U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !
Vous connaissez sans doute ma passion pour les groupes Canadiens souvent exprimée à travers mes chroniques (Unexpect, Into Eternity, Cryptopsy ou encore Beyond Creation), alors le retour de Gorguts, après un hiatus d’une dizaine d’années, douze pour être précis depuis From Wisdom To Hate, était une occasion difficile à rater. Non pas que je sois fin connaisseur du groupe mais l’accroche était trop alléchante. De nouveaux membres venant de groupes réputés : John Longstreath (Origin, Skinless), Colin Marston (hehold The Arctopus) et Kevin Hufnagel (Dysrythmia). Un artwork de toute beauté et surtout qui colle parfaitement à la musique de Gorguts : mystique avec les chapelets de prière et ce qui ressemble à une robe de bure et mystérieux, un labyrinthe se dessinant dans le sable, à moins que ce ne soit la base d’un temple et les visages manquants de ces personnages peut-être avalés par les sables à moins qu’ils n’aient jamais pris forme.
Il ne vous faudra pas beaucoup d’écoutes avant de voir le lien ténu qui existe entre cette illustration et la musique de Colored Sands. Une certaine forme de mysticisme court dans les titres des Canadiens. Ce point est encore plus appuyé lorsque l’on sait que le concept qui sous-tend l’album est celui de l’histoire des Tibétains et de l’invasion de cette partie d’Asie par les Chinois. Si l’on peut comprendre l’implication et l’investissement de Gorguts dans la défense de ce peuple opprimé, on ne le ressent pas dans la musique, on ne ressort pas de l’écoute de ce disque en ayant perçu un parti pris.
On a cependant la sensation d’un certain tourment dans les mélodies et ses parties assez déstructurées comme dans An Ocean Of Wisdom ou Enemies of Compassion dont la rythmique atteint parfois des sommets dans la contorsion. Même s’il ne figure que sur la première partie de l’album, un certain appel à la méditation est présent dans les passages calmes, qui ne sont pas forcément légions sur Colored Sands. Car Gorguts est un groupe musclé et qui, pour faire passer son propos, raconter son histoire, a besoin de blasts. Des blasts de toutes les couleurs : Forgotten Arrows va très vite, tout comme Enemies of Compassion. Mais la puissance passe aussi par un son qui ressemble à un char d’assaut, épais à souhait, grave et rouleaucompresseuresque. Même s’il a été travaillé, il ne plaira pas à tout le monde, surtout ceux qui sont trop habitués aux productions taillées au diamant. Ici on fait plus dans la poutine que dans la cuisine moléculaire. D'ailleurs des morceaux lents comme Absconders en deviennent presque indigestes.
Tout en restant longs, pas une pièce ne passe sous la barre des cinq minutes trente, on ne ressent pourtant aucun temps mort ou aucun ennui. Mon chronomètre fait exception de The Battle of Chamdo qui ressemble fort à une musique de film d’Hitchcock. Pas aussi explosif qu’une retranscription classique d’une bataille faite par des métalleux mais angoissant à s’en ronger les ongles avec ses cordes mordantes. La longueur des morceaux n’est en rien une épreuve car ils maitrisent deux aspects : une certaine capacité à étirer les passages qui vont installer une ambiance et un talent à sublimer certains passages en leur rajoutant des couches musicales supplémentaires. Et les soli ne sont pas en reste puisqu’il ne s’agit pas seulement de rajouter des syncopes dans les rythmiques mais aussi de placer des soli assez rapides et furieux.
La principale difficulté dans cet album est son accès. Si l’on retrouve un grand nombre de caractéristiques du death metal classique, certains détails font une différence et vont repousser ou attirer un public complétement différent. Tout d’abord l’aspect dissonant apporté par des couches de guitares qui sonnent parfois si différemment qu’on a du mal à en suivre une comme sur Ember’s Voice. Chaque musicien est un virtuose dans son art mais l’ensemble ne se donne pas à la première écoute et vous risquez le mal de crâne si vous avez la prétention de tout avaler d’un coup.
Alors il est évident qu’au final un album comme Colored Sands et l’œuvre de Gorguts en général donne à réfléchir sur la façon de composer. Ils cassent les codes tout en les respectant comme un artiste moderne. Et l’on est peu habitué à cette façon de faire ce qui ne donne qu’encore plus envie d’écouter cet album pour les curieux et les afficionados de la torture mentale bien glissée sous une touffe de métalleux. Il faut prévenir l’auditeur qu’il va avoir l’oreille pleine pendant une bonne heure et que parfois le son est meilleur après l’avoir digéré, surtout avec Gorguts !
1. "Le toit du monde"
2. "An Ocean of Wisdom"
3. "Forgotten Arrows"
4. "Colored Sands"
5. "The Battle of Chamdo"
6. "Enemies of Compassion"
7. "Ember's Voice"
8. "Absconders"
9. "Reduced to Silence"