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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Satan Jokers

Addictions

LabelXIII Bis Records
styleHeavy Hard Prog
formatAlbum
paysFrance
sortieoctobre 2011
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

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« La drogue est le nomadisme de l’exclu »
Jacques Attali


L’exclusion. L’isolement. Le mal-être... puis la chute. Inéluctable et profonde.
Les principales étapes de la vie d’un drogué, profond ou léger, passent invariablement par des sensations similaires liées à cette perte de contrôle, cette dépendance faisant un esclave baveux l’utilisateur de ces substances.
L’envie, le manque, briser les interdits... la dépendance, la déchéance, la paranoïa, la solitude... les uns entrainant les autres... un seul dénominateur commun.

Si les groupes de rock ou de metal ont usé et abusé de cette tare et l’ont souvent pris dans tous les sens, le sujet fut autant traité avec respect, pudeur et profondeur que vaguement effleuré dans une illusion rock 'n' roll bien vaine.
Satan Jokers, pour son troisième album depuis leur come-back en 2009, ont décidé d’aborder le sujet d’une manière distincte et originale, comme probablement personne ne l’a encore fait. Effectivement, relativement proche dans la sphère personnelle de ce monde (le fameux « sex, drugs & rock n’roll » des années 80’ ayant tout de même emporté Laurent Bernat, l’ancien bassiste, en 2004), le groupe a décidé de confier ses textes à l’ancien psychiatre de Renaud Hantson, Laurent Karila, dont l’écriture n’est plus une première (il est l’auteur de plusieurs livres sur la drogue notamment).
Dans l’ensemble des mots écrits par le psychiatre, Renaud en a ensuite tiré la substantielle moelle afin d’en rédiger les 13 scripts servant de support aux nouvelles compositions d’un groupe qui, en seulement deux ans, est revenu au premier plan de la scène heavy hard de la scène française. Et si "SJ2009" et "FetishX" étaient d’excellents opus techniques (euphémisme quand tu nous tiens...), rock n’roll et catchy, ils n’étaient que de modestes hors-d’œuvre en comparaison de ce "Addictions" qui les surpassent dans tous les compartiments, que ce soient dans le son, la composition, l’interprétation, la justesse de l’ensemble et des textes et surtout l’équilibre, parfois douteux sur les deux précédents, sur la totalité de l’album. Car une chose est certaine ; tout le long de ce concept reprenant l’ensemble des étapes du drogué, de la découverte de la substance puis du dealer, à l’addiction complète en passant par les doutes, la désintoxication, la rechute, la paranoïa et la pure déchéance, la bande à Hantson n’oublie rien et, sans langue de bois, évoque un sujet dur avec une certaine classe et une émotion palpable.

Débutant sur le très furieux "Reine Cocaïne", Satan Jokers regroupe les éléments bien connus, à savoir une armada technique impressionnante, entre une ligne de basse de Pascal Mulot absolument insaisissable, des riffs techniques et rentre-dedans et surtout les soli agressifs et extrêmement techniques d’un Michael Zurita une nouvelle fois en très grande forme (la partie solo/break de ce morceau est juste monstrueuse). Renaud chante de façon rugueuse et agressive comme nous l’aimons, très fidèle à lui-même, tout comme dans le destructeur "Appétit", tout aussi technique et speed, rapprochant le groupe d’un speed ravageur assez unique.
"Dealer" évoque plus facilement le long "L’enfer c’est Ici" du disque précédent, toujours avec cette ligne de basse incroyable et très audible, mais laisse flirter un riff plus rock n’roll, laissant plus de place au chant de Renaud, prenant une aura plus conséquente sur ce disque. Il n’y a qu’à écouter son cri final sur ce morceau pour se convaincre que le chanteur a encore fait d’énormes progrès depuis le retour sur les routes de France et d’Europe.

Très directe, la première partie d’Addictions pourrait trouver comme point d’orgue le sublime "Effet Parano", plus mélancolique, aux textes collant des frissons (« Plus de trois ans maintenant, que je suis vraiment dedans... ») interprétés brillamment par un grand chanteur. Relativement traditionnelle, la première partie du morceau se veut très rock et minimaliste, avant de sombrer dans un univers plus schizophrénique et sombre dans une seconde partie plus hachée et syncopée, très nouveau pour Satan Jokers. "Euphorie" surprend également dans son approche très moderne et saccadée, notamment grâce à un riff omniprésent et d’une lourdeur implacable. Un morceau dur et sans concession, aux textes marqués au fer rouge pour coller une tatane en pleine tronche de l’auditeur, entre un refrain mélodique et une reprise après le solo démentiel (« Je recherche ce putain de premier flash... »), accompagnés par des leads ponctuels d’un Zurita qui sonne plus guitar hero que jamais.

Mais nous évoquions une seconde partie du disque, particulièrement avec le morceau charnière "Detox" (ce qui, conceptuellement, tient parfaitement la route puisque cela marque inéluctablement un important changement), partagé entre des couplets noirs et cybernétiques mais un refrain très mélodique et beau, presque optimiste. "Lune de Miel" se veut ensuite plus mélancolique, évoquant la vie après « elle », la rupture et les premiers instants où tout semble si limpide et clair. L’émotion est palpable, viscérale... Renaud chante avec ses tripes et ça s’entend plus que jamais. "Puzzle Cérébral" sème le doute de manière presque ésotérique, démontrant une fois de plus que Satan Jokers ne s’est absolument rien refusé pour ce véritable cinquième album, repoussant très loin les barrières que nous pouvions imaginer dans un tel groupe. Une ambiance malsaine plane sur cette composition, à l’instar d’un serpent prêt à mordre, comme cette drogue, plus dure que jamais, venant de frapper de nouveau sa victime sans défense. "Chute ma Rechute" continu de célébrer cette douce mélancolie, se rapprochant de la catatonie, pour peindre le parcours d’un homme sombrant dans une spirale infernale dont il ne peut plus sortir. Musicalement moins techniques et flamboyantes, ces compositions prennent aux tripes grâce à un chanteur démontrant toute l’étendue de son talent, et surtout une qualité musicale d’ensemble qui manquait aux deux précédents albums, très disparates en terme de qualité, et allant de l’excellent au franchement dispensable.

L’album tire sa révérence sur un "Ma Vie sans V2" retrouvant la fibre virulente des premiers morceaux, plus rapide et technique et possédant une (enfin) note d’espérance dans le chaos conté sur l’album. Le riff, hypnotique, est constamment poursuivi par un Pascal Mulot signant une performance à la basse ahurissante, qui risque de faire des étincelles en live.
Satan Jokers tient enfin son album référence depuis son retour, et prouve à tout le monde qu’ils sont là pour de bon et qu’ils ne risquent pas de redonner le trône qui est le leur dans la hiérarchie du hard français.
Technique, créatif, viscéral, produit d’une main de maitre, sans carences ni temps morts, "Addictions" est l’une des plus grosses tueries heavy hard de l’année... et c’est en France, et en français, que cela se passe. Ne passer pas à côté de l’évènement, vous risqueriez de le regretter dans quelques temps...

1. Reine Cocaïne
2. Dealer
3. Substance Récompense
4. Euphorie
5. Appétit
6. Une Semaine en Enfer
7. L’Effet Parano
8. Detox
9. Lune de Miel
10. Mephedrone
11. Puzzle Cérébral
12. Chute ma Rechute
13. Ma Vie sans V2

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