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mercredi 18 avril 2018

Amenra + Fär @ Charleroi

L'Eden - Charleroi (Belgique)

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Avant de me lancer dans l'écriture de ce report, je tombe directement dans mon fil d’actualité sur un article de Vice intitulé "Bienvenue à Charleroi, la ville la plus moche d'Europe". Évidemment, c’est purement du hasard et je n’accréditerai pas ces théories complotistes farfelues comme quoi notre Seigneur Facebook collecte et partage nos données… Allons bon !

Alors, si je m'essaie à manier l'art de l'éuphémisme, Charleroi n’est sûrement pas la région la plus sexy du royaume de Belgique mais certains diront que c’est aussi ce qui fait son charme. Un charme brut et industriel pour une région baptisée « Pays Noir » en référence à ses mines de charbon qui font toujours partie intégrante du paysage carolo.

Culturellement, Charleroi n’est pas forcément la première ville belge à laquelle on pense (ou à laquelle on veut penser...) mais il y a une véritable activité underground en son sein et dans ses alentours. Pour la scène Metal, au sens large, il y a des bastions de résistance ici et là mais le concert du soir m’amène à découvrir l’Eden pas forcément habitué à accueillir des concerts du genre. L’Eden au cœur du Pays Noir un vendredi 13… Tout un programme ! 

Amenra avait planifié de longue date une mini-tournée belge dont la plupart des dates (et pas des petites salles...) étaient sold-out. Ce ne sera pas le cas ce soir mais c'est un sacré tour de force qui démontre un peu plus que la popularité du collectif courtraisien a véritablement explosé ces dernières années, lui ouvrant beaucoup de nouvelles portes. Une popularité à double tranchant qui amène un public pas forcément connaisseur et surtout pas forcément respectueux mais voir Amenra investir des centres culturels comme c'est le cas ce soir est plutôt positif. D'autant plus que l'Eden est une belle découverte. C'est une salle moderne bien située dans le centre de Charleroi et qui revendique fiérement ses origines avec un certain humour (les autocollants "La Walbanie, j'en suis baba"...) et on y trouve un grand bar annexe mais pas le temps de s'y attarder car sur les coups de 20h, c'est Fär qui prend possession de la scène...

 

 

 

FÄR

Parfois étonnantes mais jamais décevantes, les premières parties d’Amenra ne sont jamais le fruit du hasard. Après NNRA à Paris et Boris à Lille, c’est Fär qui a donc l’occasion d’ouvrir la soirée (ce sera également le cas à Hasselt le jour suivant).

Encore assez méconnu, le duo originaire de Brakel a sorti un vendredi 13 d’octobre 2017 son premier long format chez Consouling Sounds et sa division électro Circuits.  Du coup, oui ce n'est pas vraiment mon style de prédilection mais j'ai beaucoup apprécié ce « Salute » avec son coté sombre, dark wave pour le profane que je suis. J'étais néanmoins assez méfiant sur le rendu live que ça pouvait avoir (surtout en première partie d'Amenra) mais le duo a été assez malin pour faire appel à un vrai batteur en live, ce qui donne beaucoup plus de relief et d'authenticité à leur musique. 

Si au début ce sont surtout les basses qui me sautent aux oreilles, je suis rapidement pris à leur jeu. La vocaliste An-Sofie De Meyer, en plus d'un charme désenchanté, possède vraiment un bel organe vocal et sa diction ne trahit pas trop ses origines mais c'est surtout le bidouilleur de son en chef, Tim De Gieter, qui retient l'attention tellement il est intenable derrière ses machines  - avec son look de metalhead -  créant une espéce de bande son captivante qui évoque, avec son esthétique particulière, la Witch house. Sans jamais être ridiculement dansant ou décousu, c'est surtout fascinant tant le groupe arrive à déployer un univers musical complet, parfois surprenant. Certains passages me font en effet penser à Portishead et des groupes de cette vague. C'est donc une belle surprise qui par certains aspects dénote avec la tête d'affiche mais offre une intéressante entrée en matière. A revoir absolument !

 

AMENRA

Et de trois déjà cette année ! Paris, Lille et donc Charleroi ce soir. Le groupe avait annoncé sur les réseaux sociaux qu'il s'agirait probablement de son dernier concert belge en salle avant un long moment et je ne prendrai pas cette excuse pour mon déplacement bien que je pense qu'Amenra est vraiment à voir en salle, plus qu'en festival comme j'ai déjà pu l'expérimenter à deux reprises.

