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« La folie est comme la gravité, il ne lui suffit que d’une légère poussé »
The Joker
Folie, démence et chaos…humanité et destruction…tant de termes similaires, tant de mots et d’émotions pour décrire l’homme et ses actions…autant de définitions d’un déséquilibre mental profond…
Décrire les émotions est probablement l’une des actions les plus délicates en littératures, les rendre vivantes par l’intermédiaire de l’art l’est d’autant plus. L’émotion, réelle et viscérale, perceptible et vivante, sifflante, prête à bondir et s’infiltrer dans nos corps. L’émotion, réelle et non programmée afin de pénétrer une case préétablie, symbole d’une expression devenue stéréotype et inutile. Mais l’émotion est vaste et diverse, et répandre la haine ainsi que le dérangement psychologique n’est pas aisé.
C’est pourtant ce qu’un duo britannique réussi depuis plus de dix. La respiration du serpent…Anaal Nathrakh. Duo inhumain et pourtant si proche de nous, ces âmes damnés mais si invisible de la masse, ont créé une œuvre qui semble dépasser tout ce qui fut un jour tenté dans le genre. The Codex Necro avait subjugué par sa brutalité primaire, Eschaton pour sa compacité et son impression étouffante de se retrouver enfermer dans une cellule capitonnée. Puis arriva un Hell is Empty…and All the Devils are Here qui détruisit tout sur son passage, à la production écrasante et guerrière, aux vocaux d’un V.I.T.R.I.O.L plus déchainé et malade que jamais, et surtout dû à l’apparition si intelligente de chant clair dans ce déluge de haine et démence black et grind. « Pour vivre un cauchemar, il faut savoir rêver… ».
Symboliquement, In The Constellation of the Black Widow suit la même voie, le chant clair est toujours présent, mais à l’instar de sa pochette ténébreuse, le rendu est bien différent. L’impression de charnier, de brutalité guerrière et démoniaque a disparu pour laisser place à une expression bien plus humaine, bien plus personnel, non plus l’expression de la haine de l’humanité mais de la folie d’une unique âme, des troubles de son créateur. Irrumator a une nouvelle fois composer un disque à part, déroutant de part sa brutalité extrême, et prouvant que Anaal Nathrakh était définitivement unique. Le titre éponyme s’ouvre sur une impression de plongeon, dans les tréfonds d’une âme…le son est lourd, pesant, suffocant…puis tout s’accélère. Un blast effréné prend un auditeur à la gorge et le lacère avec une brutalité sans nom, par des riffs incroyablement rapides et surtout des hurlements inhumains, saturés et complètement débridés. Pas un hurlement identiques, pas un mot chanté de la même manière, tout semble improvisé, chaotique…mais le chant clair refait surface, en superposition d’un growl bestial black, pour une impression de perte de contrôle. Que penser…des soli épileptiques parsèment le morceau à la bestialité impressionnante, partagé entre vocaux hurlés black, vomi grind, clair ou simplement synonyme de déséquilibre (ces râles malsains prenant la forme de rires démoniaques).
Extrêmement court et intense, Anaal Nathrakh, plus que jamais, fait respirer son art afin de le rendre encore plus percutant et paradoxalement plus extrême et sombre. More of Fire Than Blood impose un blast prenant la forme d’une ouverture sur la porte des enfers, ainsi qu’un premier solo d’une incision phénoménale. Tout n’est que folie et néant, mais il y a ce refrain, presque beau, littéralement désespéré, comme une minuscule brèche d’espoir à l’intérieur d’un esprit en proie à une impossible paix. Un refrain déchirant qui renforce toute l’agressivité de la double pédale et des hurlements damnés des couplets.
Musicalement, des lignes mélodiques éclaircissent le tableau érigé par les britanniques, afin de créer un contraste et de ne plus jouer sur l’aspect monolithique des compositions. Terror in The Mind of God ou I Am The Wrath Of Gods And The Desolation Of The Earth Music s’apparente néanmoins dans une lignée stylistique du groupe, une violence de tous les instants, une agression permanente, un nihilisme exacerbé en faisant l’un des combos les plus violents existants. Une brutalité renforcée par cette production extraordinaire de puissance et d’impact, faisant de chaque riff et de chaque coup de pédale une déflagration neurologique, un pas vers le gouffre, une lame s’enfonçant un peu plus dans la chair putride de notre corps (le second titre cité est un exemple d’hystérie sur deux minutes trente presque indescriptible par les images qu’elle renvoie et les sensations de haine qu’elle procure).
So Be It, à la teinte également plus mélancolique et désespéré que purement brutale, démontre tous les talents vocaux de V.I.T.R.I.O.L, sachant véritablement faire ce qu’il veut de son organe vocal, d’un black écorché à un clair limpide mais si dérangeant et granuleux, presque scandé à des grognements bestiaux et primaires. Une ligne mélodique impériale en fait une ode presque accessible à la destruction. Le périple se termine presque comme il a commencé, sur un Blood Eagles Carved On The Backs Of Innocents débutant sur des samples d’aliénés. Mais tout semble encore plus fort, aliénant, fort, violent à l’extrême limite du supportable (l’on se souvient du final Castigation and Betrayal) mais pourtant si mélodique sur le pont. Mais ce sont ces couplets de fou furieux, chantés avec une haine et une aliénation de l’âme si néfaste…comme si rien n’était plus…les tripes se tordent, l’espoir est perdu, plus rien n’existe, plus rien n’est important, tout est factice et futile. Anaal Nathrakh a simplement tout annihilé, espoir et désir, humanité et vie.
Il n’y a plus rien. Rien que la haine et les échos d’une violence incontrôlable et insoumise, une violence humaine…que l’on désire simplement ne jamais vivre. In The Constallation of the Black Widow est la bande son de l’horreur que jamais personne ne pourra vivre et raconter, il est la vision d’un chaos de la main de l’homme, d’une folie qui banni et prohibe tous espoir de guérison et de retour à la normale. Il est ce que l’humanité a engendré de pire et de plus puant et noir. Il est cet homme qui vit et respire dans sa camisole de force pour ne plus avoir à hurler. Anaal Nathrakh est simplement dans sa tête.
1. In the Constellation of the Black Widow
2. I Am the Wrath of Gods and the Desolation of the Earth Music
3. More of Fire than Blood
4. The Unbearable Filth of the Soul
5. Terror in the Mind of God
6. So Be it
7. The Lucifer Effect
8. Oil Upon the Sores of Lepers
9. Satanarchrist
10. Blood Eagles Carved on the Backs of Innocents