Alcest + Svalbard + Doodseskader @ Oslo
Vulkan Arena - Oslo
hell god baby damn no!
Le dernier album d'Alcest, Les Chants de l'Aurore, est sans conteste l'une des sorties phares de cette année – et la tournée qui l'accompagne en conséquence un rendez-vous immanquable de l'hiver. Après avoir parcouru une bonne partie de l'Europe, dont quelques dates en France, cette belle affiche était de passage par chez moi. Et malgré la concurrence d'un concert de Kvelertak et d'un festival de death metal underground, Alcest fait facilement salle pleine d'environ 800 personnes (non, Vulkan Arena n'est pas une arena). Si pleine qu'il est difficile de circuler dès le premier groupe, et que cela deviendra impossible dès le second. Ne cherchez pas à aller prendre une nouvelle bière, passer aux toilettes, ni rien. Le merch a d'ailleurs la mauvaise idée de se trouver tout au bout de la salle juste en angle droit de la scène, si bien qu'il faut jouer des coudes et renverser les bières de tout le monde pour y accéder (pour s'y retrouver coincé).
Doodseskader
L'affiche, à la fois éclectique et complètement cohérente, est à l'image de sa tête d'affiche qui s'est depuis longtemps débarrassée des codes et étiquettes pour développer un univers et un son libre, riche, personnel et sans barrière. Doodseskader a de commun avec Alcest d'attirer un public estampillé « post » et de mêler les styles, mais dans une dimension radicalement plus sombre. Le duo belge évolue quelque part entre le post-hardcore d'Amenra, les passages éthérés de Deftones et le rap « sombre » typiquement pour metalleux comme Ho99o9 ou Gosthemane. Cela se traduit sur scène par un duo batterie et basse – chant (il s'agit d'ailleurs de Tim De Gieter, bassiste d'Amenra), et des projections violentes, plus ou moins abstraites, sur lesquelles flashent régulièrement les lyrics que Tim hurle ou murmure dans son micro. L'ambiance qui en résulte est sombre et suffocante, mais avec un côté beaucoup plus direct qu'Amenra, et parfois assez « adolescent » du fait du côté parfois assez emo du post-hardcore du groupe. Sans être complètement ma tasse de thé en soi, je suis tout de même rapidement happée par la performance totale que le duo offre, et le duo a clairement de quoi marquer les esprits.
Svalbard
Manque de chance : après m'être frayé un chemin tout à droite de la scène, c'est à cet exact endroit que Svalbard place sa batterie, à environ un mètre de mes oreilles. Et je n'entendrai donc rien d'autre de l'ensemble du concert. Je ne vais donc pas prétendre vous parler d'une prestation dans laquelle je n'ai pu entendre qu'un quart des composantes musicales, mais je peux en revanche vous confirmer que les patterns de batterie étaient aussi carrés que variés.
Ce que je peux aussi vous dire, c'est qu'il s'agit de la troisième fois que je vois Svalbard, et la seconde fois à Oslo. Le groupe semble avoir bien augmenté sa fanbase ici en deux ans et fait face à un public fort réceptif. C'est amplement mérité ; les lives du groupe sont toujours d'excellente facture (quand on est mieux placé que moi ce soir-là) avec des compositions variées et intelligentes allant piocher tout autant dans le post-hardcore que dans différentes facettes du metal, voire dans le post-rock pour ses mélodies. On ressent toujours une forte humilité et sincérité, que ce soit dans les paroles ou la communication du groupe avec son public. Bien que fonctionnant avec deux vocalistes, c'est bien Serena qui a le lead et qui parle le plus avec nous, remerciant le public pour sa présence et son soutien.
Bref, ce n'est que partie remise pour ma part, le groupe tourne de plus en plus et sur des affiches très diverses, il y aura donc amplement l'occasion de les revoir. Partageant quelques influences hardcore avec Doodskader mais délivrant une musique beaucoup plus lumineuse voire positive, Svalbard est aussi une parfaite transition pour la suite.
