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Gris. Derrière ce patronyme énigmatique et passablement amusant dont le choix laisse dubitatif, se cache en fait les deux Québécois de feu Niflheim ayant opté pour un changement de nom, peut-être, qui sait, pour se démarquer de la connotation nordique suggérée par leur précédente dénomination.
Icare et Neptune, têtes pensantes de la formation Black ont accouché en 2007 du successeur de Neurasthénie (paru sous Niflheim), Il était une forêt....
L’introduction titre, majestueuse et savamment orchestrée par de planantes nappes synthétiques, plante partiellement un décor en parfaite adéquation avec le nom de baptême de cet opus. Touffue, pesante, sombre, empreinte d’une amère beauté, Gris nous propose une belle excursion dans une forêt humide et brumeuse, inquiétante par moments, atrocement paisible, mise en musique par un son de guitares très saturé (qui ne sera pas sans rappeler les choix opérés pour le cultissime Filosofem de qui vous savez), une section rythmique plombée, sans pour autant que l’on verse dans le raw.
Au contraire, parfaitement intelligibles, les 6 morceaux traversant Il était une forêt... sont par leur apparente accessibilité sonore diablement pénétrants en ce qu’ils ne misent jamais sur la surenchère de claviers ou le spleen à outrance.
Habillement employées, les atmosphères synthétiques étreignent délicatement les passages distordus, accentuant l’émotion sincère scandée par des vocaux écorchés qui fleurent bon la spontanéité, Veux-tu danser ? est en le plus parfait exemple, son explosion finale illustrant les larmes et la sueur, le sursaut de combativité mêlé au désespoir.
Avec des morceaux dépassant systématiquement les 8 minutes, l’ensemble ne manque pas pour autant de relief et de diversité, et quand bien même l’intégration de passages acoustiques serait légion dans le style pratiqué par les deux canadiens, jamais Gris ne tombe dans le cliché en employant systématiquement à bon escient les escapades organiques qui selon les compositions se feront tantôt pesantes et désespérées, tantôt lumineuses mais empreintes d’une triste résignation.
Contemplative à certains égards, suffisamment subtile pour suggérer les sentiments véhiculés sans qu’ils soient trop démonstratifs pour éroder leur sincérité, la musique de Gris est majestueuse à tout instant, comme le prouve le magistral coup de grâce qu'est La dryade, morceau instrumental qui vient conclure de la plus belle et émouvante manière qui soit ce voyage poignant, qui captive et bouleverse, comme l’ultime hurlement éperdu de celui qui trouve encore la force de se raccrocher à la vie.
Il était une forêt est le témoignage du talent certain d’Icare et Neptune, ne sombrant jamais dans la facilité d’un genre finalement très en vogue ces derniers temps, voyant pousser une profusion de groupes se complaisant dans la repompe éhontée. Et même s’il faiblit par instants (la très convenue Profonde misanthropie), l’album vaut assurément le détour par le brio de son exécution et la profondeur de ses émotions.
A la frontière ténue du DSBM (Depressive and Suicidal Black Metal) et du Black Metal Ambiant, Gris s’impose sans nul doute comme le mentor de jeunes loups aux dents longues, parvenant, parfois avec succès (le plus moderne Vacuum de Pensées Nocturne en est un vibrant hommage), à saisir l’aura éclatante de ce duo et à la pérenniser à travers les ans.
Et dans le vivier grouillant du DSBM dans lequel pataugent pléthore d’« ersatz de », Gris est un groupe de talent, incontournable, définitivement au dessus du panier, sachant avec érudition mêler ses influences sans les exacerber, qui me met encore aujourd’hui, et malgré les incalculables écoutes, systématiquement K.O. par enivrement.
Déchirant.
1. Il Était une Forêt...
2. Le Gala des Gens Heureux
3. Cicatrice
4. Veux-tu Danser?
5. Profonde Misanthropie
6. La Dryade
