Ufomammut + Baron Crâne @ Petit Bain
Petit Bain - Paris
Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Après avoir sorti une box regroupant l'ensemble de ses huit albums (avec un petit EP bonus regroupant des versions alternatives d'anciens titres), Ufomammut continue de célébrer ses vingt ans avec une tournée anniversaire. Le groupe ayant pris l'habitude de jouer son dernier album en intégralité lors des précédentes tournées, voici donc l'occasion de se reprendre quelques anciens morceaux dans les esgourdes, ce qui, vu la qualité constante des productions du groupe, ne peut être que plaisant.
Avant la montée sur les planches du pachyderme cosmique, c'est Baron Crâne qui investit la scène. Trio instrumental situé quelque part entre rock prog et metal prog, le combo parisien est tout simplement excellent. Je découvre leur musique ce soir et c'est une véritable très bonne surprise : inventif, technique sans être démonstratif, varié tout en restant cohérent, Baron Crâne s'affirme en quelques minutes comme un groupe déjà très mature et très à l'aise sur scène. Alternant entre parties terriblement groovy (ces lignes de basses qui nous sont servies, un régal !), passages plus directs et rentre-dedans et instants de respiration un peu plus expérimentaux, les trois larons nous baladent dans leurs titres aux structures improbables. Techniquement, c'est du très haut niveau, tant sur la maîtrise pure des instruments que sur la gestion des effets et des sonorités : avec leurs armées de pédales, la guitare et la basse sortent parfois des sons venus de l'espace, à se demander même s'il n'y pas quelques samples qui traîneraient (et non, il n'y en a pas, tout est géré directement sur scène par les musiciens, vraiment impressionnant). Les trois larrons semblent s'éclater d'un bout à l'autre de leur set, une complicité totale se dégage de leurs attitudes, de leurs regards. Et si ce genre de détail n'est pas à proprement parler musical, voir un groupe aussi soudé sur scène, ça apporte une chaleur au concert, une plus grande proximité avec les musiciens. Et le public ne se trompera pas et applaudira chaudement en fin de concert, ce que mérite largement Baron Crâne ce soir.
Setlist de Baron Crâne :
01.Way to Stratus
02.The Chase
03.Five Stones
04.Closing Door
05.After The Bombs
06.MD Stoner
07.Firmin
08.Warm Lake
Vingt ans donc, vingt ans qu'Ufomammut distille son doom psychédélique aussi lourd que perché à travers des albums d'une qualité toujours constante (chacun aura bien son album préféré, mais il n'y a à ce jour aucun faux pas dans la disco des Italiens). Et pour entamer cette soirée en forme de rétrospective de vingt ans de travail, Ufomammut choisit de commencer par un crescendo en proposant quatre de leurs réinterprétations de l'EP XX. Le set commence donc sans basse, Urlo se mettant aux claviers pour cette première séquence. Les nouvelles versions de Satan, Infearnatural, Mars et Destroyer s'enchaînent dans un crescendo extrêmement discret dont on ne prend conscience qu'en fin de parcours. Habillés de vidéo à haute teneur en psychédélisme noir, les morceaux créent une tension de plus en plus palpable quand, au bout d'environ vingt minutes, les claviers sont mis de côté au profit de la basse et que les petites touches de guitare de l'intro de Void donnent finalement (et habilement) vie à l'explosion de Sublime. Quand ce premier véritable gros accord guitare + basse + batterie arrive enfin, c'est tout le Petit Bain qui tremble et l'ensemble du public acclame le groupe.
Et à partir de là, le concert se transforme en un best-of intelligemment construit et sans temps mort. Temple et sa descente d'organe à mi-parcours vient ensuite écraser la péniche (peut-être mon titre favori du groupe) avant qu'un mash-up Stigma/Stardog vienne en remettre une couche, juste au cas où. Le son est absolument dantesque, lourd et dynamique à la fois. Je reste toujours aussi bluffé par le jeu de Vita qui, derrière ses fûts, cogne comme un forcené sur des mesures pas toujours symétriques, donnant au groove une saveur exotique. Comme toujours, les trois musiciens restent humbles et adressent régulièrement des signes de remerciement au public, conscients que leur projet n'aurait peut-être pas tenu vingt ans sans une fanbase dévouée. Hellcore et Oroborus s'enchaînent sans merci et le groupe quitte la scène à ce moment-là, laissant amplis et projections tourner. Et en rappel, God, massif et dense, viendra taquiner le Satan éthéré du début pour un set dont l'architecture a été mûrement réfléchie.
Ufomammut n'a pas fait les choses à moitié pour synthétiser ses vingt ans de carrière. Piochant dans presque toute leur disco (seul Eve a été mis de côté, mais vu son format, il est facile de comprendre pourquoi), Urlo, Poia et Vita ont donné une magistrale performance ce soir. Seul petit bémol, la durée du concert. Un poil moins d'une heure et demie, je m'attendais à un peu plus pour une tournée si spéciale. Mais, étant donné que tout était parfait, difficile de leur en vouloir pour de vrai. Groupe exemplaire en studio s'il en est, Ufomammut confirme sur scène que, même après deux décennies, l'énergie de leurs débuts les porte toujours.
Setlist de Ufomammut :
01.Satan
02.Infearnatural
03.Mars
04.Destroyer
05.Void / Sublime
06.Temple
07.Stigma / Stardog
08.Hellcore
09.Oroborus
10.God