Striker
Dan, Adam & Timothy
J'ai eu la chance de rencontrer les jeunes Canadiens survoltés de Striker, à l'occasion du concert qu'ils ont donné au Divan du Monde en février dernier. Ils ont tout pour plaire et ils iront loin. Entretien.
* Salut les gars !
« Bonjour » !
* Tout d'abord, pourriez-vous présenter Striker à nos lecteurs, en seulement trois mots ?
Timothy (guitare) : Fuckin' Heavy Metal!
Dan (chant) : Heavy Fuckin' Metal!
Adam (batterie) : Attends... Iron Maiden drunk (rires)
* Quels ont été vos « chocs Rock » respectifs ? Quand avez-vous décidé de devenir ceux que vous êtes aujourd'hui ?
Dan : Il y a très longtemps, mon père avait l'album « Money for Nothing » de Dire Straits (sifflote l'air du morceau-titre). Ce riff m'a donné envie de jouer de la guitare, et maintenant je suis chanteur. (rires)
Adam : Pour moi, ça a évolué au fil du temps. J'ai commencé à jouer de la batterie dans un groupe avec mon frère, puis à faire des concerts, à vivre cette vie... Et chemin faisant, je me suis retrouvé batteur de Striker.
Timothy : C'est Judas Priest qui m'a donné l'envie. « Breaking the Law » est le premier morceau que j'ai appris à jouer à la guitare, et me voici aujourd'hui.
* C'est comment de bosser entre frères (Adam et Timothy sont frères, ndt) ? Est-ce que cela vous facilite la tâche ou la complique plutôt ?
Timothy : Ça se passe bien. Vu que nous vivons ensemble, nous pouvons passer notre temps à nous engueuler.
Adam : Nous vivons ensemble, travaillons ensemble et nous jouons dans le même groupe. Autant dire que ça ne se passe pas trop mal entre nous deux. Nous aimons tous les deux les jeux vidéo et Star Wars, alors...
* À mon avis, « Stand in the Fire » représente un grand pas en avant pour Striker, car cet album vous a permis d'expérimenter de nouvelles choses. Était-ce votre intention dès le départ ? Et dites m'en plus à propos de cette histoire de saxophone sur « Out for Blood ».
Dan : Sur notre précédent album, « City of Gold », nous nous étions attachés à rendre un son live, à écrire des morceaux lourds taillés pour la scène. Cette fois-ci, nous nous sommes dit que nous allions faire ce que nous voulions, rien à foutre, et que nous verrions plus tard. Pour le saxophone, c'était un truc dont je rêvais depuis un bout de temps. Cette idée m'a inspiré pour écrire une histoire façon « L'arme fatale », avec un saxophone et un jeu de guitare à la Eric Clapton (rires). Une fois cela fait, nous avons rencontré le joueur de saxophone d'Edmonton (la ville canadienne d'où est originaire le groupe, ndt) que tu peux entendre sur le disque.
* Et d'un autre côté, l'influence du Metal des eighties n'a jamais été aussi prononcée que sur des morceaux comme « Too Late » ou « Phoenix Lights ». En fait, cet album va juste plus loin que les précédents dans tous les sens du terme, n'est-ce pas ?
Dan : Nous avions pensé à faire une sorte d'album « split » qui nous permettrait d'explorer différentes directions musicales. D'ailleurs, il se peut que nous le fassions à l'avenir, nous verrons bien. Mais en fin de compte, l'ensemble sonnait comme un album de Striker, et c'est pour cette raison que nous avons choisi de le présenter comme tel. Cela fait longtemps que nous essayons de combiner différents styles, et le Metal des eighties joue un rôle important dans ce processus. Le Heavy Metal traditionnel est notre base de travail.
* Le travail effectué sur les guitares est excellent sur le morceau « Escape from Shred City », votre premier morceau exclusivement instrumental. Est-ce que cela représentait un défi particulier pour vous d'écrire et d'enregistrer ce morceau ?
Dan et Timothy (en chœur) : C'était assez facile. (rires collectifs)
Dan : Les yeux fermés.
Timothy : Sur ce morceau, Dan a enregistré le deuxième solo de guitare. Et c'est l'un de nos amis, Brandon Ellis, un excellent guitariste qui vit dans le New Jersey (il joue entre autres dans Arsis, ndt), qui a enregistré le premier solo. Je me suis chargé de faire tout le reste. C'est du shred non-stop. Nous voulions écrire un morceau pendant lequel Dan pourrait faire une pause bière.
* Parlons un peu de la tournée. Vous avez déjà visité l'Espagne, et vous étiez à Colmar hier soir. Comment ça se passe jusqu'à présent
Adam : Nous sommes tous de grands fans de Primal Fear, et ils ne sont jamais passés chez nous.