Les Courtraisiens ont pu se produire la semaine avant au Durbuy Rock Festival (à 1h de Charleroi), sorte de Motocultor belge, devant un public très éclectique (il suffit de savoir que l'affiche réunissait notamment Amenra, Enslaved, Eluveitie, Alestorm et Ultra Vomit) et sur la scène extérieure. Je voyais déjà des gens faire des ombres chinoises au Motocultor 2016 donc je vous laisse imaginer ça en pire avec des fans d'Alestorm... Alors d'un côté tant mieux que le groupe s'expose à un public élargi bien sûr, car je pense que beaucoup de non-initiés ont eu l'envie d'approfondir et je ne suis pas du genre à penser la musique de manière élitiste, mais ça nécessite néanmoins une initiation et un certain respect. Tout bêtement se taire pendant un concert plutôt que bavarder ce qui semble de plus en plus compliqué à faire comprendre. A écrire comme ça, j'ai conscience que ça peut paraitre très pédant mais j'ai besoin d'être dans ma bulle pendant un concert d'Amenra et je ne pense pas être le seul. 

Comme on a pu l'écrire dans un report précédent, Amenra se vit plus qu'il se raconte. Mais alors pourquoi diable le raconter ? Peut-être aussi pour approfondir mon ressenti car il y a toujours quelque chose que je ne comprends pas. Je sais très bien à quoi m'attendre au final (surtout en enchaînant les dates en si peu de temps) mais j'ai toujours l'impression de me plonger dans quelque chose, sans pourtant aucun rituel de ma part. Quelque chose de nécessaire. Bien que le terme soit galvaudé de nos jours, je peux évidemment parler de catharsis mais ça va au-delà.

"Boden" introduit comme à l'acoutumée la messe avec ces barres métalliques entrechoquées qui plongent l'Eden dans le silence. Un silence dans lequel s'enfonce Amenra pour amener l'intensité, la tension et la puissance. Bien qu'avec les normes sonores d'application en Wallonie dans les salles de concert, je suis beaucoup moins soufflé  ce soir par cette puissance mais toujours autant captivé par des titres comme "Razoreater" et son début fracassant ou l'inévitable et implacable doublette "Terziele / Am Kreuz" qui atteint des sommets en terme d'intensité et me fait entrer en communion. La partie "Am Kreuz" me remue tellement... Je ferme les yeux et c'est comme si je livrais un combat intérieur face à mes démons. Un combat que Colin semble livrer aussi dos au public. Chaque accélération et coup de cymbale étant un coup porté de plus. C'est difficile à décrire autrement mais je pense que beaucoup de gens peuvent se retrouver dans cette partie de texte : 

I wear my love like a crown of thorns.
You carried your cross long enough.
I wrote you a bible in blood.
With my bleeding heart on the cover.
And a teardrop on every page.
These wounds will always remember you.

La setlist est remaniée - écourtée - par rapport aux dernières fois et je suis un peu dubitatif par le placement de "Diaken", morceau fleuve qui referme le dernier album « Mass VI », en milieu de set mais très agréablement surpris par la présence de "Silver Needle. Golden Nail"  qui avait un peu quitté la setlist du groupe et qui est surement un de mes morceaux préférés. 

Plus d'une heure d'une messe qui ne m'aura pas laissée indemne une nouvelle fois. C'est comme se plonger dans une eau sale et puante, remonter à la surface et redescendre toujours plus profond comme à la recherche de quelque chose de plus précieux que soi-même. Peut-être est-ce là la meilleure métaphore : une plongée dans des eaux sales. Je suis mentalement épuisé mais une fois le concert terminé, comme purifié. Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung écrivait "sans émotions il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l'apathie en mouvement", Amenra l'applique à la lettre avec sa musique. Le groupe quitte la scène et l'énigmatique "Altijd en overal" (Toujours et partout en néerlandais) s'affiche avec le tripod emblématique...

J'ai le sentiment d'avoir vécu une soirée importante, et encore une fois mémorable. Nul ne sait de quoi l'avenir d'Amenra sera fait même si on peut deviner que le groupe est de plus en plus sollicité alors qu'il continue de s'auto-manager. Le succès va t-il changer la donne ? Je suis bien sûr admiratif de l'hyperactivité de Levy avec Wiegedood qui va livrer déjà son troisième album mais est-ce que ce sera bénéfique à Amenra ? Des questions, peut-être inutiles, mais une certitude : Amenra va continuer à marquer les esprits. 
Altijd en overal.

 

Setlist:

Boden
Plus Près De Toi (Closer To You)
Razoreater
Diaken
Nowena | 9.10
Terziele / Am Kreuz
Silver Needle. Golden Nail


 

Merci à l'Eden.