vision d’un dieu vengeur délivrant son courroux sur une humanité en berne. Oubliant les narrations ou les mélodies vocales, elle n’est que vocifération et hurlement pour une ouverture jouissive car, en plus d’être brutale, complètement innovante. Si "Reign of Light" brillait par son minimalisme et son introspection, "Above" est une mine d’idées. "Virtual War" continu de surprendre à travers des samples glacials et surtout un chorus monstrueux en superposition d’un blast qui ne s’arrête presque pas du morceau (Xy se montre plus métronomique qu’une machine…), ainsi qu’une ligne vocale d’une noirceur malsaine, mais étrangement lointaine. L’auditeur ne plonge pas directement dans le chaos…l’univers ne l’enveloppe pas, il n’est pas acteur…le son fait en sorte de le rendre spectateur de sa propre détresse, impuissant…immobile…
Immobile face à la noirceur d’un "Dark Side" qui, s’il s’ouvre sur un riff plus traditionnel, s’engouffre ensuite dans les atmosphères les plus tourmentées du disque, emplis de noirceur, particulièrement lorsque ce riff tournoyant et cisaillant se décuple pour laisser entrer les claviers si typique du groupe tandis que Vorph hurle « The Dark Side » en faisant traverser un frisson d’effroi dans notre échine. "Polygames", quand à lui, se révèlera la composition la plus aliénante et brutale jamais écrite par le groupe, broyant l’esprit de l’auditeur en miettes, Vorph y étant plus dogmatique et dominateur que jamais, impressionnant de férocité et d’inhumanité.
Oui Above n’est plus humain…"Above" est ailleurs. S’il n’est pas nécessairement au dessus, il est une autre faction d’un groupe qui n’ira jamais dans le sens de la route qu’il fonde. "Earth Country", dans cette optique, offre une certaine vision de l’avenir, entre l’album présent et la probable voie à suivre, pour l’un des meilleurs morceaux du disque, tout comme un "In There" au penchant un brin atmosphérique.
Un cycle se termine…celui d’"Above". Samael vient de prouver une nouvelle fois que chacun de ses opus possédait sa propre logique et son propre cycle…et si nous avons avec celui-ci l’intime sensation d’avoir touché au dernier élément qu’il pouvait encore oser maitriser (la brutalité pure et simple), l’avenir nous donnera certainement tort une nouvelle fois. Une chose est sure, après des albums marquants par leur caractère unique et novateur, puis un disque décevant par son manque de prise de risque, les suisses reviennent à leurs propres fondamentaux. Ceux d’ouvrir la voie vers un futur toujours aussi obscur…le monde n’est plus qu’un tas de friches…c’est sur ces ruines encore fumantes, qu’il faudra créer une nouvelle exploration musicale…
1. Under One Flag
2. Virtual War
3. Polygames
4. Earth Country
5. Illumination
6. Black Hole
7. In There
8. Dark Side
9. God’s Snake
10. On the Top of It All