Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
À chaque sortie d'Ufomammut, la question est la même : le trio italien va-t-il parvenir, une fois de plus, à nous retourner le crâne ? Et la question n'est pas vaine, parce que mine de rien, Ufommamut approche des vingt ans d'existence et n'a pour l'instant aucun faux pas dans sa carrière, aucun coup de mou, même si chacun a son petit préféré dans la disco du groupe. Ce genre de constance sur la durée n'est pas donné à tout le monde, et pourtant, Ufomammut semble faire ça sans forcer, tranquillement, sereinement, tout en humilité et décontraction, ce qui rend la chose d'autant plus impressionnante. Et c'est dans cette dynamique stable que s'inscrit la sortie de 8, nouvelle offrande du groupe.
8 comme huitième album, mais également symbole, si on bascule le graphème de 90°, de l'infini. Et de l'infini, il va en être question dans l'album, celui-ci reprenant un procédé cher au groupe : la construction d'un album sans pause, où aucun morceau ne se finit réellement, le tout s'écoutant d'une seule traite. Le découpage en titres ne sert que de point de repère, aucun morceau de 8 n'étant destiné à être écouté isolé. Et pour donner encore plus d'unité à ce qu'on pourrait appeler un morceau fleuve (certes, découpé en mouvements), Ufomammut a choisi d'enregistrer la bête en condition Live, laissant la technique studio à leur ingé son Live et jouant en power trio dans la même pièce. En résulte un son de guitare plus marqué que sur les dernières sorties, plus proche des premiers albums, moins perdu dans un brouillard fuzzé que sur Ecate ou le diptyque Oro.
Mais ce son de guitare plus massif n'empêche pas le développement de 8 de s'articuler toujours autour de cette dualité entre lourdeur et psychédélisme de haut niveau. Ufomammut n'a pas rangé les synthés bizarroïdes et les effets cosmiques. Sur la voix, en nappes sonores en fond de mix, en transition, en habillage, les effets divers sont partout, donnant par là-même une durée de vie quasi-infinie à 8 : chaque nouvelle écoute dévoile quelque chose de plus. Ce n'est, certes, pas nouveau chez Ufomammut, mais ça reste un tour de force à chaque fois : parvenir à produire un album qui, même à la dixième ou quinzième écoute, semble n'avoir déballé qu'une partie de sa richesse.
Malgré son unité, son homogénéité choisie et brillament portée, 8 renferme quand même quelques pépites qui se démarquent du reste. Si les deux premiers titres, Babel et Warsheep sont de très bonne facture, le troisième morceau, Zodiac, parvient à porter 8 un cran au-dessus. Avec sa ligne de chant prenante en intro posée sur un riff catégorie XXXX(X)L, Zodiac commence par tout buter avant de lentement, progressivement, se déconstruire pour arriver à quelque chose de très minimaliste (pattern de batterie basique + nappes grésillantes), puis, sans crier gare, nous explose à gueule avec un impressionnant et jouissif uppercut final, aussi tellurique que planant. En fin de parcours, Psyrcle se détache également comme un des meilleurs morceaux de l'album grâce à ce chant féminin mystérieux et fantômatique qui seconde Urlo, donnant une saveur intrigante à l'atmosphère du titre, une inquiétante étrangeté se dégageant de cette voix à la fois envoûtante et troublante.
Ufommamut propose avec 8 ce qui pourrait être son album le plus complet : reprenant du poil de la bête sur la guitare tout gardant l'expérience acquise au fil des ans sur les bidouillages électroniques divers, les Italiens réalisent une synthèse brillante et complète de ce style unique et personnel qu'ils développent au fil de leurs sorties. Les 48 minutes de l'album s'écoulent à une vitesse incroyable, l'absence de pause entre les titres facilite évidemment l'immersion, mais c'est surtout le talent de composition, la finesse dans la construction dont fait preuve Ufomammut qui autorise 8 à être ce qu'il est : un formidable et mémorable voyage dans un hyper-espace dense et haut en couleur.
Tracklist de 8 :
01.Babel
02.Warsheep
03.Zodiac
04.Fatum
05.Prismaze
06.Core
07.Wombdemonium
08.Psyrcle