Alcest
Alcest est tout de même en soi une prouesse artistique. Le groupe fédère au-delà des scènes et des niches, et surtout, arrive à partager une vision très personnelle de Neige à nos imaginaires personnels. Nous n'interprétons sûrement pas ce que nous entendons et ressentons de la même manière, mais ce qu'Alcest crée musicalement arrive d'une manière ou d'une autre à toucher tout un auditoire aux sensibilités différentes, qui y voient sûrement des choses diamétralement différentes. Il n'est pas facile de retranscrire son imaginaire intime en musique, et encore moins d'en créer un son qui puisse résonner assez fort chez l'autre pour qu'il ou elle puisse s'y projeter. En live, cette universalité prend vie et on en ressort toujours le sourire flottant aux lèvres, les oreilles et la tête flottant dans un autre monde, perdu dans l'onirisme de la musique du groupe, et ce soir ne sera pas différent.
Le groupe semble travailler de plus en plus sa scénographie, sans jamais tomber dans la surcharge. Quelques lights au sol, une lune et des ombres de grues en fond rappellent la pochette de l'album, de même que quelques gerbes de blé sur le devant de la scène. Le tout transforme vite la scène en jeux d'ombres et de lumières, créant toute une myriade d'ambiances tantôt ensoleillées et champêtres, tantôt nocturnes sous une pleine lune, selon les morceaux. Les Chants de l'Aurore a tout de suite rappelé chez moi des souvenirs d'enfance et de la nature qui s'y trouvait ; me retrouver face à cette scénographie n'a fait que renforcer l'association d'idée en me propulsant directement dans cet imaginaire à mi-chemin entre la nostalgie de l'insouciance passée et des joies du présent.
Alcest jouera la quasi totalité du nouvel album ce soir. Si la voix de Neige se retrouve parfois un peu plus noyée que sur album, les morceaux prennent tout de même toute leur puissance sur scène. On y retrouve l'équilibre apaisé de l'album entre moments de calme et de hurlements, les arpèges et mélodies parfois dansantes. La chaleur qui s'en dégage contraste immédiatement lorsque le groupe enchaîne sur « Protection » et « Sapphire », morceaux phares de Spiritual Instinct : les lumières se refroidissent, la musique se fait un peu plus sobre et directe. On enchaîne avec la deuxième partie d' « Ecailles de Lune », restée là depuis la tournée anniversaire de l'album. Et il s'agit de la première fois de ma vie que je vois quelqu'un essayer de lancer un pit sur Alcest. La personne en question qui hurlait et sautait déjà partout depuis le début du concert, commence à pousser ses trois potes avant de se calmer après des regards noirs et un commentaire d'un gars de la sécu. Le reste du public se contente heureusement de montrer son enthousiasme avec des « On t'aime Neige ! » et autre déclarations d'amour entre les morceaux. Il faut dire que oui, on aime beaucoup Alcest, surtout quand on nous joue le classique absolu qu'est « Souvenirs d'un autre monde », et qu'il ne me semble pas avoir entendu en live depuis un petit moment.
Après un rapide rappel, Neige nous annonce n'avoir que deux morceaux à jouer. Et là, surprise : où est « Délivrance » ? Le titre phare de Shelter ne clôt plus la setlist. Si faire entorse aux vieilles habitudes fait toujours drôle, « L'Adieu » est un remplacement plus qu'adéquat au rituel de fermeture du concert. La guitare pleine de spleen et les notes de piano complètent parfaitement le chant et lui laisse d'ailleurs la vedette, moins noyée dans la réverb des autres morceaux. Un final magistral qui me mettra sans surprise les larmes aux yeux.
Merci pour cette heure d'onirisme, merci de peindre le monde de beauté et de faire résonner tant d'émotions qui peinent à se dire.
Le retour à la réalité est brutal, lorsque les lumières se rallument et que je dois courir pour sauter dans mon dernier train car il est déjà minuit.
Setlist :
Komorebi
L'Envol
Améthyste
Protection
Saphire
Ecailles de Lune – Pt. 2
Flamme Jumelle
Le Miroir
Souvenirs d'un Autre Monde
Oiseaux de Proie
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Autre Temps
L'Adieu