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Album

08 septembre 2018 - Rodolphe

Alice In Chains

Rainier Fog

LabelBMG
styleGrunge
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortieaoût 2018
La note de
Rodolphe
8.5/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

C'est un peu par hasard qu'un journaliste venu assister à un concert d'Alice In Chains à Seattle le mois dernier a croisé Phil Staley, le père de Layne. Celui-ci est sorti de son silence, approuvant le choix de William DuVall comme "nouveau" chanteur (13 ans déjà, qu'il a rejoint le groupe), tout en relativisant "As far as I'm concerned, there isn't anybody that's going to match him". Sans doute parlait-il de son fils, sans le citer. Au fil du temps, la liste des icônes du Grunge disparues n'a eu de cesse de s'allonger, jusqu'à réduire le Big Four aux deux célèbres formations que sont Pearl Jam et Alice In Chains. Neuf ans après la mort de LayneMike Starr, l'ancien bassiste d'AIC sur la décennie 1983-1993, a lui aussi succombé à une overdose de drogues en 2011, alors qu'il entreprenait de vivre une seconde aventure musicale avec Days Of The New. Ces tragiques événements ne se sont jamais vraiment arrêtés depuis l'âge d'or du mouvement au début des années '90. Il y a un peu plus d'un an de cela, Chris Cornell nous a quittés, faisant des tristes membres de Soundgarden des orphelins. Le titre de ce sixième album, Rainier Fog, est d'une part une référence au Mont Rainier, le volcan qui surplombe la métropole de Seattle-Tacoma et d'autre part - justement - un hommage à la scène Grunge de Seattle. Du moins, du peu qu'il en reste.

Plus la discographie du Alice In Chains post-Staley s'enrichit de nouveaux albums, plus il paraît difficile d'isoler le chant de Cantrell de celui de DuVall, tant leurs voix se marient et se complètent à la perfection, en particulier sur All I Am - titre de sept minutes aux accents zeppeliniens. La place de William DuVall dans un album d'AIC a toujours été sujet à de longues discussions. A défaut d'avoir participé à l'écriture de plus de chansons que par le passé, il met davantage de sa personne dans celles où il est crédité aux lyrics, à l'exemple de Never Fade où il rend hommage à sa grand-mère décédée pendant l'enregistrement. Au niveau du second couplet, on peut entendre un "all my friends are leaving" qui s'adresse à tous les proches que le quatuor de Seattle a perdu, dont Chris Cornell. Aussi, c'est la première fois que l'on a la sensation que Jerry Cantrell lâche un peu du lest. Tout d'abord, il permet à son compagnon de route, DuVall, de jouer autre chose que de la guitare rythmique, en lui laissant poser un solo de sa composition sur l'efficace So Far Under. Quand on sait que les solos ont depuis longtemps été la "propriété" exclusive de Cantrell, on ne peut accueillir ce choix artistique qu'avec un certain étonnement. Ensuite, ce dernier a rappelé Chris DeGarmo, ex-Queensrÿche (avec qui il avait collaboré sur la tournée de Boggy Depot en 1998), pour exécuter les parties de guitares acoustiques de Drone qui font irruption à partir de 2:43. Il paraîtrait que Sir. Cantrell ait eu du mal à obtenir un rendu qui le satisfasse pleinement en studio.

Toujours est-il que même avec une production aussi proprette que celle de Rainier Fog, l'influence de Black Sabbath demeure intacte. On la perçoit sur une petite poignée de titres à l'ambiance pesante et aux rythmes qui empruntent au Doom tels que Drone dans lequel le jeu de basse de Mike Inez revêt une importance capitale. Au beau milieu de la tracklist se dresse ainsi la doublette constituée de Drone et de Deaf Ears Blind Eyes qui ouvre une seconde partie d'album de loin plus impactante et créative que la première qui, à bien des égards, recèle de clins d'œil aux précédentes sorties et d'éléments déjà-vus (et ce n'est pas une critique "négative"). C'est le cas du lead single The One You Know qui aurait très bien pu trouver sa place sur The Devil Put Dinosaurs Here, étant donné son côté lourd et accrocheur, combiné à quelques pointes de folie, à l'instar de cette note de piano bizarroïde perdue entre deux riffs et cette illusion que le titre se clôture à 4:30, alors qu'il continue sur un peu plus de cinq secondes d'une violence instrumentale mesurée. Nous ne pourrons également pas nous empêcher de rapprocher les voix meurtries formant les choeurs de Red Giant aux torturés "Aaah!" lâchés par Layne sur Them Bones. Pour le coup, même si la couleur blues qu'il avait donné au cinquième album est, hormis la magnifique ouverture a cappella de Maybe, absente de Rainier Fog, William DuVall détient le rôle principal sur un titre majeur de cet opus, à savoir l'éponyme. Sur ce morceau construit en deux parties - la première s'arrêtant à 2:35 lorsque l'on entend des cordes en fond - on distingue bien le chant profond et habité du monsieur, épatant sur la ligne "You can find me writhing in the ghost of a son".

Contrairement au Alice In Chains de 2013, Rainier Fog ne joue pas sur l'efficacité de ses refrains et la lourdeur de son instrumentation, ce qui rend l'album assez difficile d'accès. Pourtant, quand on s'y intéresse, il se révèle captivant, frôlant le Jar of Flies dans les titres plus acoustiques ou le Dirt dans les morceaux les plus énigmatiques. Chacun peut y voir la référence qu'il souhaite. Ce qui est sûr, c'est que William DuVall n'est pas le chanteur-fantôme que l'on décrit habituellement. Car s'il assure le chant lead sur très peu de morceaux, en revanche, les 3/4 du temps, sa voix accompagne celle de Cantrell. Il suffit de rayer son chant des derniers albums pour se rendre compte à quel point il est indispensable.

Tracklist :

  1. The One You Know (4:49)
  2. Rainier Fog (5:01)
  3. Red Giant (5:25)
  4. Fly (5:18)
  5. Drone (feat. Chris DeGarmo) (6:30)
  6. Deaf Ears Blind Eyes (4:44)
  7. Maybe (5:36)
  8. So Far Under (4:33)
  9. Never Fade (4:40)
  10. All I Am (7:15)

 

 

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