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« L’esprit d’improvisation est un défi au sens créateur »
Charlie Chaplin
L’improvisation ou la chronique d’un art en perdition…
Qui peut encore admettre improviser quoique ce soit dans son art ? Sa création ? Sa vie ?
Le monde se plie aux conformités, l’esprit devient étroit, la pensée se rétracte, la création se réfléchie de manière froide et mathématique.
L’improvisation ou l’antithèse de cette uniformité de la pensée. Une manière emplie de liberté, sans barrières ni limites, sans le penser, en allant là où l’inspiration immédiate, l’humeur et le cœur veut bien les guider. On retrouve ce phénomène dans le jazz où cette capacité d’improvisation est poussée à son paroxysme, laissant libre cours à la volonté du moment, notamment sur scène, où les musiciens peuvent s’envoler dans des interprétations pendant de longues minutes…
Comme lassés de leurs groupes respectifs pour un temps, des membres de Trepalium, Klone et Sinscale ont décidé de monter un projet instrumental de fusion jazz, grâce auquel il pourrait laisser libre cours à leurs velléités instrumentales.
Fondé sous le patronyme de Step in Fluid, les poitevins délivrent enfin leur premier effort studio, peu de temps avant d’avoir foulé les planches pour la première fois pour un concert vertigineux où ils ajoutèrent allègrement de longues minutes et soli en tout genres à des morceaux originellement plus courts et dépouillés.
Sous la houlette de Harun Demiraslan (Trepalium), les quatre compères, parfois accompagné d’un claviériste sur scène et d’un saxophoniste, se laissent aller, sans pression ni véritable réflexion, à un exercice de style instrumental foulant les contours d’une musique fusion jazz prenant autant aux riffs lourds et bruts du métal que du groove et de la respiration du jazz.
Vivante, presque palpable et mouvante, la musique de Step in Fluid se veut être un rafraichissement musical, aussi intéressant et original musicalement qu’il n’est d’une simplicité d’accès désarmante, à même de créer une dépendance très rapidement.
Reconnaissable entre mille, les mélodies de Harun chère à Trepalium fusionnent ici avec une assisse rythmique très jazzy et acoustique, naturelle, allant là où la musique le veut pour grandir et ne se fourvoyant pas dans une quelconque recherche technique ou expérimentale qui bloquerait l’évolution humaine de la chose. Loin de la technique, parfois même expérimentale, de Klone, Florant Marcadet livre une performance derrière ses futs tout en nuance. Le groupe atteint dans cette forme de simplicité une vérité se perdant avec le temps…que l’expérimentation est généralement l’antinomie complète de l’émotion.
"One Step Beyond", sous l’égide d’un artwork magnifique, sensible et mélancolique, s’ouvre sur le titre éponyme et présente les grandes lignes musicales d’un album qui se voudra à peine plus long qu’une demi-heure. Un riff épais et divinement groovy, une talkbox très en avant et apportant un touché très propre au jazz, des clavecins très « seventies » offrant un aspect retro à l’ensemble, des lignes de basses sensuelles et techniques et surtout cette sensation de respiration de la musique, à l’instar d’un cœur battant. La production, très chaude, convient à merveille au groupe, qui s’offre d’ailleurs un côté plus rock sur "Vicious Connection", où quelques voix se font entendre ici et là. Néanmoins, des soli font ici leurs apparitions, très fin, émergent tels des éruptions volcaniques dans un monde dominé par une basse souveraine et diaboliquement entrainante (le break avant le deuxième solo le prouve aisément). On se prend à voir apparaitre un grand sourire sur le visage, tant le groupe dégage une positivité, une légèreté dans un univers pourtant parfois relativement sombre.
Ainsi, "Beat Hunter" délivre un paysage beaucoup plus orageux, doté d’un riff en acier massif, d’une lourdeur implacable…avant de laisser filtrer une ambiance presque intimiste, dans laquelle on sent que l’explosion est souvent au bord du rasoir. Le riff, répétitif à l’envi et toujours aussi diablement accrocheur, tourne encore et encore dans le crane, dans une vision une nouvelle fois très jazz et humaine. "As We Dance" reprend un schéma rythmique renvoyant à "One Step Beyond", mais en le complexifiant, particulièrement la partie de batterie qui se veut beaucoup plus technique (et ce jeu de cymbales jouissif). Un saxophoniste fou apparait de nulle part, marquant de son emprunte unique le morceau, lui offrant un aspect aussi schizophrénique que littéralement festif. Pourtant, dans l’utilisation de cette instrument, il y a toujours cette note jazz d’originalité qui, néanmoins, selon l’instant présent, pourra être interpréter de multiples façons.
Dire que Step in Fluid est une bouffée d’air frais dans notre quotidien musical ne serait pas usurpé tant, pendant vingt-huit minutes, le groupe nous emmène ailleurs, loin de tout (l’évocateur "The Bridge" nous emmenant du côté de Cuba, les cuivres songeuses de "Smooth"…), sans prise de tête, sans ambition démesuré de révolution musicale ni de technique instrumentale pédante et inutile (la beauté du solo de "The Bridge" toujours, devrait inspirer bien des solistes tant il respire le feeling, la beauté et simplement la vie…). Step in Fluid est l’éclaircie dans un ciel désespérément gris, dépressif et sombre environnant…il est ce petit coin de ciel bleu que l’on espère voir grandir et s’imposer sur la durée, pour pouvoir l’apprécier encore et encore…la seule chose que l’on pourra regretter finalement, étant que ça ne dure que si peu…
1. One Step Beyond
2. Vicious Connection
3. Color
4. Dead End
5. Beat Hunter
6. The Bridge
7. Smooth
8. As We Dance