L'édito #12 | Janvier 2019
mardi 29 janvier 2019Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).
Nous y voilà. 2019. La dernière année de cette seconde décennie. L’année après laquelle nous parlerons des années 2010 avec plus ou moins de nostalgie. Car, qu’on ait apprécié ou pas cette période, personne ne peut nier qu’elle aura été marquante dans bien des domaines. Et celui de la musique en particulier. Après des années 2000 où internet bouleversa complètement les normes de consommation – avec notamment le développement du téléchargement illégal –, les années 2010 semblent avoir donné lieu à une totale démocratisation du digital et du dématérialisé. Les groupes diffusent maintenant spontanément et gratuitement leur musique sur diverses plateformes comme Bandcamp, Soundcloud ou même Youtube, et beaucoup de fans préfèrent aujourd’hui acheter cette musique au format digital. Sûrement pour le côté pratique ?
Mais paradoxalement, les 2010’s seront également gardées en mémoire comme l’ère du vintage, du retour au format physique, et plus particulièrement au vinyle. Et notre chère musique n’aura pas échappé à la règle. Bien au contraire ! En plus de ce nouvel attrait pour le support, bien des genres musicaux se laisseront prendre au jeu du revival. Cela à tel point qu’une bonne partie des groupes que nous écoutons actuellement se revendiquent « authentiques », « comme à l’époque », « rappelant l’âge d’or du style », et autres formulations croustillantes. Du Heavy 80’s au Black Bestial en passant par le Death old school, le Revival Thrash ou même le Proto-Hard Rock 70’s, tout le monde veut « revenir aux sources », retrouver une sorte de « flamme originelle » qui semblait jusqu’alors perdue. C’est ce que j’appellerai sobrement le « syndrome Fenriz ».
Nous qui avons grandi ou mûri pendant cette décennie sommes de plus en plus touchés par ce syndrome Fenriz. Après un parcours initiatique, parfois ponctué de quelques faux pas, nous avons aujourd’hui une bonne vue d’ensemble sur cette culture Metal. Nos goûts sont maintenant pleinement forgés et nous avons tous notre (ou nos) style(s) de prédilection. Cependant, au fur et à mesure que nous évoluons et que nos préférences s’affinent, il semble advenir un phénomène aussi naturel qu’inhabituel : l’attrait de plus en plus marqué pour le son originel. On a beau écouter toutes les récentes sorties Death Metal, aussi novatrices soient-elles, ce seront très souvent les Morbid Angel, Incantation ou Bolt Thrower qui auront notre préférence, et par extension ce qui nous rappelle ces groupes et cette période. Aussi originaux qu’ils puissent être, les nouveaux disques de Grindcore n’égaleront jamais ce qui tend vers les premiers Napalm Death ou Carcass. De même que nous prendrons toujours plus notre pied sur un bon vieux Motörhead-worship que sur un groupe qui tente d’incorporer de nouvelles fioritures à ce son déjà si typé. Et cela semble également être le cas pour d’autres styles musicaux, qu’ils soient extrêmes ou non. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à voir le succès dans l’underground de groupes aussi divers que Midnight, Disma, Eternal Champion ou même Hexecutor pour prendre un exemple français. Au fil du temps, et particulièrement ces dernières années, les préférences de nombreux metalheads semblent bel et bien régresser au lieu de progresser.
Alors, évidemment, le facteur « découverte » est aussi à prendre en compte. On reviendra sûrement toujours plus vers un album qui a marqué notre adolescence ou tout simplement notre parcours musical, que vers un autre. Mais il n’empêche que petit à petit, beaucoup de fans de Metal semblent inévitablement revenir aux sources. Il ne s’agit pas là de dénigrer ce qui se fait actuellement. Bien des groupes des années 2000 et 2010 m’ont autant marqué que d’autres bien plus anciens. Mais je suis cependant enclin, moi aussi, à préférer tout ce qui rappelle les pionniers, le son original d’un genre. Nous sommes dans une véritable culture de la régression, et cela me parait presque inquiétant. Pour ma part, je suis de plus en plus hermétique aux styles hybrides, aux groupes qui tentent de nouvelles choses avec plus ou moins de succès. Je suis pourtant le premier à vénérer Opeth ou certains groupes qui mêlent habilement plusieurs styles en parfaite opposition. Mais il n’empêche que ce syndrome Fenriz a de plus en plus d’effets sur moi et apparemment sur beaucoup d’entre nous. Cette ère du vintage et du revival aura-t-elle eu raison de notre ouverture d’esprit ? Les années 2010 nous auront-elles rendus imperméables à toute forme d’innovation musicale dans le monde du Metal ? Je n’ai pourtant pas envie de devenir un Fenriz-like ! Suis-je condamné à me pignoler toute la journée sur les mêmes ersatz de Mercyful Fate et les mêmes clones de Darkthrone ou Incantation ? Je ne peux imaginer pareil supplice. J’aime la découverte et pourtant, lorsque je découvre un groupe de Metal sortant de l’ordinaire, il me déplaît 9 fois sur 10. Que faire ? Certains d’entre vous ont-ils trouvé un remède à cette maladie dégénérative à laquelle de plus en plus d’entre nous sont confrontés ? Les années 2020 pourront-elles changer la donne ? Est-il seulement possible d’échapper à cette régression musicale après toutes ces longues années à écouter du Metal ? Votre aide est la bienvenue. Bonne année et bonne fin de décennie à tous !