Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Rien que par son line-up Howling Sycamore a de quoi attirer l'attention. On y retrouve en effet Davide Tiso fondateur et fossoyeur de feu Ephel Duath (que l'on retrouve également, entre autres, chez Aborym) à la guitare et à la basse, Hannes Grossmann, batteur au CV plus qu'impressionnant (il a cogné en live pour Necropahgist, Hate Eternal ou encore Obsucra et fait partie d'une flopée de projet dont le plus en vue est sans doute Alkaloid). Deux musiciens chevronnés donc, le premier explorant plutôt le territoire du Black, la carrière du second étant plus orientée Death (technique), auxquels s'ajoute Jason McMaster au chant, qui quant à lui s'est taillé une belle page Metal Archives dans divers groupes tournant autour du Heavy/Thrash. Death, Black, Heavy, mais que nous réserve donc ce premier opus éponyme ?
À défaut de pouvoir lui créer une étiquette sur mesure, appelons Prog' la musique que propose Howling Sycamore. Un Prog dans une veine rappelant d'une certaine manière Arcturus, où l'extrême affleure en permanence sans que jamais il ne prenne complètement le pas sur cet esprit progressif qui reste le fil directeur de cette première offrande. Vous vous en doutez bien, avec les carrières respectives de chacun des membres, il était impossible que la technique et/ou la composition ne tienne(nt) pas la route. Mais ça va plus loin : Howling Sycamore est un vrai bijou de finesse et de construction. Que ce soit dans les parties lorgnant sur un mix Black/Death aux contours flous, puissant et agressif sans être purement brutal, que sur les passages d'obédience clairement Prog', tout est mûrement réfléchi et tout tient magnifiquement en place. C'est clairement le chant de Jason McMaster qui permet d'unifier ces deux univers, de faire passerelle : majoritairement typé Heavy, il se fond à merveille sur les passages denses tout en élevant les aérations Prog' vers des sommets d'émotions. Et c'est un mec absolument allergique à Maiden ou Priest qui écrit ça... Mais il y a dans l'approche de Jason McMaster un je-ne-sais-quoi de fou, de dément, il semble être au bord de la rupture en permanence, n'hésitant pas à partir complètement en sucette parfois, dans ces espèces de hurlements cinglés mais parfaitement jouissifs (Upended, Descent To Light).
Du côté instrus, je le disais plus haut, c'est un équilibre surprenant que parviennent à mettre en place Tiso et Grossmann. On y trouve des passages Death bien écrasants (la partie centrale de Let Fall, avant le pont acoustique), des mélodies froides d'inspiration Black (disséminées un peu partout, un exemple parmi d'autres : le début de Midway). Mais ce qui domine l'ensemble des titres, c'est bien cet esprit Prog' dont je parlais plus haut, un truc, un machin, un bazar, un bidule qu'on ne peut pas ni vraiment qualifier, ni vraiment cerner, mais qui est pourtant bien là. On le retrouve aussi bien dans les patterns de batterie bien surprenants que dans un riffing qui offre une multitude de petits détails croustillants et toujours efficaces. Et bien sûr, le sax y est pour quelque chose. Parce que oui, il y a du sax sur ce premier album d'Howling Sycamore. Non content d'être un supergroupe, le trio s'est payé deux invités de marque : Bruce Lamont au sax (Yakuza, Corrections House) et Kevin Hufnagel (Gorguts, Dysrhythmia). Si les deux apparitions du second sur les solis de Upended et Midway peuvent passer relativement inaperçues (sans être anecdotique), la présence de Bruce Lamont est quant à elle immanquable. Dès Upended, le bougre fait rugir son sax dans un registre chaotique vaguement free-jazz, propulsant ce premier titre au rang des trucs les plus excitants entendus en ce début d'année. Et chacune de ses interventions aura le même effet : un petit choc d'adrénaline directement dans le cortex, aussi efficace qu'impromptu. Clairement, ce premier skeud n'aurait absolument pas la même gueule sans ce featuring.
Pour synthétiser un peu ce que la bête a dans le ventre, parce que oui, ça part dans tous les sens et tout cet agglomérat stylistique peut sembler ne mener nulle part, on va repartir de la comparaison initiale, celle avec Arcturus. On est face à ce même type de Prog extrême sans l'être, inventif et porté par un chant majoritairement clair. Mais le jeu des rapprochements s'arrête à peu près là (Chant Of Stillness est le seul titre où il est clair qu'Arcturus fait partie des influences), ce sont maintenant les différences qu'il faut souligner pour affiner le portrait musical. Howling Sycamore est plus direct que le combo norvégien : l'album commence in media res, sur un break de batterie en syncope, et il en sera de même sur tout l'album. Pas de longues intros, pas de ponts étirés, Howling Sycamore construit des titres denses, sans perdre, encore une fois, cet inssaisissable esprit Prog'. Si l'on pouvait le localiser, il serait peut-être dans la production de Scott Evans. Cette dernière est extrêmement fine, travaillant aussi bien les sonorités extrêmes que les mélodies lead plus légères, proposant un petit aspect rétro à travers une batterie très sèche et sans triggeur (associée au touché jazzy de Grossmann sur les roulements de caisse claire) tout en étant bien ancrée dans son époque, avec un son de guitare précis et limpide.
Vous l'aurez compris, ce premier album est une réussite. La chose n'est pas toujours évidente lorsqu'il s'agit de supergroupe, mais pour cette fois la copie est sans faute. Inventif, audacieux, varié, passablement désaxé, vaguement fantasque, clairement original, Howling Sycamore est tout cela à la fois. Et sans doute encore en peu plus tant il me semble découvrir de nouvelles lectures possibles à chaque écoute.
Tracklist de Howling Sycamore :
01.Upended
02.Obstinate Pace
03.Let Fall
04.Intermezzo
05.Midway
06.Chant Of Stillness
07.Descent To Light
08.Dysphoria