L'édito #2 | Février 2015
lundi 16 février 2015Mes chers compatriotes, si vous voulez tout savoir, à l'heure où j'écris ces mots, je suis dans le train en direction de la capitale afin de me rendre au concert d'Excrementory Grindfuckers au Klub, accompagné de Grum Lee qu'en toute honnêteté je pensais mort, et d'une flopée de groupes de Grind plus ou moins renommés. Subtilité quand tu nous tiens. Et pourtant, c'est bien là que je vais, et figurez-vous que j'ai même payé mon ticket (ce qui doit arriver à peu près une fois tous les trente-six du mois, autant dire pas souvent). Oui ce soir, je revêts ma tenue d'aventurier et m'en vais rejoindre les hautes sphères de la stupidité gratuite, des strings en dentelle pour homme, des barbes mal taillées, des déguisement uniques en leur genre et des beuglements calomnieux. Hmm, ça ne vous rappelle rien ?
En effet, cette année, comme chaque année depuis dix ans désormais, le Hellfest approche, emportant tout ce qu'il a de meilleur avec lui, c'est à dire ses fans écervelés et ses détracteurs verbeux. Dans un camp comme dans l'autre, les avis éclairés sont de mise, certains prônant les bienfaits de la grande fête du métale sur la peau, sur la douceur des cheveux et sur le développement personnel, les autres, caricatures du grincheux aigri de base, se plaignant de la sempiternelle absence du groupe de leur pote Gégé, des dates coïncidant avec celles du baccalauréat, ou de la présence - un tantinet prévisible - de la Denrée. Et oui, ça y est, le plus grand rassemblement de beaufs en France (bon, derrière le mémorial de Claude François) approche à grands pas, fête ses dix ans, hurlera "à poil !" autant qu'il le faudra et... c'est quand même un poil déprimant. On va pouvoir tous être ensemble, on va pouvoir faire semblant de tous s'aimer, du simple fait de notre condition d'amateurs de musique Metal, on va se mentir, se voiler la face, tous s'avachir sur le camping avec Vaginal Cassoulet, danser "les sardines" pendant Mütiilation en attendant, la larme à l'oeil, le si beau concert des fossiles annuels qui servent de tête d'affiche. Cool. Et encore, je vous assure que là n'est pas le pire, non, loin de là.
Figurez-vous, qu'en plus, ce ramassis de beaufs est complet, plus de tickets, fini. Mais pourtant oui, je vais préparer ma valise, faire mon running-order, avant de suivre, le filet de bave coulant de ma bouche entrouverte, le live-tweet de Metalorgie et les reports balancés sur place après les concerts. Mais, après tout, rien à foutre, hein. Le ticket est cher / Les groupes sont nuls / Le public est con / Il y a une grande roue / On ne peut pas distribuer de flyers / Il va faire beau / Il va pleuvoir / Il n'y a pas Tool / Phil Anselmo joue moins de douze fois / Il manque le Big Four / Il manque Gucamatz qui a pourtant sorti un super EP / J'attendais la reformation des Beatles / Le Fall of Summer est plus proche / Le son est trop fort / Il y a du bruit sur le camping. Voilà, j'ai les boules. Moi aussi, je voulais célébrer le Rock n' Roll déguisé en princesse mais il fallait que ce soit complet. J'ai donc pris le parti de me reconvertir en champion du Hellfest. Je crache sur eux gratuitement à coups d'arguments un peu légers alors que sur mon deuxième écran défilent les captations d'Arte Live Web que je regarde en pleurant. Triste monde que cet endroit où un festival complet n'a même pas la place d'accueillir ma lourde prison de chair...
Aucun doute, des défauts, le Hellfest en a une maison entière mais... il a quand même deux-trois qualités, celles-là même qui font qu'on y va tous, qu'à défaut on s'y intéresse tous, et qu'on prend le temps de débattre dans de longues complaintes stériles à son sujet. Ainsi, voici un appel au bas-peuple qui me lit : décrochez votre nez de Facebook et ouvrez un livre si vous ne voulez pas en entendre parler, ce sera tout de même plus productif que d'aller troller les statuts de vos comparses heureux d'aller voir Nightwish à la grande fête du métale. Bon, sur ceux, je m'en vais demander des accréditations presse et chercher mon costume de poulet.