Health + Horskh @ Nancy
L'Autre Canal - Nancy
"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Après la sortie de leur cinquième album Rat Wars, et après des tournées bien fournies dans leurs States d’origine, il était temps que les petits rigolos de Health viennent fouler les planches du vieux continent. Bon après, on le sait, c’est en général les parisiens - ou à la rigueur les nantais et les lyonnais - qui ont le droit à de tels noms. Mais, et bien que le groupe passera finalement bien à Paris en octobre, une fois n’est pas coutume c’est bien la province qui aura le droit à la primeur. Pour ce « Rat Girl Summer », présenté avec des vidéos typées animé cyberpunk sur les réseaux, Health se sera arrêté pour une seule date en France, à Nancy, entre des festivals comme le Download ou le Full Force. Une nouvelle fois, l’Autre Canal régale, avec en plus un statut de headliner et son heure de jeu promise. Etant le tenant du crachoir pour le groupe californien depuis que je les ai découverts un peu par hasard avec le single « Isn’t Everyone » en compagnie de Nine Inch Nails, je ne pouvais pas y couper. L’occasion inespérée de voir comment le groupe n°1 des memes cryptiques ultra référencés en story Instagram se comporte sur scène. Mais Health est-il si renommé en France ? C’est la question que je me suis posé en attendant l’ouverture des portes de l’Autre Canal. Le groupe américain, avec son ouverture Horskh, sera même cantonné à la petite salle. Mais finalement, l’audience aura été présente en nombre et aura bien rempli l’espace alloué. Mais quelle audience d’ailleurs ? C’est là qu’on se rendra compte si Health est fédérateur et dépasse les frontières qui le calent grossièrement entre indus, metal et même rock de manière générale, et public g33k. Se mêleront donc dans le public communauté LGBTQIA+, auditeurs avertis à t-shirt NIN et metalleux de tous âges, et même looks relativement casual (en plus de nombreux t-shirts du groupe, la règle qui dit qu’on « ne met pas le t-shirt du groupe qu’on va voir » n’est décidemment jamais respectée). Un public qui ne demande donc qu’à être fédéré autour d’un « cum metal » qu’on imagine excitant…
Horskh
Je dois faire un aveu, si j’ai longtemps été un grand amateur de metal indus, la scène a fini par me lasser faute de nouveaux groupes vraiment intéressants et j’ai arrêté de digger. Pourtant, un contingent avait émergé en France au milieu des années 2010 avec des groupes comme Jenx, Cub3, Calling Of Lorme, Octavion (de Nancy d’ailleurs)… peu ont donné de nouvelles depuis et le soufflé est donc retombé aussi vite. Horskh est arrivé dans ce sillage, mais si j’ai souvent croisé le nom parmi mon léger réseau indus subsistant, je n’étais jamais allé plus loin qu’une écoute de quelques singles d’une oreille. C’est plutôt par désintérêt du genre que parce j’avais trouvé ça bof mais, à l’approche du concert, je me disais que de toute façon, c’est le genre de groupe qui cartonnera bien sur scène. Bingo. Grosse énergie pour la formation de Besançon qui se présentera en trio, avec le chanteur Bass au look parfaitement « indus » qui ne tiendra pas en place, alternant également les postes avec le guitariste/programmateur. Horskh livrera alors un set ultra-efficace et surtout assez varié, oscillant en permanence entre purs assauts de metal indus aux riffs de guitare bien tranchants et beats industriels très percutants et entraînants. Oscillant aussi entre parties de chant saturé là aussi typiquement « indus » et chant légèrement plus clair, pour aussi poser quelques moments d’ambiance plus dark (bien accompagnés par le jeu de lights d’ailleurs). On aura même le droit à un sacré moment de grâce avec ce break où les trois musiciens joueront une partition synchronisée de percussions façon Tambours Du Bronx. Et bon nombre de compos que ça soit metal ou electro me resteront dans la tête un bon moment, de quoi se repencher sur le cas des albums une fois rentré à la maison. Le son aura été aux petits oignons, mettant bien en valeur la composante électro sans être trop agressif, et le public aura eu du répondant s’offrant même un petit wall of death à l’appel de Bass en fin de partie. Certes, il faut aimer l’indus pur et dur pour apprécier Horskh à sa juste valeur, mais il sait bien comment remuer une salle de concert. Avis aux amateurs…
Health
