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C'est depuis approximativement vingt ans qu'Hank III, qui n'est autre que le petit-fils de la légende country américaine Hank Williams, associe la country traditionnelle héritée de son grand-père à des éléments cowpunk et metal, au travers de projets qui se valent tous dans ce côté barré (The Damn Band, Assjack...). Toutefois, il n'existe aucune scène country-metal quelque part dans le monde. Seule une petite poignée d'albums isolés tente de s'en rapprocher, à l'instar de l'innovant Rebel Meets Rebel, fruit d'une collaboration originale entre le chanteur David Allan Coe et les membres de Pantera, et dont l'enregistrement s'est terminé quelques mois avant le meurtre de Dimebag Darrell. Mais comme on peut s'en douter, tout ceci tient davantage du sous-genre de niche. Plus d'une fois, le leader de DevilDriver a cité Johnny Cash parmi ses influences vocales les plus notables. A leur tour, les Américains conduits par Dez Fafara ont donc voulu s'essayer à ce qui pourrait s'apparenter à du redneck-metal, avec un nom d'album, Outlaw 'til the End : Vol. 1, qui laisserait à penser qu'une suite est d'ores et déjà prévue...
Il est possible que ceux qui ne sont pas familiers avec l'outlaw country voient le disque comme un album classique de DevilDriver, avec tout ce qu'il comporte de titres criards et groovy. Car finalement, le groupe massacre tellement les chansons d'origine qu'il est difficile de se rendre compte que l'on a affaire à des reprises, et non à des morceaux composés par la formation (A Thousand Miles from Nowhere ou Copperhead Road). Même si la tentative de Dez Fafara de s'aligner sur la voix grave de Johnny Cash en introduction semble louable - ne serait-ce que pour ne pas perdre définitivement ses auditeurs sur le début de la tracklist -, la cover de Ghost Riders in the Sky se montre d'une affligeante médiocrité. La composition de base se métamorphose en une espèce de vieille chanson à boire à la Alestorm. Sous les yeux de John Carter Cash et de sa femme, les Américains produisent un sketch de presque quatre minutes, mené par des guitares simplistes et ultra-mélodiques qui ôtent toute la pesanteur qui existait sur l'originale. Comme si cela ne suffisait pas, le combo plaque un ignoble chant death metal sur les dernières secondes, quitte à perdre toute forme de crédibilité. Les solos, lorsqu'ils ne vont pas dans le sens de la démonstration et perdent un peu de ce côté "metal", gagnent en authenticité (Country Heroes, Outlaw Man), ce qui est cohérent dans le contexte de l'album. Mais le plus souvent, le quintet change l'or en pierre, et ne parvient que très rarement à trouver un bon compromis entre les deux univers musicaux, excepté sur Outlaw Man où le duo chant extrême/guitares country fonctionne assez bien.
Évidemment, Napalm Records n'a pas manqué de termes mélioratifs pour vendre le nouvel album de son "écurie" : "The perfect marriage of badass country grit and neck-wrecking groove metal supremacy". Pourtant, les passages country - du moins, le peu que l'album en contient - nous sont principalement apportés par les guests. Malgré leur nombre, le groupe semble leur accorder une importance toute relative. Par exemple, sur un morceau de son propre répertoire, Country Heroes, le pilier Hank III en est réduit à faire les backing-vocals. Son timbre de voix très particulier, qui n'est pas sans rappeler celui d'Ozzy Osbourne par moments, ajouté aux effets dégueulasses qui déforment son chant, rendent sa prestation très peu audible. Il en va de même pour le couple Cash. En effet, étant donné son apport minime sur Ghost Riders in the Sky, qui se limite à prêter sa voix sur les "Yippie yi ooh/Yippie yi yay", on peut supposer que le prestigieux nom de famille, Cash, a largement motivé DevilDriver à les inviter au studio. Pourquoi les envoyer aux choeurs, alors qu'il paraissait évident que la voix puissante de Dez Fafara allait rendre leur performance encore plus transparente voire anecdotique ? Reprendre des classiques de la country enregistrés pour la plupart il y a plus de trente ans est loin d'être un exercice aisé. Seulement voilà, transformer une chanson de Willie Nelson en une bouillie de death mélodique remplie de double-pédale et de touches speed metal (Whiskey River), et prendre ses distances avec le superbe texte d'Hank Williams Jr. qui mettait en valeur la ruralité américaine, au point de screamer ce qui devrait être chanté de façon naturelle et spontanée, relève d'une énorme faute de goût (cf. A Country Boy Can Survive).
Si les membres de DevilDriver ont du respect pour les artistes qu'ils reprennent, cela ne se ressent pas dans la musique, qui est tout sauf subtile. Les guests servent de décor à un album que l'on pourrait ironiquement qualifier de parodique, les plus belles chansons de country deviennent des titres génériques et Fafara vomit ses tripes sur l'ensemble de la tracklist. De la même manière que Machine Head, il est préférable qu'ils restent dans ce qu'ils savent faire... Pour le bien de tous.
Tracklist :
- Country Heroes (feat. Hank III) (3:41)
- Whiskey River (feat. Randy Blythe & Mark Morton) (3:40)
- Outlaw Man (3:31)
- Ghost Riders in the Sky (feat. John Carter Cash, Ana Cristina Cash and Randy Blythe) (3:44)
- I'm the Only Hell (Mama Ever Raised) (3:10)
- If Drinking Don't Kill Me (Her Memory Will) (feat. Wednesday 13) (3:52)
- The Man Comes Around (feat. Lee Ving) (3:49)
- A Thousand Miles from Nowhere (4:26)
- Copperhead Road (feat. Brock Lindow) (3:35)
- A Country Boy Can Survive (3:41)
- The Ride (feat. Lee Ving) (3:50)