Monster Magnet @ File 7
FIle 7 - Magny Le Hongre
Existe-t-il un endroit moins rock’n’roll que Magny le Hongre ? Existe-t-il en 2019 un groupe plus rock’n’roll que Monster Magnet ? Par une formidable union des contraires et une audace du programmateur, c’est pourtant en plein cœur du val d’Europe que les Seigneurs de l’Espace donnent leur unique date en France dans le cadre de leur tournée européenne. Rares sur nos terres, les Américains me donnent l’impression d’avoir eu du mal à profiter du regain d’intérêt du public pour le stoner et sont un peu perçus malheureusement comme des seconds couteaux par la jeune génération vendue à All Them Witches et autres Kadavar. Une injustice accentuée par le fait qu’en studio, très rares sont les groupes des années 90’s à avoir eu la constance discographique et à être au niveau actuel du Magnet qui, depuis MasterMind, enchaîne les albums réellement excellents là où des John Garcia, des Queens of the Stone Age ou des Fu Manchu se reposent peut-être un peu plus sur leurs acquis.
Ces considérations passées, c’est tout de même devant 300 personnes que Dave Wyndorf prit possession de File 7. Ancienne ferme, la SMAC a pour particularité d’être extrêmement haute de plafond ce qui fait que la mezzanine n’est pas gênante. De manière générale, le son se diffuse très bien et la visibilité est bonne partout, ce qui est rarement le cas des salles « longues ». Snobbant le pseudo-grunge de Puppy (une espèce de rock alternatif groovy mais bien trop chargé en sucre et en lamentations) je profite du fait que File 7 a invité les poadcasters de Troll in the Sky qui, en une heure, remettent en perspective la carrière de Monster Magnet tout en l’enrichissant de nombreuses anecdotes issues de toutes les étapes du parcours chaotique de Wyndorf. Non dénué d’humour et hyper documenté, il est toujours cool de découvrir des podcasters qui font passer transmission de connaissances avant recherche de buzz et FAQs.
« Gimme something back motherfucker »
La dalle monstrueuse de Wyndorf pourrait se résumer à cette phrase prononcée en ouverture de Space Lord, en fin de set. À plus de 60 ans, ex-sex symbol, ex-obèse, son petit mètre 65 tout en muscle et en coke ne semble être sur Terre que pour drainer l’énergie d’un public et la redonner sous forme de déflagrations soniques. Il semble ne savoir faire que ça, mais personne ne le fait mieux que lui et il le prouve encore une fois ce soir-là.
Dopes to Infinity en entrée de set donne l’occasion au maître de cérémonie de rentrer tranquillement dans son concert et de montrer qu’il n’a pas du tout perdu de son coffre malgré son âge et les excès, ce qui laisse d’autant plus songeur quand on se rappelle qu’il n’a qu’une paire d’années de moins qu’Ozzy. Embrayage sur les rêches Rocket Freak/Crop Circle (et son solo éruptif) et il ne faut pas plus de 3 titres pour savoir que tout sera parfait.
François Bon, dans son livre consacré à Led Zeppelin, évoque cette espèce de potlatch moderne, ce système de don/contre-don entre le public et le groupe. Je n’ai jamais été témoin d’un groupe qui convoque tant cette notion sur scène. Improbable mélange de Dahlsim, de Danny Trejo, d’Iggy Pop et de Goldorak, Wyndorf se fait tantôt lascif, tantôt vindicatif, tantôt séduisant, tantôt autoritaire, dans le seul but de récolter bruits, approbations, réactions de la part du parterre de File 7. Parfois surhomme au service de la distorsion, parfois être entièrement charnel, il est toujours marrant de se rappeler qu’un des frontmen les plus charismatiques du rock est une espèce de petit bonhomme qui cache son petit ventre derrière une petite guitare.
Bien que Wyndorf centralise forcément toute l’attention, il peut se reposer sur des musiciens ultra compétents. La section rythmique d’Atomic Bitchwax (excusez du peu) plus Phil Caivano, peu avare et toujours là pour faire profiter de ses 20 ans d’expérience et de ses lunettes de soleil en indoor.
Douze albums et conséquemment une setlist qui sera toujours source de frustration. Crop Circle et Melt ( !!!) pour les (très) bonnes surprises, Twin Earth et Mindfucker pour les grands absents du jour. Fait assez intéressant, la setlist part du répertoire « hard rock » du groupe pour glisser globalement vers des tracks plus space-rock avec en guise d’apothéose la doublette CNN War Theme et Dinosaur Vacume, apocalyptique à souhait.
Au terme d’un Powertrip qui est toujours une belle occasion de croire l’espace de 5 minutes qu’on ne va plus aller travailler un jour de plus dans notre vie et permet au public de s'extraire de son CDI, de ses crédits et de son sens du service public, Monster Magnet se retire, renforçant, comme à chaque fois, ce sentiment un peu amer d’être en face d’un groupe qui n’a pas ce qu’il mérite.
Setlist :
Dopes to Infinity
Rocket Freak
Crop Circle
Radiation Day
Melt
Look to Your Orb for the Warning
Ego, the Living Planet
When the Hammer Comes Down
Negasonic Teenage Warhead
Space Lord
Encore:
CNN War Theme
Dinosaur Vacume
Powertrip
Merci à File 7 pour l'invitation et à Camille Scandrol pour les photos.