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At The Gates ce n’est pas un petit morceau. Leur album Slaughter of the Soul en 1995 a clairement été un des éléments fondateurs de la scène suédoise de ce que l’on a fini par appeler le melodeath. Court, concis et efficace, ce brulôt d’une trentaine de minutes a marqué les esprits de générations de musiciens qui ont depuis grandi et fait leurs propres expériences tout en prenant la scène laissée vide par le hiatus du groupe qui se termine donc en 2014. Mais reconquérir un public qui ne vous connait pas est un challenge non négligeable. Et surtout, lorsque l’on a été un fer de lance d’un genre nouveau, comment peut-on revenir sans passer pour du déjà entendu ?
Impossible de dire quelle a été la motivation principale de ce retour mais être encadré par une grosse écurie comme Century Media va certainement aider à simplifier les choses et le mettre en avant. On remarque d’ailleurs qu’ils se sont bien habitués aux nouvelles façons de procéder puisque At War With Reality est décliné en huit versions différentes (dont une version cassette limitée à 500 exemplaires…). Et contrairement aux premiers albums, ici on fait dans le pléthorique : quinze titres, dont deux bonus (The Language of the Dead et The Skin of a Fire) et une introduction façon citation de film en espagnol.
Le son a été forgé par Fredrik Nordstrom donc pas de grosses surprises, on retrouve les guitares tranchantes et la batterie qui claque. Cette continuité se retrouve en grande partie sur les compositions : les guitares mélodiques ( caractéristiques du genre) et une batterie assez monotone tellement son jeu se constitue de deux ou trois plans. Et le chant de T Lindberg, écorché et unique. On sent qu’il a un peu perdu de son côté agressif avec le temps ou le mix mais l’identité du groupe reste bien là à travers la voix de son frontman.
Le challenge de At War With Reality est de s’imposer dans les oreilles de ceux qui ne connaissent pas At The Gates tout en ne décevant pas les anciens. Le tout en respectant l’évolution des musiciens qui ont vécu de nombreuses expériences entre temps. Et quand on voit qu’ils ont bourlingué de The Haunted jusqu’à Cradle of Filth en passant par The Crown et Terror, on comprend vite qu’ils ont ouvert leurs horizons…
…Pour revenir à une musique totalement classique. D’ailleurs, on se replonge dans leurs disques précédents avec Conspiracy of the Blind, par exemple. Amusant de voir aussi l’instrumentale Ciry of Mirrors venir se placer aux 2/3 du disque, avant une chanson qui cogne (Eater of Gods) déjà fait sur Slaughter of the Soul ! Très peu de bornes sont franchies : le rapide reste raisonnablement enlevé (The Book Of Sand (the Abomination), les durées ne dépassent pas les 4 :30 pour la quasi-totalité des morceaux et le mélodique ne se perd pas dans des méandres qui rendraient le tout imbuvable.
Non, en fait At The Gates a compris qu’il fallait qu’ils fassent ce qu’ils savent faire le mieux. Et j’ai encore du mal à savoir quel avenir peut avoir un tel album : il est intrinsèquement bon mais vient au moment où l’on attend du neuf et pas forcément du classique. Alors on peut se raccrocher à de vrais bons riffs dans The Circular Ruins et à une énergie hargneuse dans Death and the Labyrinth ou encore The Head of the Hydra. La palette du talent d’At The Gates s’exprime largement et peut-être qu’il leur faut un album comme celui-ci pour faire une transition, un trait d’union entre le passé et le présent.
Alors, que penser de ce retour d’un groupe classique (encore un !) ? Et bien, d’abord qu’il est très convaincant car en aucun cas At The Gates n’a perdu son âme, bien au contraire, vous allez retrouver de très près ce que vous avez vécu il y a quinze ans, mais avec une saveur nouvelle. Car cette fois, ils ont pris tous les éléments de leur personnalité et les ont rassemblés sur un seul disque. Mais si vous vous attendiez à autant d’audace avec At War With Reality qu’avec Slaughter of the Soul, vous pourrez passer votre chemin. On pourra aussi se poser la question de la pérennité du groupe, mais en attendant profitez de cet album qui en vaut la peine, au rythme où les Suédois vont, on n’est pas sûr d’en avoir un autre !
01. El Altar Del Dios Desconocido
02. Death And The Labyrinth
03. At War With Reality
04. The Circular Ruins
05. Heroes And Tombs
06. The Conspiracy Of The Blind
07. Order From Chaos
08. The Book Of Sand (The Abomination)
09. The Head Of The Hydra
10. City Of Mirrors
11. Eater Of Gods
12. Upon Pillars Of Dust
13. The Night Eternal
