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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Pantera

Far Beyond Driven

LabelEastwest Records
styleThrash metal sombre
formatAlbum
paysUSA
sortiemars 1994
La note de
U-Zine
9/10


U-Zine

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Replaçons nous dans le contexte voulez-vous. Pantera, on le sait, a fait ses classes dans un registre glam un peu dépassé. Phil Anselmo s’y est essayé sans grande reconnaissance ni grand succès, jusqu’à l’album que d’aucuns considèrent comme le premier véritable album estampillé Pantera : Cowboys from Hell. L’art de réinventer le glam et d’embrasser le thrash, Pantera à cette époque a marqué les esprits par le feeling de ses compos, son agressivité presque candide, son punch en somme.

Vulgar Display of Power a gravé de sa patte les 90’s, a modelé autant l’orientation du groupe que la scène metal. Pantera a radicalisé son propos, composant en 1992 un brûlot de 11 titres incisifs, plus sombres, moins naïfs. Pantera a trouvé sa voie et cette espèce d’efficacité brute saupoudrée d’une technique instrumentale infaillible plaît à juste titre, le groupe parvient à mêler des ambiances sinistres à des acceptions plus légères, l’équilibre est témoin de ce qui donnera naissance à la carrière que l’on connaît de la formation Texane.
Intervient alors Far Beyond Driven, son crâne vrillé succédant à une pochette d’origine censurée car jugée pornographique, pour l’anecdote (pour la voir, je vous fais confiance). Impossible à l’époque de savoir précisément de quelle manière Pantera allait s’orienter suite à son sacro-saint Vulgar Display of Power. Compte tenu du succès public et critique de ce dernier, Pantera aurait pu facilement maintenir le cap, rester scellé dans ses sonorités, bref, faire un Vulgar bis, qui aurait peut-être contenté tout le monde.
Pourtant, Far Beyond Driven trouve une maturité nouvelle et montre un visage différent du Pantera que l’on croyait connaître. Si l’on devait faire le lien, on pourrait dire que Strength beyond strength, introduction percussive de ce skeud, reprend les choses là où les avaient laissées By Demons be Driven, conclusion du Vulgar. Rampant, brutal, malsain. Far Beyond Driven est un album sombre, Pantera y a laissé ses dernières affres adolescentes, a privilégié la noirceur sur un album qui introduira parfaitement le ténébreux The Great Southern Trendkill. Le riffing sur Far Beyond Driven est moins immédiat que par le passé, la musique de Pantera s’exprime sur des accents plus anguleux, les ruptures rythmiques sont plus brutales, la composition, plus spontanée peut-être.

Jaugé dans son ensemble, Far Beyond Driven est un album noir et immoral, peut-être le plus abouti de Pantera, qui n’a de douceur que son excellente reprise de Planet Caravan de Black Sabbath, venant conclure d’une caresse un skeud belliqueux à bien des égards, l’émotion s’en trouve surprise, malmenée, mais s’exacerbe par son contraste abrupte.
Pantera a grandi, sa musique également, les angoisses graveleuses d’un Anselmo transpirent dans ses textes, ses débuts d’héroïnomane se ressentent dans les angles déconstruits de certaines compos, Far Beyond Driven est un paradoxe entre volonté de dérouler le son et celle de catharsis.

Production sèche, textes incisifs, riffs qui taquinent les frontières du Death (Use My Third Arm entre autre…), drums au cordeau, Pantera ne s’est pas pour autant perdu dans l’expérimentation, on reconnaît les riffs typiquement yankees de feu Dimebag (I’m Broken), et sa capacité à produire des hymnes est restée intacte (Becoming, 5 Minutes alone).
Far Beyond Driven, c’est un peu – et à mon sens –le passage à l’âge adulte pour Pantera. L’album qui marquera une carrière qui ne sera plus jamais la même une fois ce skeud sorti, l’album charnière d’un groupe qui au-delà de ses délires VHS avait assez de tourments pour pondre une musique de cet acabit.

Insidieux, l’enchaînement Good Friend and a Botlle of Pills/ Hard Lines, Sunken Cheeks passe comme une lettre à la poste, le premier, sexuellement décomplexé à outrance, le second plus introspectif, et il en ira ainsi tout le long de la rondelle. Far Beyond Driven n’est qu’une connexion bluffante de morceaux qui ne se suffisent pas à eux-mêmes, qui n’existent que parce qu’ils sont succédés par d’autres. Entre riffs incandescents, typiquement Pantera (I’m Broken), et rythmes concassés (la très agressive Slaughtered), le quatuor opère dans un registre plus diversifié qu’auparavant, au sein d’un même titre se succèderont mid-tempo et célérité, faisant de l’œil au thrash sans jamais perdre de vue l’identité première de ses compositions.

Far Beyond Driven est un tout. Si vous appréhendez ce skeud, vous ne pouvez le faire que dans son ensemble, quand bien même vous seriez comme moi, à apprécier les hymnes qu’il contient, les 4 premiers morceaux le sont devenus à force sans doute d’être interprétés live, mais c’est surtout dans sa seconde moitié que Far Beyond Driven trouve son rythme et s’exprime pleinement.
Far Beyond Driven est juste essentiel chez Pantera, le tournant majeur, noir et intelligent, l’album, et excusez à l’avance l’expression qui n’a jamais été plus justifiée qu’ici, l’album de la maturité.

Pantera, plutôt que de céder aux sirènes du succès engendrées par Vulgar a préféré extrêmiser sa musique, composant au passage des titres voués à devenir des incontournables, tracer sa route, faire comme bon lui semblait, s’exprimer en une musique dans la droite lignée de ses prédécesseurs, en y injectant une plu value due à un je ne sais quoi qui fait de Pantera un groupe unique qui érige sa musique en un monument, et reste un vestige instantané de l’état d’esprit du groupe au moment de son élaboration.

Pari définitivement réussi.
Incontournable.

1. Strength Beyond Strenght
2. Becoming
3. 5 Minutes Alone
4.I'm Broken
5. Good Friends and A Bottle of Pills
6. Hard Lines, Sunken Cheeks
7. Slaughtered
8. 25 Years
9. Shedding Skin
10. Use My Third Arm
11. Throes of Rejection
12. Planet Caravan

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