Dan : Nous sommes fans de ce groupe depuis très longtemps, et nous ne les avions jamais vus avant le début de la tournée.
Adam : Imagine que ton boulot, c'est de voir jouer tous les jours l'un de tes groupes préférés. C'est énorme. Quoique... je viens de me souvenir que je les ai vus au Wacken 2011 en fait.
Timothy : Moi j'ai pissé en coulisses à côté de Ralf Scheepers au Graspop 2013.
* C'est pas possible.
Timothy : J'ai vu ce grand mec chauve et baraqué entrer dans la pièce. Oh mon dieu, c'était Ralf Scheepers ! Mais nous n'avons pas pu les voir sur scène ce jour-là, car nous devions partir tôt.
Adam : La grande différence pour nous sur cette tournée, c'est que nous jouons en premier tous les soirs. Il est vrai que nous avons déjà ouvert pour Bullet, Artillery...
Timothy (taquin) : Metallica...
Adam : Mais le fait de nous retrouver face à un public, certes nombreux, mais qui commence tout juste à se chauffer, c'est quelque chose de nouveau pour nous.
* Et comment le vivez-vous ? C'est un rythme qui vous convient ?
Adam : Carrément.
Dan : Ça nous permet de boire plus. D'habitude, c'est l'inverse. Ça équilibre la balance.
* J'ai vu sur Twitter que vous pensez que la voix de Ralf Scheepers sort de son biceps. J'ai pas mal réfléchi, et je crois que vous avez raison. Tout comme ses muscles, sa voix est devenue plus ample et puissante au fil des années. Cela fonctionne aussi avec Eric Adams de Manowar, par exemple. Mais dans ce cas, dites-moi, d'où sort la voix de King Diamond ?
Dan : Pas de son biceps... (hésite) Probablement de l'os de Melissa.
Adam : C'est pas mal ça... Il invoque sa voix en fait.
Dan : Nous devrions lancer une tendance Twitter : « la voix de chacun sort d'un certain endroit ». (rires)
* Ce serait top.
Dan : La voix d'Eric Adams sort... de la tristesse qu'il éprouve à l'idée que Karl Logan soit dans le groupe.
Adam (en parlant de mon enregistreur audio) : Éteins ton appareil malheureux ! (rires)
* Après ça, t'es un peu obligé de t'expliquer...
Dan : Eh bien, la version de l'histoire que je connais est celle selon laquelle Joey DeMaio, alors à la recherche d'un guitariste, a percuté la moto de Karl Logan. Et Logan lui a dit qu'il jouait de la guitare... (Avec une grosse voix :) « Hé mec, est-ce que tu veux jouer dans mon groupe ? » (rires)
* Tout le monde se dispute à propos de Karl Logan...
Dan : Karl Logan ne me dérange pas plus que ça en fait...
Timothy : Mais il a des petits biceps.
Dan : Il est tellement différent du reste du groupe. Ça fait bizarre.
* Et ils n'ont sorti que des mauvais albums depuis qu'il est là.
Dan : Il y a quand même eu « Warriors of the World »...
Adam : Qui est leur meilleur.
* Sérieusement ? Ok...
Dan : Il est pas mal. Enfin, c'est difficile à dire...
Adam : Nous avons un très bon ami allemand qui a apporté tous ses vinyles de Manowar au Magic Circle Festival (le festival organisé par le groupe, ndt) pour les faire dédicacer. Et quand Karl Logan a signé les albums sur lesquels il n'a pas joué, ce fan est devenu fou. « Mais qu'est-ce que tu fous ? Tu ne joues même pas sur ces albums ! » (rires)
Dan : Pauvre Karl Logan.
Adam : Mais revenons à nos moutons.
* Oui. Qu'est-ce que ça vous fait d'être de retour à Paris ? Vous êtes déjà venus ici (au Divan du Monde, ndt) il y a deux ans. Quels souvenirs gardez-vous de ce concert ? Étiez-vous assez sobres pour vous souvenir de quoi que ce soit ?
Dan : Hier, il n'y avait pas grand monde dans la salle. En même temps, c'était un mardi... Ce soir, nous avons pu nous éclater et donner un concert plus enlevé. Le public était réceptif.
Adam : Je préfère cette salle moi aussi. Il y a deux ans, quand nous avons joué ici avec Bullet, notre tante – qui est plutôt BCBG – a pris un billet d'avion pour Paris et est venue nous voir. C'était cool et inattendu de nous réunir en famille, ça je m'en souviens. C'est une super salle avec une super équipe.
* Ce soir, votre son était excellent. C'était comme d'écouter l'album, en plus puissant.
Timothy : Oups, je n'aurais pas dû jouer autant de notes bleues. (rires)
* Et sinon, avez-vous eu le temps de faire un tour en ville ?
