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Album

25 mars 2025 - Pingouin

Mortuaire

Monde Vide

LabelWorld Eater Records
styleDoom/death
formatAlbum
paysFrance
sortiemars 2025
La note de
Pingouin
8/10


Pingouin

Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.

Pour qui prête un peu attention à l’underground du death français, la sortie du 1er album de Mortuaire, le 7 mars dernier, chez World Eater Records, a dû être l’une des belles attentes en metal extrême de ce début d’année.

Largement convaincu par leur premier EP, sorti en indé il y a bientôt trois ans, j’attendais de pied ferme une production full-length de la part du super-groupe bleu-blanc-rouge : pour faire court sur les présentations, le line-up se compose entre autres de pièces rapportées de Year of No Light (Shiran Kaïdine, guitare), Âge ⱡ Total (Benjamin Sablon et Stéphane Miollan, respectivement à la batterie et la guitare), Spectrale/The Great Old Ones (Xavier Godart, basse) et Arms of Ra (Heddy, au chant). Ce line-up confirmé gravite donc depuis des années autour du black metal, du post-metal, du sludge-hardcore, et grosso modo de tout ce que les musiques dissonantes ont fait de plus marquant dans l’Hexagone.

Il était donc tout à fait surprenant d’entendre sur le premier EP la formule death old school proposée par Mortuaire, et c’est la même chose pour ce premier album, intitulé Monde Vide.

La recette est déjà bien établie. Mortuaire fait dans le doom/death piqué à la HM-2, de quoi parler aux amoureux et amoureuses des grandes heures suédoises du genre. Impossible pour autant de faire abstraction du CV des musiciens impliqués, et de grosses influences post-metal/sludge se font vite entendre. Si pas mal des riffs de Monde Vide n’auraient pas juré sur un album produit à Göteborg en 1993 (du God Macabre ou du Gorement, au hasard), Mortuaire les enrobe d’une basse ronflante, de percussions feutrées, et de dissonances inattendues. Les compositions sont chiadées, alambiquées, à l’image d’un « Tranchant », qui s’ouvre sur un riff bas du front, mais se clôt sur un break lancinant, sur lequel le refrain-titre est répété. Les lignes de chant sont remarquables, oscillant entre growl old-school et lignes scandées en chant clair (« Monde Vide »). Le final mid-tempo écrasant à la fin de la piste éponyme est d'ailleurs impressionnant, confinant presque le groupe aux confins asphyxiants du doom à la Cough. Impossible enfin de ne pas constamment penser à Year of No Light toutes les deux minutes en écoutant cet album, surtout une fois qu'on connaît le line-up.

Attiré par le groupe par mon amour pour le death suédois à l’ancienne, j’en viens pourtant à comparer la musique de Mortuaire à celle de Slift : un mur de son au service de l’épique, tout au long duquel jaillissent des fulgurances soniques. Le registre des paroles est d’ailleurs fort similaire au répertoire des rockeurs Toulousains (« Pyramide d’Or »).

Notons d’ailleurs que c’est toujours un plaisir d’écouter des paroles en français dans du metal extrême : le super-groupe construit une vision du monde totale, et comprendre ses paroles a son importance, contrairement à une bonne partie du death metal actuel. Pas de place à la couleur ici, si ce n’est pour le jaune ocre qui entoure la pochette de l’album : la vision de Mortuaire est faite de nuances de gris, de blanc, de noir, mais aussi de textures (le fer, l’or), et de perceptions d’un monde inhumain où l’adversité est perpétuelle (le feu, la lame, la solitude dans la guerre et le fanatisme).

L’EP sorti en 2022 était rentre-dedans et sans fioritures. Le premier full-length de Mortuaire est plus nuancé, plus introspectif peut-être, sans que le groupe fasse de concessions pour autant sur son registre extrême. Est-ce un grand album de death ? De doom ? De post-metal ? L'avenir nous le dira, mais Monde Vide est d'ores et déjà une sortie incontournable du metal français en 2025, qu'on a hâte de voir défendue sur scène.

Tracklist : 

1. Mauvais Présage
2. Pyramide d'Or
3. Monde Vide
4. Tranchant
5. Octogone de Fer