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« Chaque réussite est l’échec d’autre chose »
Jacques Prévert
L’échec.
Une notion bien abstraite de l’absence de satisfaction procurée par une action qu’un individu se convainc intérieurement d’avoir raté. La négation de l’action, le désenchantement d’une finalité en deçà des attentes, ou simplement un objectif non atteint.
L’échec ou cette absence d’abnégation devant la défaite, ce manque de hargne qui, chroniquement, empêche l’homme de rebondir dans bien des cas, tout du moins dans un premier temps.
"You Only Live Twice"…et si une seconde chance s’offrait à nous ? Une deuxième vie ? Une existence factice dans laquelle tout serait possible, accessible, atteignable et embelli.
Un songe, une utopie…
Pain en a offert le nom à son septième album…
Faisant suite à un "Cynic Paradise" ayant fait un véritable carton commercial, le multi-instrumentiste et génial producteur Peter Tâgtgren revient après un retour à Hypocrisy voilà deux ans.
Laboratoire des idées les plus expérimentales du ‘sieur, Pain a toujours fait de chacun de ses disques une expérience radicalement différente de la précédente et de la suivante. Néanmoins, plusieurs dominantes reste ancrées dans la composition du suédois depuis des années…à savoir une qualité musicale insolente depuis des années, et une propension à proposer des tubes atomiques tous plus explosifs les uns que les autres.
"Nothing Remains the Same" et "Dancing with the Dead" avaient imposé un métal électronique et catchy aussi violent que spatial, aux refrains mélodiques qui inspireraient une flopée de groupes de la nouvelle génération (les Sybreed et compagnies particulièrement) et à la production d’une massivité littéralement oppressante tout en étant paradoxalement des plus éthérées. A l’inverse, "Psalms of Extinction" avait été une aventure foncièrement plus froide, mélancolique et sombre. Un psyché particulièrement schizophrénique et tranchant d’un personnage tiraillé entre de multiples personnalités.
"You Only Live Twice" rejoint pour plusieurs points cet aspect, s’éloignant de la musique plus accessible du précédent opus, malgré une concordance dans un son d’une épaisseur effroyable (souvenez-vous le jouissif "Monkey Business"…).
"Let Me Out" ouvre le bal dans un flot de sonorités électroniques avant qu’une batterie ouvertement mécanique ne déferle, puis un hurlement dantesque de Peter, purement teinté Hypocrisy. Dès les premiers couplets, le suédois se fait menaçant, brutal, susurrant ses paroles de manière belliqueuse ou prêt à mordre la seconde suivante, sous couverts de nappes de claviers sombres et chaotiques. Un refrain chanté en clair ne vient pas éclaircir un morceau gardant sa veine d’agression et d’urgence. Quelques flottements atmosphériques évoquent le temps d’un "Rebirth", mais des guitares rageuses viennent très rapidement lacérer l’auditeur de nouveau, avec une hargne peu commune chez Pain, renvoyant ouvertement au groupe principal de l’architecte sonore qu’est Tägtgren.
"You Only Live Twice" laisse pénétrer une aura sombre tout au long de neuf morceaux tous plus épais et sombres les uns que les autres, dans une atmosphère parfois proche d’un Ministry actuel. "Feed the Demons" s’ouvre ainsi sur des nappes de claviers menaçantes, puis le riff s’enclenche en dévastant tout de son aura démoniaque. Peter apparait en prédateur sournois, rusé et machiavélique, usant de toutes ses variations vocales, passant d’un susurré glauque à un hurlé jouissif en s’octroyant quelques incartades claires beaucoup plus malsaines qu’à l’accoutumé (ce refrain martial en est le meilleur exemple).
Cependant, c’est clairement des compositions de la trempe d’un "Monster" qui laisse pantois tant il sonne comme un pur titre de death metal. De son ouverture en descente de toms au riff lacérant et violent en passant par des vocaux brutaux et excessifs, Peter se permet parfois d’y inclure des accents plus mélodiques et scandinaves. Les claviers occupent une place prépondérante dans l’instauration d’une ambiance apocalyptique et désolé en toile de fond, sur une musique toujours aussi directe et, malgré tout, incroyablement catchy.
On retrouve néanmoins le nid à tubes qu’est Pain avec "The Great Pretender" ou "We Want More" mais il apparait pourtant en second plan. Il serait pourtant dommage, voir impensable, de ne pas évoquer ces superbes morceaux aux refrains qui ne vous quittent plus une fois entré en tête. Le premier, simple et efficace, évolue dans une composition des plus traditionnelles, comme nous sommes en droit d’attendre de la part du géant suédois. "We Want More", quand à lui, largement plus frénétique, nous pond l’un des refrains les plus mémorables du disque, rapide et apte à déclencher une furie en concert, avec encore une fois ce Peter vicieux et opiniâtre sur les couplets. "Dirty Woman", premier single du disque, révèle également quelques surprises, entre un riff très rock n’roll mais produit de manière très moderne et épaisse, sur laquelle Peter semble se rapprocher vocalement d’un UDO cybernétique du plus bel effet. Ici encore, le refrain se veut purement hymnique et dévoile de manière insolente le talent d’un homme qui, depuis vingt ans, continu de composer, produire et jouer avec la même fougue, la même envie et la même détermination que s’il avait quinze ans et que le monde restait à conquérir, loin de l’état d’esprit d’un homme ayant déjà le monde à ses pieds (la collaboration et le résultat titanesque de sa production sur le dernier Septic Flesh en est le meilleur exemple).
Certes, "You Only Live Twice" ne changera pas le cours de l’histoire, mais il est un témoignage fidèle d’un artiste complet, fédérateur et définissant le terme « art » avec un grand A depuis deux générations. Un artiste complet, ayant déjà travaillé avec les plus grands, et ayant propulsé ses deux projets tout en haut de l’affiche depuis quelques dizaines d’années. Le témoignage d’un homme pour lequel le mot « échec » n’existe pas et se remplace invariablement par « travail, abnégation et remise en cause constante ». Peter Tägrtren n’a pas a vouloir une seconde vie…sa première est une pleine réussite. Un nouveau chapitre s’écrit sous vos oreilles ébahi…
1. Let Me Out
2. Feed the Demons
3. The Great Pretender
4. You Only Live Twice
5. Dirty Woman
6. We Want More
7. Leave Me Alone
8. Monster
9. Season of the Reaper