Timothy : Non... Nous avons roulé tout droit depuis Colmar.
Dan : Nous ne sommes pas dans le bus, nous conduisons notre propre van.
Adam : Nous manquons de temps pour tout.
* Donc vous n'avez pu admirer que le paysage d'autoroute...
Adam : Ouais, mais c'est déjà pas mal. Quand tu es dans le bus, tu ne fais que dormir, tu ne vois jamais rien des pays que tu traverses. Aujourd'hui, nous avons vu des putains de montagnes, avec des routes sinueuses sur les flancs et des arbres enneigés... Ça nous a rappelé le Canada. C'était super.
* Maintenant, vous allez devoir répondre rapidement à un certain nombre de questions que je vais vous poser. Ok ? Que buvez-vous avant de monter sur scène ?
Les trois en chœur : De la bière.
* Et après ?
Idem : De la bière. (rires)
* Est-ce que les extraterrestres existent ?
Idem : Oui. Les lumières de Phoenix, mon gars ! (C'est le titre du premier morceau de leur nouvel album, ndt)
* Que feriez-vous dans la vie si vous ne faisiez pas ce que vous faites aujourd'hui ?
Dan : Je pense que je bosserais dans un studio d'enregistrement.
Adam : Je vendrais de la bière.
Timothy : Je boirais de la bière. Je serais SDF.
* Aisselles rasées ou "entretenues" ?
Adam : Ni l'un ni l'autre. Attends, pour les filles ou pour les mecs ? Moi, je n'ai jamais touché à mes poils. Mais je suis certain que les filles devraient raser les leurs.
* Sûr et certain ?
Dan : Gros, n'oublie pas que nous sommes en France... (rires)
* Ouh, le cliché.
Dan : Je ne l'ai pas constaté de mes propres yeux.
* Si seulement vous pouviez sortir du bâtiment... Vous verriez des Françaises. (rires)
Dan : C'est ça le problème avec le Metal.
* Est-ce que Jackie Slaughter (le frontman de Skull Fist, autre jeune groupe canadien, ndt) est plus joli depuis qu'il a commencé la muscu ?
Adam : Oui.
Timothy : Non.
Adam : Je crois qu'il a toujours été porté sur la muscu.
* Il y a deux ans, ma copine est tombée amoureuse de lui quand elle l'a rencontré. Ça n'a pas été facile...
Timothy : Mais depuis il s'est marié.
Adam : Toutes les filles sont folles de Jackie. Tu peux rien y faire.
Dan : Les filles aiment les mauvais garçons !
Adam : Nous avons pas mal tourné en Europe et partout les filles sont fans de Skull Fist. Je sais que c'est énervant...
Dan : Tu regarderas la tronche du personnage de Steven Tyler (le chanteur d'Aerosmith, ndt) dans les Simpsons. C'est Jackie Slaughter. Tu ne vas pas en revenir.
* Préféreriez-vous porter des vêtements d'hiver en été ou des vêtements d'été en hiver ?
Dan : On porte déjà des vêtement d'été en hiver.
Timothy : C'est ce qu'on est en train de faire.
Adam : Mais les deux sont pourris. D'ailleurs, qu'est-ce qui est pire : mourir de froid ou brûler ?
Timothy : Brûler est bien pire.
Adam : Je pense que je choisirais de geler.
Dan : Bien sûr !
Adam : Parce que tu peux pas le sentir...
* Et enfin, full speed or no speed? (C'est le titre de leur morceau le plus populaire, ndt)
Dan : Full speed.
* Sans aucun doute.
Adam : Mais quel jour de la semaine on est ? Suis-je à la maison ou en tournée ? Parce qu'un mardi à 9 heures du mat', chez moi c'est no speed à jouer à la PS4.
Dan : Nerd speed.
Adam : Et en tournée, c'est full speed à jouer au beer pong.
* Et à quels jeux jouez-vous sur la PS4 ?
Adam : Destiny, tu connais ? Call of Duty...
Timothy : Fallout.
Dan : Nerd... Nerd...
Adam : On joue à Fallout 4 tous les jours. Assassin's Creed... Je crois qu'au fond, tous les metalheads sont des nerds. C'est pour ça que nous nous entendons aussi rapidement.
* Je n'ai pas assez d'argent pour m'acheter une PS4.
Dan : J'ai eu la mienne gratos.
Adam : Ma copine m'en a offert une. Quand tu es une rock star, elles t'achètent des trucs. (rires)
* Dan, comment as-tu gagné la tienne ?
Dan : L'entreprise pour laquelle je travaille avait organisé une fête de Noël et j'ai gagné le gros lot. Ça a détruit ma vie. Avant, je jouais beaucoup aux jeux vidéo, mais j'ai arrêté quand mon ancien matériel a rendu l'âme. Là, j'ai recommencé et j'y passe tout mon temps. « I'm back in the wasteland »
Adam : Tu vois, on est tous des nerds !
