L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Enfin, il est là, ce second album de Kanonenfieber, si attendu après le succès de Menschenmühle, premier opus retentissant qui datait déjà de 2021 (et que Matthias vous chroniquait à l'époque ici). Attendu car en un seul album, Noise, l'homme derrière Kanonenfieber, avait réussi à créer une esthétique à la fois mystérieuse et accrocheuse, dérangeante et fascinante. Derrière une musique au final loin d'être inaccessible, qui brouillait les frontières entre black et death mélodique en y mêlant même des touches très modernes, Menschenmühle traitait la Grande Guerre sous un angle forcément inhabituel pour nous-autres « vainqueurs ».
J'irais bien sûr trop loin en disant que Kanonenfieber est la réponse metal au « À l'Ouest Rien de Nouveau » d'Erich Maria Remarque, mais le procédé est le même : présenter la Grande Guerre d'abord du point de vue allemand, dénonçant le militarisme du Reich (on parle bien ici de ce « Kaiserreich » chanté sur le refrain entêtant de « Menschenmühle » qui lance l'album), mais aussi et surtout du point de vue du soldat qui meurt dans les tranchées. Une approche moins « globale » que celle des Ukrainiens de 1914, qui prend souvent le parti de raconter des batailles dans leur ensemble, voire des pans d'histoire entiers en ne se mettant pas systématiquement à hauteur d'homme. Surtout, le chant en allemand de Kanonenfieber rend leur musique bien plus personnelle, là où l'anglais franchement moyen de 1914 peut parfois briser l'immersion.
La comparaison musicale, cependant, tient bien la route : un metal extrême chargé, grandiloquent, mais désormais quasiment dépouillé de ses atours black. La production n'a plus rien de rêche, elle est moderne, elle claque comme la basse du très doom « Der Maulwurf » et ses « Graben ! » massifs. Ca pourra déplaire à une certaine frange du public, à coup sûr ; l'un de nos rédacteurs a évoqué « du Behemoth pour fans de Lorna Shore » et, euh... disons qu'on peut y trouver du sens. Ce n'est en tout cas certainement pas un hasard si, en live, Kanonenfieber a séduit notre ayatollah du death mélodique Michaël tant Die Urkatastrophe est désormais plutôt un album de mélodeath (« Waffenbrüder », excellent morceau rappelant cependant un peu trop « Die Schlacht bei Tannenberg » sur l'album précédent) paré, par moments, sur certaines lignes de guitare, d'éléments vaguement black. La recherche du bon refrain, de la bonne ligne mélodique, va parfois trop loin (« Lviv zu Lemberg » se veut un peu trop catchy à mon goût), mais Noise peaufine sur cet album un sens de l'accroche perceptible dès ses débuts.
On le sentait venir dès Menschenmühle : Kanonenfieber serait plutôt destiné à l'avenir à un large public, d'autant plus quand on sait que le chef d'orchestre a Non Est Deus et Leiþa sur le côté pour assouvir ses envies de jouer du black metal. Die Urkatastrophe enchaîne en tout cas les ogives percutantes, avec peut-être un peu moins d'effet de surprise qu'à ses débuts mais avec un don très rare pour trouver la bonne mélodie au bon moment. Le final (avant l'épilogue acoustique « Als die Waffen Kamen ») « Ausblutungsschlacht », dédié à la bataille de Verdun, fait dans le plus grandiloquent que jamais et malgré son thème vu et revu, difficile de réprimer un frisson. En élargissant son public-cible, Kanonenfieber perdra peut-être certains fans de la première heure, mais le monde s'ouvre à eux.
Tracklist :
1. Grossmachtfantasie (intro) 1:20
2. Menschenmühle 3:39
3. Sturmtrupp 4:32
4. Der Maulwurf 5:19
5. Lviv zu Lemberg 5:38
6. Waffenbrüder 5:51
7. Gott mitt der Kavallerie 4:57
8. Panzerhenker 5:09
9. Ritter der Lüfte 4:03
10. Verdun (intro) 1:05
11. Ausblutungsschlacht 5:41
12. Als die Waffen Kamen (épilogue) 3:26