Après une pause de rigueur où l’on aura, bien évidemment, pu voir Johnny un peu se balader parmi le public pour faire quelques selfies et des tchins - sans son costume d’Asuka d’Evangelion, mais au moins avec des oreilles de chaton ; l’autre trio du soir qu’est Health va donc prendre place sur scène - après une sorte de morceau de j-pop passé en intro… Qu’attendre du groupe californien en configuration Live ? C’est la question qu’on se pose tant son style peut brasser large sur le fond, capable d’être très feutré comme particulièrement bruitiste, logiquement électro comme vraiment metal, équilibre que montrait bien Rat Wars. On se posera aussi la question de la setlist présentée ce soir, Health ayant tout de même eu un avant Vol.4 :: Slaves Of Fear et même un avant Death Magic - j’avoue même ne pas du tout être connaisseur de leurs débuts plus noise rock, et même Death Magic est un album que j’ai bien peu écouté. Le programme sera donc sensiblement le même que celui donné au Roadburn pile deux mois avant, si je n’ai rien omis. C’est même l’inattendu « Identity », présent sur l’album de collaborations Disco4, qui ouvrira l’heure de jeu même si c’était déjà le cas pour les précédentes dates américaines. Mais Health fera logiquement la part belle aux indispensables de Rat Wars, ce qui démontrera d’ailleurs sa facilité de passer d’un registre à l’autre, dès les premiers morceaux entre le bien metal « Crack Metal » et l’ultra-électro « Hateful ». Health sur scène, c’est donc du pur Health, du pur cum metal, entre tendresse des préliminaires et coups de reins plus bestiaux. La voix, tout en retenue, de Jake fonctionne bien et il ne faudra pas forcément tendre l’oreille. Johnny passe de sa table de samplers à sa basse avec aisance et a le beau rôle d’haranguer le public quand c’est nécessaire, Jake gardant le rôle du garçon timide bien qu’il soit aussi chargé de la logique communication (avec un accent californien à couper au couteau et un premier degré et demi si bien que personne n’a compris s’il y allait avoir un rappel… ou pas).
Si je dois chipoter sur la setlist, je regrette l’absence du formidable « Unloved » qui restera donc le tube caché de Rat Wars, ou de certains morceaux de Vol.4 :: Slaves Of Fear comme le culte « Strange Days (1999) » qui visiblement n’est plus joué depuis un moment… mais qu’importe. Death Magic se tire quand même une belle part du gâteau, ce qui m’a permis de redécouvrir l’album avec des morceaux comme le remuant « Men Today » tout en percussions, le bien dosé « New Coke » ou bien sûr ce hit qu’est « Stonefist ». Pour les morceaux plus anciens on s’attardera sur « We Are Water » (du deuxième album Get Color), d’ailleurs modernisé avec une partition électro pour le moins entraînante qui enjaillera la dernière partie du concert. Mais pour le reste, les tubes que je connais pour ma part sur le bout des doigts seront bien là en force. Et en bon metalleux bien sectaire sur les bords, ce qui me frappera plus seront les compos metal ou bien durement indus et sur ce point Health ne fait pas les choses à moitié avec une force de frappe colossale (« Psychonaut », « Future of Hell », le final de « Demigods », « The Message », la conclusion énormissime sur « Feel Nothing » et « DSM-V »), servie par un bon son et surtout des lights millimétrées avec des passages à l’obscurité toujours pertinents. Le reste a parfois été plus chiche. Entre certains passages électro un peu moins en vue (« Hateful »… je m’attendais peut-être à encore mieux), les moments noisy issus des plus vieux morceaux un brin trop chaotiques (avec Jake et Johnny qui gueulent dans des micros annexes… sans qu’on entende vraiment quelque chose), ou même des ratés à la guitare de la part de Jake qui fera la grimace… même son chant sera quelquefois inégal mais le vocaliste si particulier de Health saura aussi poser à la perfection cette ambiance mélancolique chère au groupe (« God Botherer », « Body/Prison », « Ashamed » entre autres). Sad music for horny people comme ils disent… et le public aura bien été cornu avec du répondant sur les morceaux les plus attendus. La perfection n’existe de toute façon pas, et c’est un peu le jeu avec un groupe si trans-genres de toute façon, mais c’est quand même du lourd surtout quand la puissance et les hits sont là, et pour le reste on se laisse porter par cette ambiance cyberpunk si particulière, et Health réussit son coup. Sans rigolade mais si on était venu pour les memes, on sera resté pour la musique. ‘till we don’t feel nothing…
Merci à Victor et Clément pour l'invitation.
(et aimez-vous les uns les autres)
(et joyeux jeud... dimanche)