* Plus sérieusement, quels sont vos souhaits concernant l'avenir du groupe ?
Dan : Dominer le monde entier.
Adam : Donner plus de concerts. Et jouer au Japon, ça fait des années que nous voulons le faire. Nous essayons continuellement de mettre ça en place, mais ça n'a pas encore marché.
Timothy : Nous ne nous sommes peut-être pas assez penchés sur la question.
Adam : Disons que ce sera pour l'année prochaine...
* Les Japonais parlent un anglais curieux.
Dan : Ouais, ça s'appelle le japonais. (rires)
Adam : Mais ce serait VRAIMENT une super expérience.
* Et ce sera ma dernière question : quels conseils donneriez-vous aux jeunes groupes qui se lancent dans le Metal aujourd'hui (en partant du principe qu'ils comptent réussir, bien sûr) ?
Dan : Le plus important : si vous comptez enregistrer un album, faites en sorte qu'il sonne bien. Le faire passer au mixage, etc., ça ne vous reviendra pas si cher que ça. Très souvent, lorsque je découvre des groupes, je me dis : « ça pourrait être très bon si ça n'avait pas été enregistré dans une poubelle ». C'est un problème qui empêche tellement de groupes de percer... Beaucoup de jeunes groupes misent tout sur le live, ce qui est très bien mais... Si les gens n'ont pas la possibilité de ramener chez eux un disque de qualité, c'est mal parti. Ce n'est que mon avis.
Adam : Vous devez avoir conscience du fait que vous allez perdre de l'argent. Ça, c'est le premier point important. Ensuite, comprenez bien que que vous devez faire tout ça. Votre première tournée sera probablement naze, vous donnerez de mauvais concerts dans des salles vides, mais vous devez savoir que c'est le seul moyen de vous faire un nom en dehors de chez vous. Il y a bien des « local heroes », des groupes qui marchent dans leur ville d'origine et qui n'essaient pas d'en sortir, mais il n'y aura jamais plus de 300 personnes à leurs concerts et ce seront toujours les mêmes. Donc, si votre projet est sérieux, vous devez y croire et vous devez jouer le plus possible.
Timothy : Moi, j'ajouterais... Ne vous vendez pas corps et âme à un label. Les seuls groupes qui devraient être sur un label sont les big stars qui vendent des millions d'albums, genre Taylor Swift. Pour beaucoup de jeunes groupes, la solution évidente est de se faire signer. Mais ils se rendent compte qu'ils se sont bien faits baiser par la suite.
* Comment ça s'est passé avec Napalm Records (label Metal autrichien sur lequel Striker a sortis ses deux précédents albums, ndt) ?
Adam : Nous n'avons pas complètement coupé les ponts avec eux, nous ne nous sommes pas quittés en si mauvais termes.
Dan : Nous étions arrivés à un stade où nous pouvions faire nous-mêmes la plupart des choses qu'ils faisaient pour nous. Ils fournissent surtout de l'argent pour tout ce qui est d'ordre promotionnel et...
Ralf Scheepers (le chanteur de Primal Fear), manifestement à la recherche d'un tire-bouchon, entre alors dans la loge de Striker, une bouteille à la main, interrompant l'explication de Dan, ndt.
Adam : Nous avons gagné à travailler avec Napalm Records. Mais, quand nous avons été signés, on pensait que le label allait s'occuper de nous envoyer en tournée. En réalité, nous avons dû booker nos concerts nous-mêmes. Nous avons perdu beaucoup de temps en nous reposant sur d'autres personnes. C'est une erreur qu'il faut éviter de faire dans ce milieu : tu dois avoir conscience du fait que tu ferais mieux de faire les choses toi-même.
* Donc, à partir de maintenant, vous comptez tout organiser à votre compte ?
Adam : Oui, jusqu'au moment où ils nous donneront un putain de million de dollars. Tu sais, ton argent a autant de valeur que celui des autres. En fonction de leurs besoins, les labels ne font que payer avec ton argent des prestataires de services que tu pourrais contacter par toi-même. Mais il y a quand même des avantages à être signé sur un label : la visibilité que Napalm Records a instantanément offerte au groupe était phénoménale. Ça valait le coup, même si c'était une situation à double tranchant.
* Et maintenant que vous avez profité de tout ça, vous pouvez tracer votre propre route.
Adam : On l'espère. De toute manière, on va vite le savoir, l'album est sorti il y a trois jours (en indépendant, ndt). Donc achetez-le ! (rires)
Vous pouvez écouter ci-dessous les derniers mots (en français, s'il vous plaît) que vous ont adressés les membres de Striker.