Ah ça c'est sûr que la pochette offre un cadre moins idyllique que tes dernières vacances à Argelès en 2006. Comme carte postale on a clairement fait mieux mais bon, on s'en contentera. Quels rabats-joies n'empêche ces mecs de Cattle... Aucune pitié pour les gens qui triment l'été et qui ne rêvent que d'une chose, faire bronzette sur une plage au sable blanc entouré de cocotiers ; ni même pour ces chanceux qui sont déjà sur leur transat installés au cahélème et qui devraient avoir honte, oui honte, d'avoir posé deux semaines de congé pour partir.
Mais c'est bien là le problème, c'est qu'en réalité tu peux pas vraiment leur en vouloir à ces joyeux drilles pleins de bonne volonté. Après la grosse claque infligée par Monolith Of Inhumanity en 2012 et le premier morceau teasé, Manufactured Extinct, il faut dire que la prochaine rasade se montrait prometteuse. Et j'en conviens, elle tient ses promesses haut la main.
A l'instar du précédent album, The Anthropocene Extinction dispose d'une prod' propre et léchée assurée en partie par Dave Otero que l'on retrouve notamment sur le dernier Allegaeon et le dernier Cephalic Carnage (Elements Of The Infinite ; Misled By Certainty). Efficace, inspirée et racée la musique des quatre compères ne fait clairement pas dans la demi-mesure, ni dans la dentelle, et propose un Deathgrind de très bonne facture qui reste dans la veine des morceaux les plus emblématiques du groupe comme Dead Set On Suicide ou Forced Gender Reassignement. Vague de riffs après vague de riffs l'instru se montre irréprochable en enchaînant des passages grind vraiment bien gérés sur le plan rythmique complétés par quelques solos déstructurés et quelques pistes intermédiaires légèrement claustros. Le tout bien desservi enfin par le jeu du batteur qui ne contente pas de marteler les fûts et qui apporte un vent de fraîcheur à certaines parties plus complexes ainsi que par la basse qui mine de rien claque juste comme il faut, notamment sur Clandestine Ways.
Cattle Decapitation ne serait pas Cattle Decapitation non plus sans ses trémolos teintés de Black qui instaurent une ambiance suffocante et suintante d'hémoglobine et autres fluides corporels sympathiques. Pourtant et c'est là un point intéressant à noter Josh Elmore aère nettement plus sa partie guitare qu'à l'accoutumée. On l'avait un peu ressenti déjà lors de la publication de Manufactured Extinct mais j'ai tout de même été bluffé par certains passages qui lorgnaient presque vers des terrains plus mélodiques. Ça m'a particulièrement frappé sur Apex Blasphemy et ses passages épurés mais pas moins entraînants. Plutôt intéressant donc, à voir ce que cela donne pour la suite. Même si l'album se trouve dans la droite lignée de Monolith Of Inhumanity, The Anthropocene Extinction se montre ainsi légèrement moins compact je dirais que son petit frère sans perdre toutefois une once de cohérence et d'efficacité contrairement au dernier Anaal Nathrakh par exemple (Desideratum). Ça n'en démord pas donc du côté de nos vegans préférés, loin s'en faut, et ça fait plaisir de les retrouver il faut bien le dire.
Sur le plan vocal, on retrouve en outre un Travis Ryan au top de sa forme. La palette vocale du bougre est tout simplement ahurissante tant les growls et les high-pitched screams beuglés sont techniquement irréprochables. L'équilibre est juste parfait entre d'un côté cette hargne viscérale et de l'autre cette émotion plaintive et saisissante qui donnent à la voix du bonhomme un cachet unique. Certaines pistes comme Circo Inhumanita. ou No Suitable For Life sont vraiment époustouflantes. Le frontman n'a clairement plus à faire ses preuves. Concernant les lyrics on reste évidemment dans un registre gai et folâtre avec à la clé des réflexions sur le consumérisme, la vanité de l'Homme, la dignité animale, mais aussi des thèmes plus problématiques qu'il n'y paraît comme celui de la surpopulation (avec un titre comme The Burden Of Seven Billions, difficile de faire plus explicite).
Quelques invités de marque font enfin leur apparition tout au long de l'album. Phil Anselmo d'une part qui apparemment ne peut pas s'empêcher de squatter la sphère grind ces derniers temps (avec King Parrot notamment) et qui se la joue Good Friends And Bottle Of Pills sur le morceau The Prophet Of Loss. D'autre part c'est Tristan Shone du projet indus Author & Punisher qui s'invite sur la piste suivante, Plagueborne, et dont le prochain album – je vous la donne en mille – est publié par Housecore Records. Décidément ça ne rechigne pas non plus à la tâche à la Nouvelle-Orléans.
Le ressac faiblit, la houle devient plus tranquille et finalement les sorties de l'été laissent derrière leur sillage un album haut en couleurs certainement pas placé sous le signe du luxe, du calme et de la volupté. Cattle Decapitation met ici les petits plats dans les grands et entend manifestement poursuivre sur sa lancée avec cet album qui ravivera forcément, j'en suis convaincu, les fans de Monolith Of Inhumanity. Pas forcément aussi excellent que le précédent effort qui reste fondamentalement la pièce maîtresse de la disco', le dernier album des Américains jouit toutefois d'un travail remarquable qui ne fait que accroître l'aura du groupe s'établissant pour le coup comme une valeur sûre du Metal extrême. Fini le grind barré qui marchait un peu à tâtons il faut se l'avouer, Cattle Decapitation consolide bien son jeu avec ce nouvel album dont le succès sera, à mon avis, garanti.
Tracklist :
1. "Manufactured Extinct"
2. "The Prophets of Loss"
3. "Plagueborne"
4. "Clandestine Ways (Krokodil Rot)"
5. "Circo Inhumanitas"
6. "The Burden of Seven Billion"
7. "Mammals in Babylon"
8. "Mutual Assured Destruction"
9. "Not Suitable for Life"
10. "Apex Blasphemy"
11. "Ave Exitium"
12. "Pacific Grim"